Le capitalisme communiste

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En verve, Léo-Paul Lauzon tance Bernard Landry





Fini le clivage droite, gauche et centre


Eh oui, ça n’existe plus les notions de centre, de droite et de gauche. Faut être arriéré de nos jours pour taxer quelqu’un de gauche ou de droite. Il n’y a plus aujourd’hui que le capitalisme communiste du centre qui seul incarne les valeurs fondamentales de prospérité, de partage, de liberté, de solidarité, de compassion et de démocratie et j’en passe. Dehors les concepts éculés fondés sur le socialisme qui ne produisent, selon les experts, que pauvreté, guerre, dictature, déficit et dette publics. En tout cas, selon certains ténors de la grosse droite radicale, le socialisme est une espèce non pas en voie d’extinction, mais bel et bien disparue et on doit aujourd’hui ne parler que du seul système « naturel » possible, soit le capitalisme qu’ils vont apprêter à différentes sauces afin de vous emberlificoter et de satisfaire les gros intérêts. Ben voyons donc, la recherche de l’intérêt égoïste, qui est à la base du capitalisme, aboutit comme ça à l’intérêt et au bien-être général. Vous ne saviez pas ça? Allez, pour aider vos sœurs et vos frères dans le besoin adopter strictement à l’avenir, je vous prie, des comportements égoïstes.


Seul le capitalisme relève de la nature


Des gens pas très fort entre les deux oreilles, comme le maire Jean Tremblay de Saguenay les aime, y vont de toutes sortes de manigances pathétiques afin de vous convaincre que le capitalisme, c’est très excellent. Créer une minorité de riches et une majorité d’ordinaires qui vivotent, c’est un phénomène tout à fait naturel et c’est ce qu’il y a de mieux que l’on peut faire. Allez à l’encontre de ces lois naturelles par des politiques et des règlements ne feraient qu’empirer les choses. On ne peut brimer inlassablement des lois naturelles sans provoquer la colère de Dieu. Ben, les évangélistes américains milliardaires ne cessent de faire l’éloge de la richesse, comme le font régulièrement mes preachers préférés de la Presse, Alain Dubuc et Andrée Pratte. Dieu veut que vous soyez riche et aussi pauvre qu’ils serinent en chœur. Faut donc accepter son sort sans rechigner et surtout sans « jalouser » et « surtaxer » les riches. Mais attention, les riches ont un code d’honneur élevé et par le biais de la charité privée, ils vont distribuer quelque peu de leur richesse aux démunis, mais pas trop afin de ne pas les rendre fainéants et parasites et qu’ils en viennent à vivre aux crochets des riches débonnaires. En passant, le capitalisme permet de polluer sans vergogne la nature, car dans la nature, il y a une hiérarchie à respecter. Le capitalisme naturel en premier, puis la nature et l’environnement après.


Couillard, Castonguay, Charest et cie


La droite intégriste adore se gargariser de poncifs et d’épithètes scabreuses. Et ils se pensent smattes. Tiens, rions un peu, mes amis, de certains concepts vraiment profonds, dans le sens creux véhiculés par des gens très à droite et qui s’autoproclament lucide. Commençons par cette superbe, larguée par nul autre que le « surdoué » Philippe Couillard : « Couillard fait l’éloge du progressisme libéral » (Le Devoir, 17 juin 2013), tout comme l’ex-ministre libéral, et aucun président de banque et de compagnie d’assurance, Claude Castonguay, qui se définit lui-même comme un libéral progressiste dans son dernier bouquin intitulé : « La fin des vaches sacrées ». Les vaches sacrées de la classe ordinaire et non pas de la secte supérieure qui elle, n’a droit à aucune vache sacrée de la part de l’État, même si c’est elle qui pourtant fait vivre la population entière du Québec. Quelle ingratitude.


En passant, les médias pourraient-ils arrêter de colporter des faussetés en qualifiant Claude Castonguay de père de l’assurance-santé au Québec? Le père de l’assurance-santé partout au Canada est le néo-démocrate Tommy Douglas qui a été le premier à l’instaurer en Saskatchewan. Le Québec, avec alors Claude Castonguay comme ministre de la Santé, a été la neuvième province et avant-dernière province à l’instaurer (juste avant l’Île-du-Prince-Édouard) et monsieur Castonguay voulait ardemment à en limiter la portée dite publique. L’ex-banquier devenu ministre brièvement a toujours préféré le privé au public dans tout.


