Deux ans plus tard, le constat de la commissaire à l’environnement et au développement durable demeure : le Canada ratera, et de beaucoup, sa cible pourtant allégée de réduction de gaz à effet de serre. La lutte contre les changements climatiques du gouvernement conservateur n’est tout simplement pas assez féroce.
En vertu de l’accord de Copenhague conclu en 2009, le gouvernement s’était engagé à ramener à 612 mégatonnes (MT) ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020. Cela impliquait une réduction de 250 MT par rapport à leur niveau projeté en vertu d’un scénario de statu quo. Or, les mesures de réductions amorcées ne permettront de réduire les GES que de… 36 MT. Ce sont les provinces qui feront le gros du travail (62 MT). Le changement de vocation des terres fera diminuer le total de 28 MT supplémentaires. Au final, au rythme actuel où vont les choses, le Canada aura en 2020 des émissions de 734 MT et non de 612 MT. En vertu du protocole de Kyoto, répudié par le gouvernement de Stephen Harper, les émissions du Canada auraient dû être de 558 MT… en 2012.
« Les échéanciers pour la mise en oeuvre des mesures de réduction des GES n’ont pas été respectés, et les ministères ne sont pas encore en mesure d’évaluer si les mesures en place permettent de réduire les émissions comme prévu », est-il écrit dans le rapport de la commissaire Julie Gelfand. « En 2012, nous avions conclu qu’il était peu probable que l’approche réglementaire fédérale contribue à réduire suffisamment les émissions pour permettre l’atteinte de la cible de 2020 de l’accord de Copenhague. Deux ans plus tard, tout indique que la hausse des émissions ne pourra pas être inversée à temps et que la cible ne sera pas atteinte. »
Les raisons de ce retard sont multiples, mais la plus importante est le report de la réglementation promise depuis des années par les conservateurs. Le gouvernement de Stephen Harper répète inlassablement qu’il réglementera « secteur par secteur » l’industrie pour en limiter les GES. Cependant, cette réglementation se fait attendre pour plusieurs secteurs. Celle du secteur du pétrole et du gaz, secteur qui connaîtra la plus forte hausse de ses GES d’ici 2020 (27 MT supplémentaires, ou 13,5 % de plus) se fait attendre… depuis huit ans. La commissaire dévoile qu’un projet de règlement existe pourtant en interne « depuis plus d’un an »,mais que « le gouvernement fédéral n’a mené des consultations qu’en privé, principalement par l’entremise d’un petit groupe de travail composé de représentants d’une province [l’Alberta] et de représentants choisis de l’industrie ».
Dans le secteur ferroviaire, Transports Canada a finalement décidé que les cibles de réduction des gaz à effet de serre seraient « volontaires » et non plus contraignantes. De manière générale, la commissaire conclut qu’Environnement Canada n’est pas assez clair dans ses intentions de réglementation, ce qui n’est pas à la hauteur de ses prétentions d’être un « organisme de réglementation de calibre mondial ». Le ministère devrait publier ses plans de réglementation future « avec des détails et des délais suffisants pour que les consultations avec les parties intéressées et touchées puissent être transparentes et de grande portée et que les parties puissent assurer une planification efficace ».
En conférence de presse, Mme Gelfand a indiqué que « quand on prend un engagement, on doit le respecter ». Selon elle, l’approche « secteur par secteur » est peu probable « de permettre au Canada d’atteindre ses cibles. Le Canada ne travaille pas avec les provinces, il n’y a pas de plan national sur la manière d’atteindre nos cibles ».
Charité remboursable
À la Chambre des communes, l’opposition officielle a interrogé le gouvernement à propos de ce piètre bilan. Lorsque le chef du NPD, Thomas Mulcair, a lu une ancienne déclaration de Stephen Harper, selon qui le protocole de Kyoto était un « plan socialiste », les banquettes conservatrices ont chaudement applaudi. M. Harper a indiqué que « notre objectif de ce côté-ci de la Chambre est de ne pas tuer les emplois et de ne pas imposer de taxe sur le carbone ». En conférence de presse, la chef du Parti vert, Elizabeth May, n’avait pas de mots assez durs pour qualifier l’attitude du gouvernement Harper dans le dossier des changements climatiques. « Stephen Harper n’a jamais démontré d’intérêt véritable pour réduire les GES, a-t-elle dit. Il en sait assez pour développer une rhétorique qui donne l’impression plausible qu’il s’attaque au problème même si son but est de faire croître le problème. »
Le rapport de la commissaire révèle par ailleurs une information qui n’était pas connue jusqu’à présent. Le Canada s’était engagé à verser sur trois ans 1,2 milliard de dollars aux pays en voie de développement pour s’attaquer chez eux aux changements climatiques. L’argent a été versé comme promis. Mais ! On apprend que le Canada exigera le remboursement des deux tiers de ces sommes, soit 884 millions. À cause du risque, il ne s’attend à récupérer que 615 millions.
RÉDUCTION DE GES
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