La leçon écossaise

L'incontournable principe d'effectivité

Chronique de Jean-Claude Pomerleau


Un député du Parti Québécois nous apprend que Madame Pauline Marois se rendra en Écosse prochainement pour rencontrer le Chef du parti indépendantiste, Alex Salmond :
J'espère que Madame Marois va en profiter pour se faire expliquer par M. Alex Salmond, le Chef du parti indépendantiste, comment il est arrivé à conclure une entente forçant le gouvernent de Londres à accepter d'avance les résultats du prochain référendum prévu en 2014 : l'Entente d'Édinbourg, entente qui garanti d'avance l'effectivité de la décision.

Depuis 40 ans le mouvement souverainiste baigne dans l'illusion qu'il suffit de prendre une décision démocratique pour la souveraineté pour automatiquement l'obtenir. Or l'État canadien a clairement exprimé son intention de ne pas reconnaître les résultats du référendum sur la souveraineté au Québec. Il serait temps d'en faire le constat plutôt que de continuer à croire (comme J. M. Aussant et G. Duceppe) "que le Canada est un pays démocratique". Cette illusion, entretenue par le leadership souverainiste, entraîne la cause dans une dérive imaginaire : on dort pour mieux rêver ! Pendant ce temps le Québec recule.
La leçon écossaise nous enseigne que ce qui est en cause c'est le principe d'effectivité : il ne s'agit pas seulement de prendre une décision (si démocratique soit elle) pour la souveraineté ; il faut surtout être capable de rendre cette décision effective sur notre territoire ; ce qui n'était pas le cas en 1995. M. Salmond, un familier de la question québécoise, a très bien compris le principe d'effectivité, c'est pourquoi il a adopté une stratégie de négociation vis-à-vis le gouvernement comprenant une option inacceptable pour le gouvernement de Londres. Au statut quo et l'indépendance, il a ajouté un autre choix : la dévolution maximum de pourvoir (devo max). C'est pour écarter cette dernière option recevant un appui largement majoritaire en Écosse que le gouvernement anglais a été forcé à la négociation et finalement à l'acceptation de l'Entente d'Édinbourg. Laquelle entente garanti l'effectivité de la décision du Référendum prévu en 2014.
On ne peut pas refaire l'histoire (qui est l'art de prévoir le passé).
Mais, si René Lévesque (ou Jacques Parizeau), avait incorporé un "devo max" comme troisième option (inacceptable) pour forcer P. E. Trudeau (ou J. Chrétien) à négocier une entente par laquelle l'État canadien se serait engagé d'avance à reconnaître le résultat du Référendum, l'histoire aurait pu être différente. Le cas échéant, le Québec serait souverain depuis 1995. Si l'État canadien avait refusé de reconnaître à l'avance les résultats, donc l'effectivité de la décision, on aurait pu au moins refuser de s'engager dans un jeu de dupe, où, face on perd, et pile on ne gagne pas, ce qui eut été moins préjudiciable pour le Québec.
Depuis 40 ans, on dort pour mieux rêver, pendant ce temps on néglige la défense des intérêts supérieurs de l'État du Québec (le vecteur de la souveraineté), un recul qui devient critique et qui risque de nous être fatal si on ne se réveille pas.
Comme l'État canadien refuse de jouer le jeu démocratique, la souveraineté ne peut être obtenu que si le Québec arrive à bâtir un rapport de force favorable qui seul garanti le changement de statut d'un État. Tel est maintenant le défi. Et tout ce que cela prend pour le relever c'est, dans le système parlementaire britannique, un mandat de gouvernance souverainiste. À condition d'avoir la volonté et l'intelligence politique pour mener ce mandat à bien. Et là j'avoue qu'on part de loin. Surtout si on est incapable de tirer une leçon des autres.
Alex Salmond nous rappelle à l'incontournable principe d'effectivité en politique. À Madame Marois d'en tirer une leçon.


L'incontournable principe d'effectivité


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5 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    17 mai 2013

    Jean François Lisée a tout compris : Référendum, pile on perdait, face on ne gagnait pas.
    Son commentaire sur le voyage de Chrétien et Dion à Londre :
    À quelques jours du référendum, Chrétien a fait un discours à la nation affirmant qu’une victoire du Oui allait irréversiblement faire du Québec un pays. Mais il savait qu’il refuserait de reconnaître la légitimité du Oui.
    Il le raconte dans sa biographie, Passion politique, publiée en 2007 :
    « J’étais dans une situation très difficile. D’un côté, je voulais encourager les nationalistes mous et les indécis à voter Non en leur signalant les dangers tangibles d’un Oui.
    D’un autre côté, je devais éviter de me piéger moi-même en donnant à entendre qu’un Oui gagnant enclencherait inévitablement et irréversiblement la mécanique de la séparation.
    J’ai alors décidé qu’il était plus important de ne pas parler de ces conséquences que personne ne pouvait prédire et de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour assurer tout de suite la victoire du Non. »
    L’important pour lui était donc de duper les indécis et les nationalistes modérés avec cette stratégie lui permettant d’être gagnant quoi qu’il arrive : s’il faisait assez peur, il gagnerait ; si ça ne marchait pas, il refuserait de perdre.
    (...)
    Les conseils de Jean Chrétien ne seront heureusement pas suivis par les Britanniques, qui semblent vouloir faire preuve, dans l’affaire écossaise, d’un fair-play qui les honore et qui est aux antipodes des tactiques des fédéralistes canadiens de 1980 et de 1995.
    (...)
    http://jflisee.org/chretien-a-londres-les-mauvais-conseils-de-m-non/
    ...
    JCPomerleau

