La véritable puissance du Québec

Chronique de Jean-Jacques Nantel

Pour réduire la puissance politique du Québec à presque rien au fil des décennies, le Canada anglais a dénaturé la notion d'égalité chère aux démocraties de type occidental. Alors qu'au niveau international, le Canada anglais négocie d'égal à égal avec des pays vingt fois plus puissants que lui, il a imposé au Québec la notion d'égalité des provinces pour ratatiner sa puissance au niveau de celle de l'Île-du-Prince-Edouard, une petite province pauvre de 140 000 habitants. Récemment, avec la création du Conseil de la fédération, la notion d'égalité des territoires a même fait son apparition. Si cette notion devait être accréditée, notre poids politique serait ramené sous celui du Yukon; un simple territoire qui, contrairement au Québec, peut s'appuyer sur ses alliés des onze autres provinces et territoires anglophones, sur le gouvernement fédéral et sur la Cour Suprême. On comprendra le ridicule d'une telle situation quand on saura qu'à elle seule, la population du Québec est près de deux fois plus importante que celles de 9 de ces provinces et territoires RÉUNIS!
Galvaudant encore plus la notion d'égalité dans le but de nous affaiblir, on a fait entrer dans les moeurs la thèse voulant que le Québec devait négocier d'égal à égal avec chacune des tribus amérindiennes de son territoire. Mais de quoi se plaignent donc ces Québécois à qui le Canada anglais a généreusement accordé l'égalité?... On est encore chanceux que le dernier des Mohicans soit mort car, autrement, on aurait très bien pu nous forcer à négocier d'égal à égal avec lui!
En fait, ce n'est pas par méchanceté que le Canada travaille depuis toujours à nous affaiblir, mais parce qu'il désire continuer à s'enrichir à nos dépens. Il existe d'ailleurs une loi en géopolitique voulant que la richesse suive toujours le pouvoir. Cette loi est parfaitement vérifiée dans notre cas puisque le Canada anglais est puissant et riche et le Québec, faible et pauvre.
Il importe de mentionner que certaines autres lois de la géopolitique, qui sont valables partout, ne le sont pas chez nous. Il en est ainsi de celle voulant qu'un territoire enclavé, c'est-à-dire un territoire n'ayant pas d'accès direct à la mer, soit ordinairement moins peuplé, moins riche et moins prospère que le territoire voisin qui, lui, a un accès direct à la mer. Cette loi vaut partout sur la planète: en Mongolie, au Laos, au Népal, au Zimbabwe, en Bolivie, etc. On n'a pas à se rendre jusqu'au Botswana pour la vérifier puisqu'il suffit de regarder sur la côte ouest canadienne où Vancouver, qui est bâtie directement sur l'océan, est plus peuplée et développée qu'Edmonton ou Calgary, des villes bâties à l'intérieur des terres. (En dépit de la richesse pétrolière de l'Alberta, c'est Vancouver qui est régulièrement désignée par les organisations internationales comme la ville ayant la meilleure qualité de vie au monde.) Cette loi se vérifie également sur la côte ouest américaine où San Diego, Los Angeles et San Francisco sont plus peuplées et prospères que Denver, Salt Lake City ou Phoenix, qui sont toutes situées à l'intérieur du continent. Cette loi est encore vraie au sud de chez nous où New York, une ville de la côte atlantique, est plus peuplée et prospère que Chicago ou Détroit qui ont été construites au fond des Grands Lacs.
Or - surprise! - voici qu'en arrivant dans le Canada de l'Est, cette loi universelle n'est plus vraie, puisque Montréal et le Québec en entier, qui ont un accès direct à l'océan grâce au fleuve Saint-Laurent, sont moins peuplés et moins prospères que Toronto et l'Ontario qui sont situés au fond des Grands Lacs! Aux USA, la population et la richesse descendent des Grands Lacs vers la côte est alors qu'ici, elles vont dans un sens diamétralement opposé et remontent du Québec vers les Grands Lacs. Cette anomalie, cette exception mondiale, est d'autant plus étonnante que l'économie canadienne est étroitement imbriquée à celle des Etats-Unis et en suit fidèlement toutes les autres tendances! Se pourrait-il qu'on se fasse avoir? Se pourrait-il que ce soit une mauvaise idée de se laisser dominer à dix ou vingt contre un, et pendant un quart de millénaire, par un autre petit peuple aussi sans importance que le nôtre?
La véritable puissance du Québec
Rien n'est plus risible que l'insistance du Canada anglais à se faire passer pour une grande puissance. Dérisoire, il fait comme la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf en enflant constamment ses prétentions. Il se vante ainsi d'appartenir au G20, au G8 et au G7, affirme être le deuxième plus grand pays du monde (de la glace!) et se proclame même, sans rire, le meilleur pays du monde! Continuant dans la même veine, il affirme que les Québécois doivent savoir se montrer intrépides en ne craignant pas de rester dans un grand ensemble économique comme le Canada alors même que les Canadiens anglais sont aussi peu nombreux que les Vénézuéliens (C'est un grand ensemble, le Venezuela?).
Tout à l'opposé, les Québécois, pour qui cette prétentieuse propagande a été inventée, se voient eux-mêmes comme un minuscule petit peuple alors qu'en réalité, leur puissance potentielle est énorme et sans commune mesure avec la taille déjà respectable de leur population.
Pour commencer, leur pays a été bâti autour du point stratégique le plus important d'Amérique du Nord, nommément la ville de Québec. Ce point stratégique donne accès à un des plus importants fleuves du monde - un des rares qui soient visibles à partir de la Lune. Ce fleuve donne lui-même accès aux Grands Lacs qui forment la plus grande mer intérieure du monde et qui desservent le centre du continent le plus riche du monde. Par sa géographie, le Québec contrôle à la fois l'accès au centre des Etats-Unis et au centre du Canada.
Si les Français n'ont pas fondé leur colonie nord-américaine sur l'île à climat tempéré de Manhattan – qui deviendrait un jour New York, la ville la plus riche du monde - c'était à cause de l'évidente importance stratégique de notre Québec de neige et de glace. Pendant qu'on y est, notons que le fleuve Saint-Laurent appartient tellement au peuple québécois que le mot ¨Québec¨ signifie ¨rétrécissement de rivière¨ en algonquin!
A cette puissance géographique de base s'ajoute le fait que le Québec est situé directement sur le flanc nord-est des Etats-Unis. Cela confère au peuple québécois un énorme potentiel de nuisance qui explique à lui seul le soin que les Etats-Unis prennent toujours pour ne pas l'offenser lorsqu'ils discutent de son projet national. Washington a suffisamment d'ennemis partout sur la planète pour ne pas aller s'en créer un autre, directement sur sa frontière nord, avec un peuple authentiquement pro-américain, qui ne lui demande rien et qui, en plus, respecte à la lettre toutes les règles de la démocratie.
Par rapport au Canada anglais, la position du Québec est plus forte encore puisqu'il est situé entre les Maritimes et l'Ontario. Ce n'est pas le Québec qui a besoin du Canada, c'est l'inverse. C'est Terre-Neuve qui a besoin de notre territoire pour exporter l'électricité du Labrador. Ce sont les Maritimes qui ont besoin de notre territoire pour communiquer avec l'Ontario. C'est l'Ontario qui a besoin de notre territoire pour communiquer avec les Maritimes, pour communiquer avec l'océan Atlantique ou pour nous vendre ses produits (bon an mal an, le Canada, mené par l'Ontario, a un surplus commercial annuel d'au moins 3 milliards de dollars avec le Québec). Enfin, ce sont les Prairies qui ont besoin de notre voie maritime pour exporter leurs grains. Quant à l'Alberta, à la Colombie-Britannique, au Yukon et aux autres territoires, ils pourraient être sur la planète Mars que cela n'aurait pas plus d'importance pour nous!
Compte tenu de son énorme puissance potentielle, il est clair que le Québec aura le haut du pavé quand viendra le temps des négociations post-indépendance avec le Canada anglais. C'est bien pour cela que ce dernier a toujours refusé de négocier honnêtement avec lui!
Jean-Jacques Nantel, ing.

