En réponse à Monsieur Ivan Parent

La part des vaincus, l'autophobie

Tribune libre

Je suis en partie d’accord avec l’analyse de monsieur Ivan Parent sur les Talibans. Mais il déclare en même temps : « … les Afghans, ce ne sont pas des Québécois qu’on peut déplumer à volonté, ils réagissent eux, … ».
Je n’en peux plus de ce mépris de soi-même et du peuple québécois. Monsieur Parent exprime une forme de dénonciation du néocolonialisme canadien et étasunien. C’est déjà un début de résistance, commune avec les Afghans, à l’impérialisme canadien. Mais en même temps il se presse de dénigrer le peuple dont il fait partie lui-même. Est-il de ce peuple du Québec, oui ou non ? Et sa dénonciation des gestes posés par la Canada n’a-t-elle pas un contenu anti-impérialiste, comme l’ont manifesté tant de Québécois dans notre histoire, et parmi les plus éminents, devant la Grande-Bretagne ou l’Empire britannique ?
C’est une belle contradiction dans laquelle s’enfoncent bien des Québécois, et pas les moindres : méprisant la soumission qu’ils prêtent à notre peuple meurtri par l’oppression, ils s’insurgent et posent des gestes d’insoumission à l’égard de l’impérialisme canadien en lui reprochant justement son agression d’autres peuples que le nôtre propre. Pour moi c’est une forme de résistance car, « la parole est aussi un acte ».
Ces Québécois ses sentent-ils eux-mêmes partie prenante du peuple ou non ? Alors comment peut-on expliquer être soumis et révoltés tout à la fois si nos propres gestes ou notre propre discours de protestation viennent du peuple dont nous faisons partie ?
Par l’autophobie : une sorte de malaise qu’ont en commun les opprimés et les communistes que décrit Domenico Losurdo, un philosophe de l’histoire italien, dans son livre traduit « Fuir l’Histoire » Ce malaise est ressenti après une défaite. Mais une démarche d’évaluation autocritique et d’apprentissage historique peuvent corriger le problème pour affronter d’autres moments décisifs de notre histoire.
Voici ce qu’on dit de l’autophobie dans un article sur Domenico Losurdo dans Wikipédia :
« L’autophobie communiste est un concept élaboré par Domenico Losurdo dans son ouvrage Fuir l’Histoire. Selon lui, il arrive que les victimes tendent à s’approprier le point de vue de leurs oppresseurs et commencent à se mépriser et se haïr. Le concept de l’autophobie est essentiellement développé dans le cadre de l’étude de l’histoire juive, et de l’histoire de l’esclavage. Losurdo étend ce concept aux classes sociales et aux partis politiques ayant subit une « défaite ». Il considère que « l’autophobie se manifeste aussi dans les rangs de ceux qui, tout en continuant de se déclarer communistes, se montrent obsédés par le souci de réaffirmer qu’ils n’ont absolument rien à voir avec un passé qu’ils considèrent, eux comme leurs adversaires politiques, comme tout simplement synonyme d’abjection. Au narcissisme hautain des vainqueurs, qui transfigurent leur propre histoire, correspond l’autoflagellation des vaincus. … Parmi les diverses problèmes qui affectent le mouvement communiste, celui de l’autophobie n’est certainement pas le moindre ».
Losurdo propose un moyen de contrer ce phénomène :
« Il va de soit que la lutte contre la plaie de l’autophobie s’avèrera d’autant plus efficace que le bilan du grand et fascinant moment historique commencé avec la révolution d’Octobre sera radicalement critique et sans préjugés. Car, malgré leurs assonances, l’autocritique et l’autophobie sont deux attitudes antithétiques. Dans sa rigueur, et même dans son radicalisme, l’autocritique exprime la conscience de la nécessité de faire ses comptes jusqu’au bout avec sa propre histoire. L’autophobie est une fuite lâche devant cette histoire et devant la réalité de la lutte idéologique et culturelle toujours brûlante. Si l’autocritique est le présupposé de la reconstruction de l’identité communiste, l’autophobie est synonyme de capitulation et de renonciation à une identité autonome ».
