La politique du bâillon

L'affaire Desmarais



André Pratte, l’éditorialiste en chef de La Presse, n’en démord pas : le fait que le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec soit allé passer trois jours avec femme et enfant à Sagard, le domaine pharaonesque du clan Desmarais, n’est pas d’intérêt public. Paul Desmarais Sr a le droit de recevoir qui il veut, quand il veut, comme il veut, et ce n’est pas de nos affaires, point final. Se poser des questions sur ce sujet est de l’acharnement et de l’intimidation.
INGÉRENCE ET DIFFÉRENCE
C’est ce qu’on appelle « tenter de limiter les dégâts ».
Pensez-vous vraiment, comme l’a juré-craché Michael Sabia, que les convives qui ont participé à ce week-end de trois jours n’ont jamais parlé d’affaires ?

Voyons…
Pensez à la France.
Pendant des décennies (depuis le fameux discours du balcon du général de Gaulle qui avait mis plusieurs diplomates français dans l’embarras), la politique de la France envers la question de la souveraineté du Québec s’est limitée à quatre mots : « Non-ingérence, non-indifférence ».
On a le Québec à cœur, mais on ne s’immisce pas dans les affaires intérieures du pays.
Or, depuis que Sarkozy dirige l’Hexagone, l’Élysée a mis fin à sa traditionnelle neutralité et se dit pour le maintien du Québec dans le Canada.
Qui, selon vous, a réussi ce tour de force ?
Un seul homme : Paul Desmarais Sr.
UN HOMME D’INFLUENCE
Ce n’est pas de la petite bière, ça.
On ne parle pas d’un homme d’affaires qui convainc un maire de bâtir un amphithéâtre, mais d’un citoyen du Québec qui a réussi à changer un aspect important de la politique extérieure d’un des plus gros pays d’Europe !
Bonjour le tireur de ficelle !
Et comment Paul Desmarais Sr (qui déteste les souverainistes comme la peste, et qui a dû danser le twist quand son poulain Sarko a décidé d’appuyer le fédéralisme canadien) a-t-il réussi son coup ?
En entretenant de bonnes relations. C’est-à-dire en invitant tel politicien à chasser dans sa forêt privée, tel diplomate à passer trois jours dans son château, tel intellectuel à venir écouter un récital dans sa salle de spectacle…
Si monsieur Desmarais a réussi à réorienter la politique extérieure d’un pays en débouchant des grands crus, vous pensez réellement qu’il s’est contenté de jouer au Ker-Plunk avec Michael Sabia ?
DES QUESTIONS LÉGITIMES
André Pratte affirme que les journalistes du Journal de Montréal et du Journal de Québec écrivent sur l’affaire Sabia parce qu’ils sont en service commandé.
Comme l’a souligné l’éditorialiste en chef de La Presse dans les trois papiers qu’il a consacrés à la question, la Caisse de dépôt et placement du Québec détient 45 % des actions de Quebecor Media.
Vous croyez que ça plaît à mon patron que je m’interroge sur les activités du président de la Caisse, qui est l’un des principaux actionnaires de Quebecor Media ? Vous croyez que ça fait son affaire ?
Pas sûr…
N’en déplaise à monsieur Pratte, cette question est d’intérêt public. C’est d’ailleurs pourquoi les partis d’opposition (qui, à ce que je sache, n’appartiennent pas à Quebecor) s’y intéressent autant.
D’ailleurs, je repose la question : à quand une émission d’Enquête sur l’influence de l’empire Desmarais ?


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