C’est donc au nom de ses gros principes « progressistes libéraux » que Philippe Couillard a mis en place ses mesures d’austérité, pardon de rigueur et encore pardon de prospérité et qu’il va augmenter la TVQ après l’électricité et les garderies. Ah ben, l’ex-premier ministre libéral Jean Charest avait essayé quant à lui de vous vendre niaiseusement sa salade de moins d’États et plus de privés, menant à sa « réingénierie » par le slogan très songé suivant : « Le libéralisme social doit remplacer l’État providence » (Journal de Montréal, 3 octobre 1999). Détaxer les entreprises et les nantis, couper, privatiser et tarifier les services publics, augmenter la TVQ régressive du monde ordinaire c’est, selon ces sbires, faire preuve de libéralisme social et de progressisme libéral. On aura tout vu.


Alain Dubuc, le dalaï-lama et cie


Dans les autres savoureuses, il y a mon préféré d’entre tous et même mon idole, qui lui préfère utiliser le terme de : « Lucide relativité » (La Presse, 14 octobre 2014). Lucide relativité, demandez-moi surtout pas ce que ça veut dire? En fait, ça veut dire ce que ça veut dire. Me semble que c’est pas si compliqué à comprendre. Pis ça fait tellement très expert et très cultivé de parler de « lucide relativité ». Cré Alain, y’en manque pas une.


Quant au dalaï-lama, très prisé par les pays occidentaux, il vante, quant à lui, les mérites du « capitalisme humain » (Journal de Montréal, 21 février 2014). Capitalisme humain qui fait que : « 80 milliardaires détiennent autant que les 50 % des plus pauvres. Ces 50 % représentent 3,5 milliards de personnes » (Journal de Montréal, 20 janvier 2015). Ce bienveillant capitalisme très, pour ne pas dire trop humain, fait que : « 1,3 milliard d’humains vivent encore dans un dénuement extrême selon la Banque mondiale » (Le Devoir, avril 2013) et selon l’ONU : « Toutes les six secondes, un enfant meurt » (La Presse, 15 septembre 2010).


Qu’a cela ne tienne, ça n’a pas empêché une miette, le sublime président de l’Institut économique de Montréal, Michel Kelly-Gagnon, très prisé des médias de venir nous dire le plus sérieusement du monde que : « L’économie de marché aide les pauvres » (Les Affaires, 6 avril 2002) et aussi le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim d’accoucher de cette perle d’or : « Vaincre la pauvreté avec le secteur privé » (La Presse, 12 juin 2013). Des extraterrestres qui vivent dans leur Spoutnik. Tellement insignifiants qu’ils en sont très drôles. Michel Kelly-Gagnon, Maxime Bernier, Éric Duhaime, c’est du pareil au même et que les journaux raffolent, mais pas moi, Je suis jaloux.


Landry, Lisée et cie


C’est pas fini les trouvailles de nos amis de la droite afin de se faire passer auprès des gens ordinaires, comme des modérés, des humanistes, des centristes, des philanthropes investis du très gros bon sens, de pragmatisme, de réalisme et j’en passe. Énumérer des qualités tant que vous voulez, ils les ont toutes ou presque.


Tiens, il y a mon collègue à l’UQAM et ex-premier ministre péquiste Bernard Landry, qui porte à droite, mais pas autant que Couillard et Charest il faut bien l’admettre, qui lui a pondu l’expression « économie sociale de marché » (Le Devoir, 25 mai 2012). Ayoye! Puis, quant au comportement médiatique de Power Corp., propriétaire de La Presse, il avait accouché du terme « d’obligation d’éthique capitaliste ». C’est-y pas beau ça? Puis lors d’une entrevue au Journal de Montréal (23 novembre, 2005), il a déclaré : « Je suis un progressiste et non un socialiste ». Voilà, un autre qui se targue d’être un libéral progressiste, mais de gauche que Bernard a tenu à nous rappeler en ces termes : « La gauche, c’est nous plaide le premier-ministre Bernard Landry » (Le Devoir, 29 mai 2001). Vous avez de la difficulté à suivre, et bien dites-vous que nous n’êtes pas seul, moi aussi j’en arrache. Une chose est toutefois sûre, Bernard Landry n’est peut-être pas socialiste ou communiste, mais il est à gauche comme vous pouvez le constater vous-même à la lecture du titre de ces articles qui réfèrent à des déclarations fabuleuses de monsieur Landry :


— « Landry plaide en faveur du déficit zéro. L’ancien premier-ministre applaudit au recul gouvernemental (péquiste) sur les redevances minières » (Le Devoir, 25 mai 2012). Ça, ça frôle l’extrême gauche que je dirais.