Les référendums perdus on été vus comme des défaites majeures. Ils se sont avérés en effet considérés comme tel par bien des gens. Les leaders québécois ont manqué un rendez-vous historique avec leur peuple. À mon avis, ils ne furent dans les faits qu’un épisode de l’histoire du Québec dans son processus d’émancipation. Après, ce processus a pris d’autres couleurs.
Les marxistes-léninistes dénonçaient le projet du Parti Québécois parce qu’à leurs yeux le capitalisme y survivrait au Québec. Le communiste Stanley B. Ryerson nous avait appris dans notre jeune âge que notre oppression était liée au développement du capitalisme au Canada. Il fallait donc s’attaquer au capitalisme canadien en alliance avec les ouvriers canadiens anglais pour se défaire de l’oppression nationale. Je ne m’attarde pas sur ce nouvel échec de la gauche québécoise … Mais y a-t-il eu véritablement un échec des maoïstes ou un apprentissage (c’est différent) sur le terrain de la lutte contre l’oppression nationale puisqu’un de leur ancien membre, Gilles Duceppe en l’occurrence, en a tiré la leçon et a pris la direction d’Ottawa avec le Bloc ? Le combat a donc pris une autre forme à laquelle adhèrent encore bien des gens maintenant.
Le parti communiste du Québec de l’époque appuyait le « oui critique ». Les maoïstes eux appelaient à l’annulation pour ne pas être associés au projet du Parti québécois, sinon ouvertement capitaliste, du moins fort ambigu sur le sujet. La position tiède de la FTQ envers le Parti Québécois aux dernières élections à cause d’une pareille ambiguïté sur le système de santé publique est un indice que la social-démocratie québécoise se distingue de plus en plus entre la gauche et la droite.
Alors, le processus d’émancipation national est-il si dramatiquement dans un cul de sac ou notre propre vision de son cheminement n’est-il pas biaisé par une perception fausse de ce que nous avons appris lors des référendums ?
Québec solidaire a ré-ouvert le débat sur la stratégie qui allait nous conduire d’une manière plus sure, et cette fois sans l’ambiguïté, à l’indépendance. Elle doit être anticapitaliste : le manifeste « Pour sortir de la crise : dépasser le capitalisme? » l’explique. Nous devons envisager le processus comme celui qui nous interdit d’entretenir les illusions sur la gestion néolibérale de l’État. Cela n’est pas un chemin d’émancipation. La liberté est du côté de la remise en cause de cette logique.
Le socialisme s’est sclérosé ? Mais où en est le capitalisme ? Est-il encore capable de relever des défis que lui posait autrefois le socialisme ? Il est curieux de voir venir une analyse de la question nationale de ceux qui se sont rangés, bien avant nous, du côté du « droit des petits peuples ». Écoutons seulement René Boudreault, négociateur pour les autochtones, dans un bilan de son expérience, son livre « Du mépris au respect mutuel ». Monsieurs Boudreault m'est pas communsite :
« Malgré toutes les critiques que l’on ait pu adresser à l’attitude totalitaire et impérialiste de l’Union soviétique ou, avec plus de considération, à la formule fédérative de la Yougoslavie de Tito, un fait positif demeure : plusieurs des républiques composant ces fédérations détenaient une forme d’autonomie et des compétences très importantes. Elles contrôlaient même leurs parlements et avaient des institutions d’État en propre. Sans vouloir valoriser le régime soviétique, ajoutons, à titre d’information, qu’il avait permis à l’Ukraine de maintenir son statut d’État-nation à l’ONU ».
Vous trouverez la suite chez Écosociété si le livre est encore disponible et si la maison d’édition survit aux attaques sauvages et criminelles de Barrick Gold dont le président a été décoré par la gouverneure générale du Saint-Canada !
Finalement, je suis revenu au parti communiste du Québec après le détour maoïste


