Sondages 2007

La menace du pire : PQ 50, PLQ 43, ADQ 32

Vigile


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René Lévesque paraphrasait souvent Winston Churchill en disant que de tous les systèmes politiques, la démocratie était le moins mauvais. Effectivement, la démocratie est une chose parfois décevante, voire fragile, même là où elle bénéficie d’une longue tradition. L’histoire de l’Humanité nous a maintes fois démontré que, malgré toute la sagesse qu’on lui prête, le bon peuple est capable du meilleur et du pire.
À l’époque de la crise d’Oka en 1990, j’habitais le quartier montréalais de Côte-des-Neiges mais, travaillant à Beauharnois, je devais normalement emprunter quotidiennement le pont Mercier. Cette année-là, j’avais connu un jeune gardien de sécurité qui s’était vanté auprès de moi d’être l’un de ceux qui avaient escaladé la structure du pont pour y accrocher un pendu fait d’une baudruche artisanale à l’effigie d’un Mohawk. D’un physique imposant, l’homme devenait étonnamment agressif en me racontant les heures que lui et ses comparses avaient passées à patrouiller l’extrémité nord du pont, armés de bâtons de baseball, de fourches et autres objets menaçants. « Si nous, on peut pas traverser, les maudits sauvages, y traverseront pas non plus», me répétait-il, les yeux exorbités. Je n’ose imaginer ce qui aurait pu arriver à un touriste asiatique aux airs vaguement amérindiens qui aurait eu la mauvaise idée d’être attiré par cet attroupement avant que la police ne disperse finalement lesdits justiciers autodidactes. Il y a fort à parier que ces gens comptaient parmi ceux qui ont lapidé de pierres le cortège de voitures qui, escorté d’autos patrouilles de la SQ, avait évacué vieillards et enfants du village de Kanesatake assiégé par l’armée canadienne. Bref, j’ai toujours été fier d’être Québécois, mais j’ai quelques fois eu honte de certains Québécois.
Dans toutes les sociétés, c’est lorsque la population perd confiance en la capacité de ses institutions de résoudre les problèmes que la démocratie secrète l’un de ses plus nauséabonds sous-produits : le populisme. Lorsqu’au débat des chefs, j’ai vu Mario Dumont dégainer ses accusations au sujet de l’effondrement du viaduc de la Concorde, j’ai aussitôt pensé à mon gardien de sécurité de 1990. « Enfin quelqu’un qui met ses culottes », m’aurait-il dit. En 2004, secondé par le controversé André Arthur, Mario Dumont a exploité à fond les odieuses rumeurs d’impunité de certains notables de Québec dans l’enquête Scorpion sur le réseau de prostitution juvénile. Puis l’année suivante, le chef de l’ADQ a tout fait pour tirer profit du duel entre le CRTC et l’animateur de radio-poubelle Jeff Fillion. Tout récemment, M. Dumont a grossièrement récupéré les craintes les plus irraisonnées à l’égard du concept d’accommodement raisonnable. Et voilà qu’à des fins non moins bassement partisanes, l’homme propage maintenant dans la population les pires soupçons de négligence gouvernementale ayant causé la mort atroce de cinq innocentes victimes, dont une femme enceinte. La recette est éprouvée. « On nous cache des choses. Mettons fin à cette culture du secret », scande-t-il en substance. En agissant de la sorte, Mario Dumont ne démontre qu’une seule chose : son absence totale de scrupules dans la poursuite de ses ambitions.

