La stratégie du cul-de-sac

S'il existe encore une seule issue à cette crise, elle est entre les mains du gouvernement. Faire preuve de magnanimité démontrerait qu'il existe encore ici une capacité de gouverner. Le contraire se nomme du mépris.

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Marc-André Maranda - J'étais de l'occupation des cégeps à l'automne 1968. Elle aura duré à peine trois semaines avec d'inévitables débordements. L'enjeu était sensiblement le même qu'aujourd'hui: l'accès aux études supérieures. Le gouvernement de Jean-Jacques Bertrand, pas particulièrement remarquable quant à sa gestion de la chose publique, avait néanmoins désigné un conseiller spécial pour ouvrir le dialogue: Bernard Landry. Les leaders étudiants, dont un certain Claude Charron, ne sont pas non plus des inconnus. Au siècle dernier, au moins on se parlait et les résultats étaient probants.
La gestion gouvernementale de l'actuelle crise étudiante aura été exécrable à tous points de vue, complètement biaisée par la stupide et désespérée volonté de la transformer en enjeu électoral. Pourtant, au-delà d'une grève que le discours des autorités en est même venu à nier, nous sommes en présence d'un véritable mouvement social porteur de questions fondamentales pour l'avenir du Québec.
Pourquoi ne pas avoir donné une toute petite chance au dialogue dès le point de départ? Quelle est cette maléfique propension à toujours préférer le cul-de-sac à une position de recherche constante de solutions durables et socialement acceptables? Pourquoi avoir attendu un mois avant d'offrir une timide bonification du régime de prêts et ramené le remboursement proportionnel au revenu pourtant déjà au programme du PLQ en 2005? Et pourquoi la simili ouverture au dialogue formulée dimanche, neuf semaines après le début de la crise, était-elle assortie d'une condition qu'on savait à peu près inacceptable pour une partie des étudiants, si ce n'est pour bien consolider une stratégie de division largement utilisée depuis deux mois?
Ce ne sont pas les seuls étudiants qui sont maintenant divisés, mais la collectivité québécoise tout entière, comme rarement on a pu le constater. Les uns insistent sur les débordements, sur le sort de celles et ceux qui réclament de pouvoir assister à leurs cours à la faveur d'injonctions ou qui poursuivent leurs études malgré tout, sur l'exercice d'une démocratie que l'on comprend difficilement en dehors des élections fédérales, provinciales ou municipales.
Les chroniqueurs et éditorialistes de certains médias, dont ceux qualifiés à juste titre de poubelles, y vont allègrement de commentaires parfaitement déplacés, contraires à l'éthique la plus élémentaire et insistant sur des éléments qui n'ont rien à voir avec le débat original.
De l'autre côté, on voit des groupes de plus en plus nombreux qui exigent à tout le moins une ouverture légitime au dialogue, des groupes pour qui la mission de l'éducation est autre chose que montrer à vendre et à obéir. Dans le concert des pour et des contre, je ne peux que faire référence à Guy Rocher («La lutte des étudiants est juste», Le Devoir, 11 avril 2012), un des principaux architectes du système d'éducation dont nous avons tous bénéficié, y compris la grande majorité des membres du Conseil des ministres.
S'il existe encore une seule issue à cette crise, elle est entre les mains du gouvernement. Faire preuve de magnanimité démontrerait qu'il existe encore ici une capacité de gouverner. Le contraire se nomme du mépris.
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Marc-André Maranda - Retraité du gouvernement du Québec


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