La main invisible

Voilà pourquoi Sarko s'agite, au bout des ficelles de Power qui tient en laisse beaucoup d'autres petits caniches bien placés...

Dire que notre monde et son destin sont souvent entre les mains d'une minorité d'individus et d'entreprises puissants et très riches n'est pas un euphémisme.
Il y a de cela cinq ans, bien assis devant mon téléviseur à écouter les nouvelles du soir, qui ne vis-je pas apparaître à l'écran? Tony Blair, alors premier ministre de l'Angleterre. Non pas au Parlement britannique, mais bien dans le désert, en Libye. Tony Blair se trouvait dans la tente du colonel Kadhafi, notre Ben Laden des années 80, les deux se serrant candidement la main. Deux jours plus tard, le géant British Petroleum annonçait des investissements de 200 millions $US pour développer des gisements dans le pays de celui qui fut pendant presque deux décennies l'ennemi juré de l'Occident. Pénurie du pétrole et flambée de son prix ont justifié, semble-t-il, la fin des hostilités. Tony Blair fut de toute évidence l'émissaire envoyé prestement par le géant British Petroleum (en quête de réserves) pour signer un pacte avec le diable. Cela illustre le pouvoir de la main invisible d'une société riche et puissante sur les plus grands politiciens.
Autre exemple: Arnold Schwarzenegger. En 2002. Lui et Warren Buffett, à ce moment-là le second homme le plus riche des États-Unis, ont débarqué un lundi de septembre à Londres pour se rendre à la réunion annuelle de la non moins richissime famille des Rothschild. Moins d'un an après cette réunion, notre Terminator du cinéma se retrouvait gouverneur du plus important État des États-Unis, la Californie. Une fois de plus, il faut y voir entre les lignes l'oeuvre de la main invisible de grands et puissants financiers.
Maintenant ici, au Québec et au Canada. Que d'encre ont fait couler ces derniers jours les propos de Nicolas Sarkozy, le président de la République française! Dans son discours lors de la remise de la médaille de la Légion d'honneur à notre premier ministre Jean Charest, il a dit vertement que la souveraineté du Québec, ce n'était pas son truc.
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Au-delà de cet aparté, des enjeux de taille se dessinent. Un premier: les sables bitumineux, une réserve estimée au bas mot à 175 milliards de barils de pétrole. Le géant français Total a des visées dans cette région de l'Alberta. Total est le quatrième groupe pétrolier intégré au monde en importance, avec des réserves de 20 milliards de barils de pétrole équivalents. Il y a deux semaines environ, Total a déposé une offre ferme pour acheter toutes les actions d'UTS Energy. Cette dernière détient des droits d'exploration sur plus de 100 000 hectares en Alberta en plus, et surtout, de posséder une participation de 20 % dans Fort Hills, l'un des gisements les plus prometteurs. Les autres joueurs dans Fort Hills sont Teck Cominco (sa participation est probablement à vendre) à hauteur de 20 % et Petro-Canada à hauteur de 60 %. D'ici peu, Total deviendra le partenaire de Petro-Canada dans les sables bitumineux.
Mais les visées de Total s'arrêteront-elles là? J'en doute. Une semaine après le dépôt de l'offre par Total sur UTS, la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario, Teachers, a annoncé avoir porté sa participation dans Petro-Canada à plus de 3 % et qu'elle entendait désormais devenir un actionnaire activiste. La caisse de retraite juge grossièrement sous-évaluées les actions de Petro-Canada et entend donc brasser la cage comme elle l'a fait en 2007-08 avec notre géant des télécommunications BCE. Voilà une concordance des temps qui laisse penser que Total lorgne du côté de Petro-Canada.
Un obstacle: cette fameuse clause qui interdit à un investisseur de détenir plus de 20 % des actions de Petro-Canada. Il faudra ici la clémence du gouvernement Harper pour lever cette interdiction. Nicolas Sarkozy, en frappant fort sur les souverainistes, visait à augmenter considérablement le capital de sympathie du Canada anglais envers lui et la France. Total en aura besoin pour réaliser ses objectifs. Et il faudra tirer quelques ficelles. À ce jeu, rien de mieux que Paul Desmarais qui, par l'entremise de son holding Power Corporation et GPL (un holding détenu conjointement avec le Belge Albert Frère), détient près de 4 % de Total.
Simultanément à cette joute, un autre enjeu de taille se déroule: un éventuel traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Stephen Harper et Jean Charest partagent ce rêve d'établir un pont solide entre le Canada et l'Union européenne, un marché plus vaste que celui des États-Unis. Nicolas Sarkozy désire également établir ce pont avec le Canada, un pays riche en ressources naturelles.
C'est dans ce contexte qu'il faut analyser les interventions de Nicolas Sarkozy. Et, encore une fois, il faut y voir là l'intervention de la main invisible de puissants financiers. Des groupes d'hommes puissants aux intérêts convergents dont les gestes peuvent infléchir la direction que prendra la destinée d'une nation.
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