Je m'en confesse. Je trouve ça jouissif de voir les pleureuses responsables de chroniques « tour de Pise » déchirer leur chemise parce que Bernard Drainville a osé se ranger du côté du Parti Québécois en acceptant de devenir candidat lors des prochaines élections. Il est vrai que le choc a dû être terrible pour Michel C. Auger, cet ancien journaliste du quotidien indépendantiste et péquiste Le Jour (passé qu'il dissimule si l'on se fie à la présentation de sa petite personne sur cyberpresse) aujourd'hui collaborationniste professionnel à La Presse. Ou encore pour Patrick Lagacé, le blogueur « sans peur et sans reproche » qui a annoncé à la dernière minute à son ancien employeur, Quebecor, qu'il revêtirait désormais l'uniforme de Gesca. Eux, c'est clair, ils n'auraient jamais, jamais, jamais, mais au grand jamais, agi de la sorte? Sont beaucoup trop professionnels!
Ce que les « chers collègues », très peu habitués qu'autre chose que Vive le Canada! s'échappe de leurs rangs, reprochent à Drainville c'est d'avoir changé de chemise trop rapidement. Passer en quelques jours seulement de chef de bureau à l'Assemblée nationale pour Radio-Canada à candidat péquiste, ce ne serait pas éthique. Des secrets de polichinelle confiés par les formations adverses au journaliste pourraient ainsi se retrouver entre les mains du méchant PQ (un secret qu'on confie à un journaliste peut-il vraiment être considéré comme un secret ?). Si l'on se fie au respect qu'accorde André Pratte à la formule Off the record (rappelez-vous la méthode de travail qu'il a employée pour son livre Le syndrome de Pinocchio), il est légitime de se poser la question?
Les ministres libéraux de Charest ne digèrent pas davantage le geste émancipateur de Drainville. Ils prennent aujourd'hui leur air scandalisé (il est vrai que les scandales, ça les connaît) pour ainsi mieux soutenir, par l'entremise du servile Claude Béchard, que Bernard Drainville aurait dû prendre un temps d'arrêt avant de se lancer en politique. Probablement assez de temps pour que Charest parvienne à écraser le PQ. Après tout, ils n'ont jamais d'arrières pensées ces gens-là! Ils sont tous honnêtes. On doit leur faire confiance.
Or, où étaient-ils ces mêmes idolâtres canadiens qui n'en peuvent plus de s'offusquer quand Philippe Dubuisson a quitté son poste d'adjoint au directeur de l'information et responsable des pages politiques et économiques de La Presse pour se mettre le plus prestement qu'il le pouvait au service de Jean Charest alors chef de l'opposition à Québec? Où étaient-ils ces grands défenseurs de l'éthique journalistique quand Sophie Langlois, ancienne attachée politique pour les conservateurs, a été engagée par Radio-Canada comme journaliste à la tribune de la presse? Qu'ont-ils dit tous ces puristes de l'information quand Esther Bégin, annonceuse de nouvelles à LCN, présentait le scandale des commandites qui concernait directement son mari John Parisella? Et est-ce que ça les dérange si ce même Parisella remplace aujourd'hui Raymond Bachand (qui est devenu ministre libéral entre-temps) sur le conseil d'administration du Devoir? Et ne parlons surtout pas du conseil d'administration de Radio-Canada, là où pullulent les grands donateurs du Parti libéral du Canada (À ce sujet, voir le dossier réalisé par Le Québécois). Que dire aussi de la très chic Michaëlle Jean qui aime faire « une folle d'elle » et qui n'a pas hésité avant de quitter Radio-Canada pour le Ô combien honorifique et propagandiste poste de gouverneur général, en compagnie de son beau prince consort aux relations indépendantistes? Qu'avait à dire le brillantissime Michel C. Auger quand on a appris que l'influent Alain Dubuc recevait des petits cadeaux d'Option Canada? Pas plus impressionnant n'est le profil de carrière de Jean Lapierre qui, telle une folle girouette, est passé de député libéral à député bloquiste à animateur à député libéral et à nouveau à animateur? Plus fou que ça tu meurs! Aucun journaliste non plus pour nous informer sur la teneur de l'entente secrète qu'ont conclue Radio-Canada et Gesca au tournant des années 2000.