— « Pétrolia à Gaspé : Bernard Landry rappelle les écologistes à l’ordre » (Radio-Canada, 29 janvier 2013). Comme l’a fait le maire Jean Tremblay de Saguenay et Philippe Couillard le patron des « vraies affaires ».


— « Éducation et ralentissement économique. Landry enseigne la solidarité aux étudiants » (Le Devoir, 4 décembre 2001). Comme Jean Charest et Nathalie Normandeau, entre beaucoup d’autres, l’on fait. Bernard qui fait la leçon aux écologistes et aux étudiants, mais jamais aux gens d’affaires.


— « Imposer l’aide sociale : une mesure équitable selon Landry » (La Presse, 11 octobre 1996). Y sont pas beaucoup riches, mais y sont nombreux. Pis, ils ne créent pas de richesse. Au contraire, ils vivent aux crochets des riches.


— « Faire payer les riches : Bernard Landry n’y croit pas » (La Presse, 28 février 1998). Le patronat et les lucides universitaires et autres n’y croient pas non plus. Mais, c’est pourtant ce que Obama aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne ont fait. Bernard préfère faire payer les pauvres comme ceux qui vivent de l’aide sociale.


Tout aussi érudit, cultivé et doué que Philippe Couillard, il y a le péquiste « voyageur » Jean-François Lisée qui se fait l’apôtre, de façon originale, d’une certaine gauche qu’il a qualifiée de : « Pour un gauche efficace » (La Presse, 8 novembre 2008). Il y a la gauche socialiste brouillonne et il y a la gauche de droite efficace. Pour dire vrai, la gauche efficace de Jean-François Lisée n’a rien de la gauche. Encore et encore une inflation de parole en l’air pour impressionner et appâter la galerie. Mais faut admettre que Jean-François et Bernard sont des gens qui parlent bien et beaucoup.


Bush et l’IEDM et cie


Oui, il y a l’ex-président des États-Unis George W. Bush qui lui parlait du « capitalisme de compassion ». Compassion dans un pays, les États-Unis, les plus inégalitaires, et de loin, de tous les pays occidentaux. Compassion oui, mais quand ça adonne et pour les « bonnes » causes seulement tel que défini par la secte capitaliste. En d’autres mots, la « compassion », ça se mérite. S’agit juste d’avoir la bonne attitude.


De l’Institut économique de Montréal (IEDM), deux de leurs très brillants chercheurs ont inventé la « Social-démocratie concurrentielle » (Le Devoir, 8 septembre 2009) et le « capitaliste écologique » (La Presse, 22 avril 2010). La première théorie, digne d’un prix Nobel en économie émane de l’universitaire émérite (Université de Montréal et Cirano) Marcel Boyer et l’autre qui marie économie et écologie harmonieuse est Pierre Desrochers.


Et les autres


En vrac, mais tout aussi captivant, il y a le capitalisme social de Manoj Fenelon, traqueur de tendances chez Pepsico (Les Affaires, 27 octobre 2012), et le « capitalisme bienveillant » de l’américain David Green, fondateur de Project Impact (Le Devoir, 17 septembre 2007). Puis, il y a un de mes préférés concepts, parce que très sublime, soit celui du « capitalisme inclusif » du chroniqueur Sylvain Charlebois de La Presse (2 mars 2015) et aussi le « capitalisme éthique » du politicien français Michel Rocard (Le Devoir, 15 janvier 2007).


Il y en a plein d’autres aussi savoureuses les unes que les autres. Mais, un autre de mes coups de cœur parmi toutes ces excellentes théories pratiques est celle du sportif autrichien Felix Baumgartner qui : « estime nécessaire l’instauration “d’une dictature (de droite) modérée” pour résoudre les problèmes économiques et sociaux d’aujourd’hui » (Le Devoir, 29 octobre 2012). Monsieur Baumgartner vous saurez que c’est ce qui est appliqué ici, dans les faits au Canada et au Québec par Stephen Harper et par Philippe Couillard. Réelle dictature d’accord, mais loin d’être modérée. En somme, monsieur Baumgartner, et je suis d’accord avec vous sur ce plan, qu’il n’y a rien de mieux, selon moi, qu’une « dictature modérée démocratique », nouvelle doctrine originale que je vais faire brevetée pour ne pas me faire voler mon idée, si idée il y a, bien évidemment. En résumé, et je l’ai toujours affirmé, je suis à la fois un socialiste de droite et un communiste néolibéral. Dites-moi pas que vous commencez à avoir de la difficulté à suivre. Pourtant, c’est si limpide et si simple.




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