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 août 2009

    @ Jean-François-le-Québécois
    Quand j'ai écrit :
    « Quand on a honte de son peuple, c’est qu’il y a un problème de son côté, non du côté du peuple. »
    Je l'ai fait d'une manière générale, comme une déclaration de principe. Je ne disais pas que vous aviez honte du peuple souverain du Québec.
    « Tirons d’emblée, certaines choses au clair : le mot peuple, je ne l’avais pas écrit nulle part dans ma propre intervention. C’est vous qui l’utilisez ; est-ce de manière péjorative, ne fut-ce qu’un peu ? »
    Oui c'est moi qui l'utilise, en déclarant que ce que nous disons des Québécois, s'adresse au peuple souverain du Québec, au peuple... et il n'y a, mais alors là vraiment, aucune espèce d'intention péjorative. C'est parce qu'il existe, parce qu'il est souverain, parce qu'il a toutes qualités qu'il faut pour qu'une population donnée forme un peuple souverain, qu'il est en mesure et qu'il est qualifié pour fonder sur l'expression de ses voix libres et souveraine, l'État souverain qu'il désire.
    J'ai voulu attirer notre attention sur le dénigrement du peuple, la honte du peuple. Je n'ai pas dit que vous le dénigriez ni que vous en avez honte, en soi. J'ai dit que ce qu'on entend souvent, ce que lit, ce qu'on dit, participe de près ou de loin à ce mépris du peuple, cette honte du peuple qui ne voterait pas comme il faut, qui serait assoupi, qui serait ceci ou cela... J'en ai parlé d'une manière générale comme d'une sensibilité à mettre en valeur, cela en m'adressant à vous, parce que ce que vous avez écrit me l'a inspiré.
    « Quand je disais que j’avais eu envie de vomir quand j’ai appris que ce bourreau du Québec qu’est John James Charest avait été réélu, je crois que c’était surtout parce que j’entrevoyais presque, le genre de dégâts qu’il allait continuer à nous causer, comme au cours des années précédentes ! »
    Je comprends bien, mais j'ai voulu attirer votre attention sur le fait qu'il faut bien choisir ses mots... Car, il faut se garder, je pense, d'avoir du mépris, de la honte pour son peuple qui fait ceci, qui ne fait pas cela. Et ça, on le lit trop souvent, «les Québécois sont des moutons, des peureux... » des ceci, des cela… Etc.
    Or, ils ne sont ni plus grégaires que les autres peuples, ni plus peureux. Au contraire dirais-je. Ils sont braves. Il faut l'être pour survivre à tant de sévices, tant de conditions adverses, et toujours être là, 250 ans plus tard. Résistant de toutes les manières, parfois par l'inaction, un mur, ça ne passe pas. Parfois dans l'action et l'effervescence...
    « Cela étant dit, je peux ressentir une certaine amertume, à l’égard des électeurs, souverainistes convaincus ou pas, qui ont préféré demeurer chez eux plutôt que d’aller voter, disant grosso modo que ça « ne leur tentait pas » ou qu’ils « étaient écoeurés » (sic et re-sic)... »
    Mais on nous a dit ici plus qu'ailleurs que le PQ et que le Bloc ne valaient pas mieux que le PLQ. Or, c'est ce que nous avons... le PLQ... Ils ont gagnés, ils voulaient battre le PQ, ils l'ont battu. ET... cela va recommencer à la prochaine élection... Sauf si... nous faisons sur l'ESSENTIEL l'UNION de nos forces...
    Ne nous restent que 18 à 24 mois pour la faire...
    Je ne vous ai pas mis de mots dans la bouche. J'ai fait valoir un principe. J'ai tenté d'attirer notre attention sur le mépris avéré ou involontaire du peuple. Je m'y suis mal pris sans doute... puisque vous protestez.
    Merci de considérer cette contribution pour ce qu'elle est, non pas la dénonciation de ce que nous êtes ou ce que vous dites, mais une dénonciation d'une tendance, d'une position qui aurait pour effet de mépriser ou avoir honte du peuple souverain du Québec, celui qui est le seul nôtre, et pour lequel nous voulons nous battre pour sa libération.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    22 juillet 2009

    @ Luc Archambault:
    Tirons d'emblée, certaines choses au clair: le mot peuple, je ne l'avais pas écrit nulle part dans ma propre intervention. C'est vous qui l'utilisez; est-ce de manière péjorative, ne fut-ce qu'un peu?
    Par ailleurs, qui parle, ici, d'avoir honte de la nation à laquelle j'appartiens? Pas moi! Je pense que vous me prêtez des sentiment qui ne sont pas les miens.
    Quand je disais que j'avais eu envie de vômir quand j'ai appris que ce bourreau du Québec qu'est John James Charest avait été réélu, je crois que c'était surtout parce que j'entrevoyais presque, le genre de dégats qu'il allait continuer à nous causer, comme au cours des années précédentes!
    Cela étant dit, je peux ressentir une certaine amertume, à l'égard des électeurs, souverainistes convaincus ou pas, qui ont préféré demeurer chez eux plutôt que d'aller voter, disant grosso modo que ça «ne leur tentait pas» ou qu'ils «étaient écoeurés» (sic et re-sic)...
    J'étais en colère peut-être, oui, contre ces émules de Marie-France Bazzo, qui ne pouvant un tant soit peu, se faire violence en allant voter bien qu'ils n'en aient pas eu envie, nous ont tous fait rater une magnifique occasion de foutre Charest hors de son siège de premier ministre!
    Maintenant, je vous prie de ne pas me mettre de mots dans la bouche, et si jamais un jour je devais avoir honte d'être Québécois, je le dirai moi-même, ouvertement. Pas autrement; je suis un assez grand garçon pour m'exprimer moi-même!