Par rapport à tous ces cas, ils n'ont absolument rien à dire, tous ces obséquieux, puisque la loi du deux poids deux mesures est la norme au Canada et au Québec et que cela, après tout, leur convient fort bien. Mais pour cracher au visage de Bernard Drainville, là par exemple, ils sont présents et prêts, tous plus déchaînés les uns que les autres, tous plus à l'affût de la moindre bribe d'information qui prouverait que Bernard Drainville a agi comme plusieurs autres « collègues », c'est-à-dire en faisant de la propagande, mais cette fois pour le camp adverse, celui de la liberté. Ce qui ne saurait jamais être acceptable au pays des commandites.
Il est vrai que les journalistes qui refusent de suivre béatement le troupeau qui paît dans les rouges champs de l'unité canadienne en paient le gros prix. On pourrait d'ailleurs en parler à Normand Lester, lui qui fut tabletté par Radio-Canada, et ce, parce qu'il
avait osé écrire un livre dans lequel se trouvaient des faits historiques qui ne servaient absolument pas la cause canadienne. Robert McKenzie du Toronto Star subit un sort encore pire parce qu'il s'était risqué à applaudir le travail du « collègue » Lester. Aucun
ne déchira sa chemise pour se porter à la défense du métier journalistique alors malmené par les tenants fermes de la pensée unique.
Les mêmes obséquieux ont été fort timorés lorsque vint le temps de dénoncer le traitement réservé au Zapartiste François Parenteau, congédié par la SRC pour... pour.... pour.... en fait, on n'a jamais trop su pourquoi, et le principal intéressé non plus. C'est ça la transparence médiatique au Québec. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il n'est pas permis de rire d'autrui (une si jolie façon de montrer les dents dirait Parenteau) quand on a une tribune pour le faire et qu'on est indépendantiste. La pire des tares aux yeux des adorateurs de l'unifolié. Et les deux journalistes de Sherbrooke qui ont été sciemment induits en erreur et qui ont été congédiés par l'ancien conservateur Luc Lavoie qui, il n'y a pas si longtemps encore, était copain-copain avec l'autre ancien conservateur qu'est Jean Charest, rien de grave là-dedans non plus?
Alors, avez-vous bien retenu la leçon cette fois où vous faudra-t-il quelques autres sacrifices exemplaires sur l'hôtel de l'unité canadienne?
Que Bernard Drainville accepte de faire preuve de courage en clamant que la liberté du Québec est plus importante que ce que peuvent bien en penser des « collègues » qui plieront toujours l'échine face à un patron qui tient plus que tout à défendre l'intégrité du Canada prouve hors de tout doute qu'André Boisclair a pris une très bonne décision en le choississant comme candidat! Ce n'est qu'avec des gens courageux qu'on parviendra enfin à renverser un perfide ordre politique qu'honnissent de très nombreux gens d'ici! Les gens du pays à naître!
P.S. Si vous voulez faire oeuvre utile, chers « collègues », pourquoi ne pas prendre une partie du temps que vous perdez à casser du sucre sur le dos de Bernard Drainville pour plutôt découvrir pourquoi l'Équipe intégrée sur la sécurité nationale de la Gendarmerie royale du Canada harcèle autant l'équipe du Québécois depuis quelques semaines, se permettant même de se pointer à nos domiciles à l'improviste! Je vais même vous faire sauver du temps en faisant une partie de votre travail à votre place. Le responsable de l'enquête est l'agent Éric Mallet : 514-939-8400, poste 2771. Mais peut-être préférez-vous attendre qu'ils nous envoient en Syrie comme un certain Maher Arar? Il est vrai que ça vous ferait une plus belle histoire à raconter? Je sais, je sais, j'exagère encore.
Patrick Bourgeois
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