Il y a quelques jours, la radio nous faisait entendre un citoyen désabusé par la détérioration de la situation de l’emploi dans sa région. Affirmant avoir l’intention de voter pour la première fois pour l’ADQ, cet homme lança : « Leurs idées ne sont peut-être pas bonnes, mais au moins ils en ont ». Voilà des mots qui renvoient les autres partis à leurs devoirs. Ce faisant, je remercie à l’avance les autres chefs et leur formation politique de ne pas chercher à ressembler à l’Action démocratique du Québec. Car la tentation sera forte, puisque selon les données du sondage Léger-Marketing - TVA d’hier soir :
● Le Parti Québécois d’André Boisclair élirait 50 députés, mais ce chiffre en vaut bien un autre, compte tenu de la situation serrée chez les francophones (ADQ 35%, PQ 34%, PLQ 24%, marge d’erreur de 3% 19 fois sur 20). Il se pourrait même que le PQ élise à peine plus de députés en ayant moins d’appui populaire que le PLQ et l’ADQ, ce qui lui vaudrait une pluie d’injures. Pour les souverainistes, cette éventualité est probablerment le pire scénario, car en étant contraint de faire de douloureux compromis avec des partis qui n’ont pas grand-chose en commun avec lui, le PQ horripilerait ce qui lui reste de clientèle naturelle. En comparaison du sondage CROP du 10 mars, les circonscriptions de Nicolet-Yamaska, Iberville, Saint-Hyacinthe et Deux-Montagnes (!?!) passeraient du camp péquiste à l’ADQ.
● Le Parti Libéral de Jean Charest ferait élire 43 députés. Et, tout hasardeux que soient les résultats de cette modélisation informatique, le chef du PLQ pourrait ne pas être du nombre, nos résultats anticipant sa défaite dans Sherbrooke aux mains du péquiste Claude Forgues. Une telle éventualité serait une humiliante déroute pour le principal leader fédéraliste au Québec et sèmerait le chaos absolu dans le camp libéral. Mais on est encore loin du compte. Depuis le sondage CROP du 10 mars, Abitibi-Est, Mégantic-Compton et Shefford passeraient à l’ADQ.
● L’Action démocratique du Québec de Mario Dumont et ses 32 députés domineraient sans partage les régions de Chaudières-Appalaches et de la Capitale nationale, et feraient de sérieuses percées en Abitibi-Témiscamingue, en Mauricie-Bois-Francs et en Montérégie. De quoi rendre disponibles quelques potentiels ministres des prisons à but lucratif, des abolitions de structures ou de l’érosion de la clientèle des CPE.
Québec solidaire et Françoise David peuvent toujours surprendre. Mais en nuisant très essentiellement au PQ, ils risquent surtout de décevoir. Advenant la multiplication des défaites de candidats péquistes par moins de voix que ce qu’aurait obtenu Québec solidaire, osons espérer que Madame David ne dansera pas devant les caméras de télévision comme Paul Cliche le fit un triste soir d’avril 2001 dans Mercier.
Plus se reserre la lutte, plus il y a du brouillard dans notre boule de cristal. À partir de ce sondage, on peut quand même avancer ce qui suit :
● André Boisclair va chercher à consolider sa crédibilité en tant que potentiel Premier ministre (toujours son principal point faible), en mettant en évidence sa connaissance des dossiers, en illustrant son leadership et en faisant valoir son équipe.
● Jean Charest va jouer à fond les cartes de l’épouvantail référendaire péquiste et de l’incompétence adéquiste.
● Mario Dumont se tiendra tranquille, surfant sur ses acquis et essayant de ne pas avoir l’air sur la défensive.
● Françoise David misera tout sur les seules circonscriptions de Gouin et Mercier.
Seulement 10% de sondés indécis ou discrets ont été répartis. Aussi peu que 36% des électeurs disent pouvoir encore changer d’idée. Le débat des chefs semble donc avoir cristallisé les intentions de votes. On se souviendra qu’au lendemain du débat des chefs de 2003, les chroniqueurs et observateurs spécialisés avaient majoritairement donné Bernard Landry gagnant. Mais puisque dans les jours suivants, les millions d’électeurs qui n’avaient pas vu le débat avaient surtout entendu parler du lapin de Charest au sujet de la déclaration de Parizeau, c’est finalement le chef du PLQ qui avait emporté la mise dans les sondages. Il semble que le même désolant phénomène se soit reproduit en 2007, cette fois-ci à la faveur du «p’tit gars de Cacouna».
Les chefs devront absolument mener campagne jusqu’au tout dernier instant pour espérer l’emporter. La fatigue pourrait en faire trébucher un. Lequel ? C’est à suivre.

CHRISTIAN GAGNON, ing.

L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre
d’octobre 2002 à décembre 2005

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Christian Gagnon138 articles

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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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1 commentaire

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    16 mars 2007

    Le côté commentaire de l'article me laisse perplexe.
    Écrire sur les dangers du populisme est une chose mais sur un autre versant des choses la nation québécoise ne connaît pas cette présence à soi même qui procure l'énergie d'exister et de prendre sa place. Nos propres leaders souverainistes n'ont pas trop su exprimer cette autorité naturelle et non négociable qui inspire confiance à la collectivité. Et disons le aussi que cette autorité passe par une certaine capacité réelle d'intimidation de l'adversaire.
    C'est évidemment Jacques Parizeau et Lucien Bouchard qui se sont grandement rapprochés de cette approche qui a justement presque réussi à gagner le référendum de 95 nonobstant la tricherie d'Option Canada. Ni R.Lévesque, ni B.Landry et ni A.Boisclair ne peuvent figurer comme des chefs de fermeté.
    Le mouvement souverainiste aurait besoin du style d'un Pierre Trudeau qui en impose et qui ouvrirait la voie pour un élan irrésistible.
    Ce n'est pas un pacifisme québécois sans nuances marqué par un catholicisme du troupeau plongé dans son mutisme centenaire qui va débloquer le Québec.
    Mais pour qui il se prend celui là! Je m'exprime comme ça tout en m'incluant moi même dans cet immobilisme de la nation. Un immobilisme que j'ai trouvé dans ma famille immédiate et dans celle de mes oncles et mes tantes qui m'a traversé relativement de même.
    Ce que je dis c'est que nous ne sommes pas dangereux contre ceux qu'on appelle les "autres" mais plutôt pour nous mêmes.
    Nous sommes divisés nous les Québécois en incluant les néo-québécois comme tous ceux qui vivent entre la Gaspésie, l'Abitibi et Montréal. Nous ne sommes pas solidaires pour l'essentiel politiquement mais plus profondément pas davantage socialement comme au niveau existentiel.
    Le populisme malsain et médiocre de Dumont est peut être plutôt la réponse à un désarroi québécois résultat d'une révolution tranquille incomplète. Le modèle de remplacement du vieux catholicisme se trouve dans le pays.
    En ce qui regarde l'analyse du sondage, serait t'il possible de voir le 26 mars un gouvernement majoritaire adéquiste? Mettre l'emphase positive et convaincante sur l'équipe Boisclair plutôt que de croire à la soumission fédérale et aux peurs libérales afin qu'un gouvernement soit minoritaire à Québec.
    Le PQ doit améliorer son programme se distancer de son obsession de la rigueur budgétaire qui ne le rend pas plus populaire chez les gens de Chaudière Appalaches et se repositionner au centre gauche afin de retrouver une bonne partie des électeurs QS et PV. Il faut récupérer les intentions de votes QS, PV en régions aussi qui favorisent les adéquistes contre les candidats péquistes. Un raisonnement élémentaire que les stratèges et responsables du Parti Québécois sont capable de faire?