Baptiste Ricard-Châtelain - Plusieurs mois après l'accession de Jean Charest au pouvoir, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) enquêtait sur les apôtres de la souveraineté québécoise les plus agressifs, révèlent des documents obtenus par Le Soleil. Le SCRS s'intéresse vraisemblablement toujours à cette «menace à la sécurité nationale».
Nous découvrons également, dans les bribes d'information que le Service nous a transmises en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, que les espions canadiens avaient les partitionnistes à l'oeil plusieurs années après le référendum sur la souveraineté de 1995. À l'aube du millénaire, un rapport coté secret établissait le «profil de la menace chez les antisouverainistes au Québec».
Durant l'été 2000, des groupes menaçaient toujours «de recourir à la violence advenant l'indépendance de la province», évaluaient les analystes. Et puisqu'un soupçon suffit à déclencher une enquête du SCRS, on comprend, à la lecture des quelques phrases non censurées, que les tenants de la partition du Québec en cas de victoire du Oui étaient sous observation.
«Ils ont sûrement un dossier sur moi!» lance l'avocat Brent Tyler, président d'Alliance Québec de 2001 à 2004. Le mouvement voué à la défense de la minorité anglophone s'est opposé aux souverainistes.
Le juriste ne se perçoit pas comme une «menace à la sécurité nationale», mais convient que les causes qu'il porte devant les magistrats soulèvent des passions. Un de ses derniers combats médiatisés visait une plus grande accessibilité à l'école anglaise.
Nouveau porteur des revendications des anglophones, le parti Affiliation Quebec envisage aussi la division du territoire québécois «si nécessaire», dixit sa vitrine internet (www.affiliationquebec.ca). La formation entend défendre les intérêts et les droits des «Canadiens loyaux habitant au Québec».
Le porte-drapeau, Allen Nutik, se remémore des rencontres avec les forces de l'ordre à l'époque du dernier référendum. «Mais de ce temps-ci, non.»
Les indépendantistes surveillés?
En face, chez les indépendantistes, la suspicion est grande. «Je pense qu'ils nous surveillent, commente le président général de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, Jean Dorion. Mais je n'ai pas de preuve.» Durant les années 70, un président de la SSJB avait débusqué des micros dans sa résidence, se souvient-il. Mais M. Dorion demeure circonspect quand on lui demande des détails contemporains.
Raymond Villeneuve (Photo Armand Trottier, La Presse)
Raymond Villeneuve, ex-felquiste et fondateur du Mouvement de libération nationale du Québec, est tout aussi prudent. «Si je suis sous enquête, elle est très discrète.»
Le militant assure qu'il se tient à carreau. «C'est sûr que j'ai déjà tenu des propos incendiaires. (Mais) on n'a pas fait de menaces depuis longtemps.»
Dans un document secret daté du 21 novembre 2003, sept mois après la prise du pouvoir par les libéraux du Québec, le SCRS remarque que certains ultranationalistes «continuent de favoriser le recours au vandalisme et à la violence pour faire avancer la cause du mouvement séparatiste radical».
Les porte-parole des services secrets, Giovanni Cotroneo et Manon Bérubé, refusent catégoriquement de confirmer si des enquêtes sont en cours.
M. Cotroneo reconnaît néanmoins que le vandalisme et la violence, dans ce contexte, sont une menace à la sécurité nationale. Du même souffle, il indique que le SCRS enquête sur toute menace à la sécurité du Canada. Est-ce que cette menace est toujours d'actualité? «Je ne peux pas le dire. (...) S'il y a une telle menace, ça nous intéresse.»
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