Décembre 2010


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 novembre 2010

    Bonjour, l'article de M. Nantel est plus qu'intéressant et il rejoint en tout point mon discours sur l'importance de la pédagogie de l'indépendance, pourquoi vouloir être maître chez nous? Il faut expliquer c'est quoi le Québec, ce que nous avons, ce que nous avons réalisé depuis la révolution tranquille malgré les efforts incroyables du Canada-anglais de nous garder comme de simple porteur d'eau. J'expliquais à des jeunes la richesse que renferme le Québec, l'origine de nos ancêtres (les Canadiens) et surtout des sacrifices faits par nos anciens pour survivre dans des conditions aussi incroyables. Toute personne devrait lire juste un petit d'histoire de n'importe lequel village québécois et cette personne comprendrait tout le travail qui a été fait pour développer, enrichir nos terres, extraire les ressources naturelles (eau, bois, mines) etc.. La plus grande ressource d'un pays réside dans les gens qui y habitent et le Québec doit s'énorgueillir de nos réussites sur tous les plans. Les exemples sont nombreuses où des petits québécois(es) font honneurs à ces descendants de vrais Canadiens (dans le sens historique du terme). Je constate depuis quelques semaines, les articles de journaux qui font passer le Québec pour une gang de pas bon... Moi, je signe et persiste à dire que le Québec a tout ce qu'il faut pour prendre ses propres décisions sans quémander à qui que ce soit. Il faut un engagement clair du PQ et de toutes forces souverainistes afin de faire une pédagogie active auprès de tous les québécois. Nous avons des créateurs exceptionnels sur tous les plans...nous pouvons utiliser Internet afin de rendre accessible cette pédagogie positive et constructive où nous ferions la promotion de ce que nous voulons faire pour nous par nous et non pas contre les autres du Canada anglais. Je me souviens en 1995 où le slogan du camp du oui tournait "Oui, c'est possible"...on connait la suite. Dans ma famille, mes enfants, mes neveux, mes nièces sont tous souveranistes..et ils n'ont pas votés en 1995, c'est un nombre à ne pas négliger...comme tout bon vendeur d'un produit, il faut en faire la promotion d'une manière alléchante et accessible pour celui qui désire s'en procurer, c'est la même chose avec la souveraineté: nous avons un bon produit (notre territoire), des gens qualifiés pour le promouvoir (des leaders constructifs et positifs) et surtout un devoir de mémoire pour nos anciens à nous qui se sont entêtés à vouloir vivre librement et éduquer leurs enfants dans le respect de notre langue, de nos institutions et de la démocratie et d'ouverture sur le monde...voilà ce qu'il faut faire...à tout pédagogue de la souveraineté, il ne vous reste qu'à convaincre ceux qui hésitent. Oui c'est possible plus que jamais.
    p.s. Mes grands-parents n'avaient pas d'instruction, mais ils savaient qu'il était temps d'être maître chez nous!
    Martial Larouche
    Alma