  • Archives de Vigile Répondre

    21 juillet 2009

    @ Jean-François le Québécois
    Quand on a honte de son peuple, c'est qu'il y a un problème de son côté, non du côté du peuple.
    La responsabilité des souverainistes est écrasante dans cette réélection de Jean Charest. Ils ne sont pas allé voter. à peine 20 000 voix auraient pu faire la différence entre un gouvernement majoritaire de Charest et un gouvernement de la majorité anti Charest. Cela en grande partie parce que les plus activistes d'entre nous, ont décidé qu'il valait mieux élire Jean Charest que le PQ. Cela a été leur politique. Au mépris d'élire uen COALITION SOUVERAINISTE.
    Alors, moi, ce qui me fait honte ce n'est pas le peuple, ce sont les élites souverainistes qui ont fait le choix que vous vomissez aujourd'hui. Moi aussi je le vomi. Mais je me garde bien d'avoir honte de mon peuple. Par contre j'ai honte de ce choix fait par mes frères et soeur d'armes. J'étais contre ce choix, ils n'ont que ce qu'ils méritent, et, qui paie la note vous pensez ? Le peuple...
    Que le peuple en vienne à ne plus savoir quoi faire avec de telles élites souverainistes, qu'il en ait les bras qui tombe, je le comprends aisément. Que voulez-vous faire avec une telle division des seules forces capables de changer les choses ? Rien... alors le peuple il attend que nous cessions nos querelles... Et il va attendre tant et aussi longtemps qu'elles ne cesseront pas. Et, je le comprends, ce serait perdre son temps que de penser pouvoir faire quelque chose qui vaille dans les circonstances.
    Les imprécations et le recours à la honte du peuple ne fera qu'accentuer la brisure entre le peuple est ses élites activistes souverainistes.
    Il nous faut faire l'UNION des notre véhémence hors la honte du peuple. Il nous faut doté de telle UNION faire ensuite celle de toutes les composantes de la mouvance souverainiste. Quels pourraient en être les termes ?

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    20 juillet 2009

    @ Guy Roy:
    J'aime mon sol natal, j'aime les gens d'ici, monsieur Roy. Mais le fait que Charest, pourtant l'homme le plus détesté au Québec, dès la deuxième année de son premier mandat, aie récemment gagné un troisième mandat...comment dire...
    C'est un peu comme si George W. Bush avait pu se représenter pour briguer un troisième mandat comme président des États-Unis, et que malgré TOUT, le peuple américain l'avait encore reconduit au pouvoir, lui et sa bande de néoconservateurs!
    Qui aime bien châtie bien, dit-on; et même si je ne crois pas que cela soie toujours vrai, dans ce cas-ci, je pense qu'une bonne partie de la nation québécoise mérite un coup de pied au cul.
    Excusez-moi de le dire de telle façon. Quoique, de mon côté, quand j'ai appris que le PLQ était réélu, la dernière fois, c'est tout juste si je n'ai pas vômi sur place.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 juillet 2009

    Mon cher M. Roy,
    En écrivant ces deux derniers textes je ne croyais pas faire sursauter qui que ce soit sur le point que vous soulevez. Je ne fais, en aucune façon du dénigrement, je constate tout simplement. C'est surtout quand j'ai vécu au ViêtNam en '87, 88, 89 que j'ai constaté la force de caractère de ces gens. C'est là que je n'ai pu faire autrement que de comparer « l'endormitoire étatisé » des Québécois, j'en ai presque honte. Pourtant les Québécois sont de gens de talents et de grandes capacités, inventifs et travailleurs. Par contre, actuellement, vous conviendrez qu'il flotte dans le ciel québécois une forte concentration de soporifique qui fait en sorte que, collectivement, pour l'instant du moins, nous semblons insensible au réel dénigrement dont nous sommes les victimes consentantes. Mes paroles vous choquent, bravo, c'est ça le but. Si ces paroles pouvaient toucher un plus large auditoire ou lectorat et servir d'aiguille dans les fesses pour réveiller, faire réagir ces gens pour qu'enfin nous cessions de se laisser manger la laine sur le dos en disant bravo, ce serait ça d'acquis. Vous ne croyez pas?
    Ivan Parent