La présidence de Trump est comme un navire à la dérive après le départ de Bannon

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«La politique de Trump est une manifestation malsaine de l’aggravation de la crise et de la désintégration de l’économie politique américaine»


Cela fait des semaines, voire des mois que l’on parle du départ imminent du stratège en chef de la Maison Blanche, Stephen Bannon. Mais lorsque le licenciement de Bannon a été annoncé vendredi, c’est comme s’il y avait eu un tremblement de terre politique. Les choses ne seront plus les mêmes.


Bannon était l’architecte de la victoire de Trump lors de l’élection présidentielle de 2016. Il a rassemblé la plate-forme populiste de Trump construite autour d’une série de promesses de création d’emplois grâce à des investissements dans les infrastructures, des restrictions de l’immigration et de nationalisme économique («America First»). Mais Bannon était également l’idéologue du régime qui s’appuie sur les masses des forces d’extrême droite et de la classe ouvrière, de toutes races et ethnies, tirant partie de la colère et la désillusion généralisées envers les formes politiques traditionnelles. Ses dénonciations des démocrates et des républicains visaient à créer une base de masse populaire pour Trump. Bannon avait brillamment réussi.


Cependant, les événements dramatiques de la semaine dernière à Charlottesville ont fait apparaitre le discours de Bannon sur les tensions sociales en Amérique sous un aspect purement racial. Charlottesville, en Virginie, a explosé samedi dernier dans la violence lorsque des extrémistes et des néo-nazis se sont opposés à des tentatives visant à faire tomber une statue de Robert E. Lee, le général qui commandait l’armée confédérée de Virginie du Nord dans la guerre civile américaine. Au cours des affrontements, un néonazi a foncé avec sa voiture dans un groupe de manifestants antiracistes pacifiques, tuant une femme de 32 ans.


Une série de remarques choquantes faites par Trump après les évènements était une ouverture calculée aux néo-nazis et aux suprématistes blancs qui s’étaient soulevés à Charlottesville, probablement dans le but de courtiser les forces racistes et fascistes. Mais les remarques de Trump ont provoqué un tollé. La politique derrière les remarques visait à attirer un mouvement fasciste américain qui combinerait le racisme, l’intégrisme religieux, le nationalisme économique et le militarisme. Bannon, en tant que stratège en chef de la Maison Blanche, a dû essuyer la tempête politique qui a suivi la défense publique des néonazis par Trump. C’est en homme aigri qu’il doit quitter l’équipe de Trump. Bannon a déclaré au magazine Weekly Standard:



  • La présidence de Trump pour laquelle nous nous sommes battus et que nous avons gagnée est terminée. Nous avons encore un mouvement très large, et nous allons faire quelque chose de cette présidence Trump. Mais cette présidence est terminée. Ce sera autre chose. Et il y aura des combats de toutes sortes, et il y aura de bons jours et des mauvais jours, mais cette présidence est terminée.


Cependant, Bannon a également déclaré: «Je quitte la Maison Blanche et je vais en guerre pour Trump contre ses adversaires – au Capitol Hill, dans les médias et dans l’Amérique corporatiste.» Il a notamment ciblé l’establishment républicain. Bien sûr, ce ne sera pas facile, mais maintenant, il n’a plus les mains liées, il est vraiment libéré de toute contrainte.


Le départ de Bannon aura également une incidence sur les politiques étrangères de Trump. Là où les choses vont être très différentes à partir de maintenant, c’est que Bannon était vraiment anti-empire, anti-guerre, anti-interventionnisme dans la politique étrangère américaine. Il s’est opposé à la frappe de missiles en Syrie; Il était profondément sceptique quant à la participation des États-Unis dans la guerre syrienne; Il n’était pas en faveur de l’intervention des États-Unis pour un changement de régime au Venezuela; Il était farouchement opposé à une guerre dans la péninsule coréenne; Et il a conseillé le désengagement américain de l’Afghanistan et a préconisé la fin de la guerre. Jeudi dernier, le New York Times avait publié un rapport instructif rédigé par Mark Lander sur la vision du monde de Bannon et comment cela l’a placé dans la ligne de mire des généraux. ( Times )


Sans le contrôle et l’équilibre que Bannon représentait, les faucons militaires et les interventionnistes vont prendre le dessus dans l’élaboration de la politique de la Maison-Blanche: le chef d’état-major le général Kelly, le secrétaire à la Défense James Mattis et le conseiller à la sécurité nationale, HR McMaster, trois généraux qui prendront quasiment le contrôle de la politique étrangère des États-Unis – c’est une situation sans précédent dans l’histoire politique américaine. Et aucun d’entre eux n’a été formé pour évaluer ou prendre des décisions politiques.


Une question beaucoup plus importante se pose également: Qui va tenir la boussole maintenant pour le calendrier politique global de la présidence Trump? Il ne fait aucun doute que, avec ou sans Bannon comme stratège, Trump ne fera que redoubler d’efforts pour rameuter les éléments d’extrême-droite en vue d’un second mandat présidentiel.


La politique de Trump est une manifestation malsaine de l’aggravation de la crise et de la désintégration de l’économie politique américaine. Autrement dit, les images de voyous nazis se déchaînant à travers une ville universitaire et terrorisant les étudiants et des résidents pendant que les policiers souriants regardaient passivement et manifestaient ouvertement leur encouragement aux assaillants, ont clairement montré que la politique américaine, qui prétend prêcher la morale dans le monde et prétend représenter l’état de droit et la stabilité démocratique, est en réalité en plein désordre et en train de tomber en lambeaux.


Ironiquement, l’un des tweets acerbes de Trump il y a deux ans pourrait revenir le hanter. Voici ce qu’il avait tweeté sur Obama en mars 2014 : « C’est presque comme si les États-Unis n’avaient pas de président; nous sommes un navire sans gouvernail qui se dirige vers une catastrophe majeure. Bonne chance à tout le monde ! » Lire un essai fascinant de Robin Wright dans le magazine New Yorker : Is America Headed for a New Kind of Civil War?


Source : http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2017/08/19/trump-presidency-is-like-a-rudderless-ship-after-bannons-exit/


Traduction : AvicRéseau International



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