  • Archives de Vigile Répondre

    29 novembre 2010

    Monsieur Nantel à vous lire j'ai presque la gigue à l'âme. Ça fait du bien un instant d'oublier sa colère et pendant un moment être fière de nous, de notre territoire,de notre fleuve. Ne fusse qu'un bref instant. Hélas, trois fois hélas! La petitesse des propos à l'Assemblée nationale, le peu d'enthousiasme(c'est à baîller), cette passion du pays qui ne transpire dans aucun discours...tout semble calculé pour arriver au pouvoir et non pour risquer le grand saut de l'Indépendance.
    Ce n'est pas quelques semaines avant les élections qu'il faudra parler, enseigner, dire les vraies choses, c'est tout de suite. Moi, j'ai montré à Léon - vous ne connaissez pas Léon- sur la carte géographique la preuve de ce que vous dites, et Léon n'a rien dit, contre son habitude goguenarde, il est resté pensif. Alors, oui je crois qu'il faut parler de géopolitique, qu'il faut expliquer le pays, et remonter en même temps à l'Histoire.
    Nos hommes et nos femmes ne sont pas lâches, ils sont ignorants de ces choses. Leur fierté, elle dort.Il faut se secouer les puces. Si un professeur un bon matin arrivait dans sa classe d'adolescents et commençait son cours par ces mots :" Je sais pourquoi vous vous tuez sur les routes, je sais pourquoi vous vous droguez, je sais pourquoi vous buvez comme des cochons, je sais pourquoi vous souffrez d'un manque énorme...c'est parce que vous n'avez pas de patrie. Et là, il déroule une gigantesque carte de l'Amérique du Nord et il démontre ce que vous venez d'écrire et il raconte en même temps notre Histoire et nos Héros fondateurs.Il allume la flamme patriotique, la fierté et la dignité de l'être.
    Croyez-vous que ce prof se ferait licencier ?

  • Jean-Jacques Nantel Répondre

    29 novembre 2010


    Contrairement à ce que beaucoup de nos élites semblent croire depuis toujours, le petit Canada n'est pas dangereux, car le Québec est parfaitement capable de se défendre dans tous les domaines économique, culturel, géopolitique, diplomatique et même militaire pour défendre son territoire ou n'importe lequel de ses autres droits et propriétés. Il suffit de nous décider.
    Malheureusement, comme je l'ai écrit dans un autre article, nos élites actuelles ne sont pas de niveau, notamment les chefs du P.Q. qui, par simple lâcheté, s'apprêtent à nous passer un deuxième Lucien Bouchard en quinze ans en nous annonçant, dès après leur élection, qu¨on n'a pas le pourcentage¨.
    Comme je le dis à qui veut l'entendre, moi, je trouve sincèrement que John James Charest fait de l'excellent boulot, notamment celui qui consiste à nous affaiblir le plus possible pour nous empêcher de nous défendre. Il fait son travail, quoi! Et nos minables petits leaders laissent faire. Et, nous, on vote pour eux pour qu'ils nous trahissent et pour qu'ils puissent se promener en limousines! Ha, misère!
    J'ai mal à ma patrie!
    A la recourriel,
    Jean-Jacques Nantel, ing

  • Archives de Vigile Répondre

    29 novembre 2010

    Par vos arguments, comment ne pas reconnaître que la géopolitique deviendra le point d’appui dans les négociations sur l’avenir du Québec, comme pays.
    Comment graver ou sculpter ce mot dans la tête des politiciens qui luttent pour conquérir notre pays ? Des faits incontournables que la population doit entendre, comprendre et confirmer ensuite dans la boîte de scrutin.
    Votre document aujourd’hui devient un outil indispensable aux militants de la base qui cherchent l’argumentaire qui démontre la richesse de notre Québec et surtout le potentiel de nos ressources qui sont toujours sous le contrôle d’étrangers actuellement.
    Je comprends mieux le Canada de l’Ontario de prévoir une sortie vers le Nord, il faut planifier les futures négociations, n’est-ce pas ! Merci et j’espère vous lire bientôt ....

  • L'engagé Répondre

    28 novembre 2010

    Merci de cette belle leçon de géographie!
    De géo-stratégie...