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    31 janvier 2013

    Madame Marois en Écosse ; elle était sur le cas du principe d'effectivité mais ... :
    (...)
    La déception de la première ministre Marois tient au fait qu’elle souhaitait pouvoir discuter avec son homologue de la nature de cette entente. Elle avait souligné lundi aux journalistes l’accompagnant vouloir savoir comment Alex Salmond avait pu convaincre David Cameron de respecter l’autorité du Parlement écossais. Un tel respect mutuel entre partenaires est chose impossible au Canada, avait-elle dit. Si elle avait pu l’amener à en parler devant les journalistes québécois, cela aurait été bonbon, car au même moment, le Bloc québécois ouvrait à Ottawa un débat pour obtenir le rappel de la Loi sur la clarté référendaire. Le hasard n’aurait pas fait aussi bien les
    choses.
    (...)
    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/369659/vraiment-historique
    JCPomerleau

  • Marcel Haché Répondre

    11 janvier 2013

    La Question elle-même, le fameux « libellé » de la question, est devenu bien secondaire. Contrairement à ce que croient les référendistes ou encore les tenants de l’élection référendaire (ces deux « options » étant les deux faces d’une même médaille), la gouvernance souverainiste n’a pas besoin, mais alors pas besoin du tout, de faire des gains au chapitre du partage et du rapatriement des compétences pour épuiser et mettre en échec l’institution fédérale. Cette game-là, celle du rapatriement des compétences, c’était celle des gouvernements fédéralistes autonomistes du Québec, certes, certes, certes et re-certes, une game que peut jouer un gouvernement péquiste, mais en simple diversion.
    La gouvernance souverainiste, c’est l’agenda, le contrôle de l’agenda, (non pas la confection obséquieuse d’une question, non plus qu’une montée de tout un peuple aux barricades), contrôle qui pourrait constituer, si le gouvernement péquiste était majoritaire, une formidable menace et un défi tel sur le long terme que le « fédéral » serait incapable de la relever.
    Le contrôle de l’agenda est déterminant. Et toutes les très mauvaises « bonnes idées » comme les référendums d’initiative populaire ou encore, cette idée absolument saugrenue d’obliger un député à passer par une réélection avant d’avoir le droit de virer capot, ces « bonnes idées » pourraient venir saboter dans le premier cas le contrôle de l’agenda, et dans le second, bien pire, amoindrir le contrôle de l’agenda par l’exécutif lui-même.
    La fronde déjà vécue et vaincue si difficilement par Pauline Marois à l’intérieur de son parti ne doit pas être institutionnalisée. Cette dernière folie politique concernant les vire-capots, qu’on nous présente comme une autre de ces « bonnes idées » péquistes, équivaudrait à donner un droit de véto politique aux obscurs qui traînent partout, certes, mais qui traînent plus encore au P.Q., comme y avait traîné Jean Marie Aussant et quelques autres… Avec, évidemment, les mêmes résultats.
    Paulime Marois peut bien voyager.Et pouvoir ici,c'est devoir... car elle est notre meilleure ambassadrice.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 janvier 2013

    L'Ecosse voudrait bien avoir le quart du dixième des pouvoirs que le Québec détient actuellement...en passant.
    Si il y a un référendum gagnant sur une question claire style
    "Désirez vous que le Québec devienne un pays"
    et que les conditions de vote sont démocratiques, je ne vois pas comment le gouvernement fédéral pourrait refuser, le vers serait dans le fruit.
    De toute facon avant de spéculer il faudrait déjà être capable de réunir une majorité...de députés, pour envisager de pouvoir faire un référendum, que Madame Marois considère que c'est plus important que sa limousine, qu'elle est sure de gagner ce référendum, etc...et avoir assez de votes...
    Les derniers sondages ne sont pas vraiment en faveur de Alex Salmond, un politicien habile, un fin stratège, dévolution ou pas...
    Les solutions ne viendront pas d'ailleurs (Ecosse, Catalogne, Kosovo, Belgique), elles existeront ici par la volonté populaire, le vote, le reste ne sert pas a grand chose.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 janvier 2013


    Monsieur Pomerleau,
    Combien de Québécois connaissent et comprennent à fond
    le sens, la signification, la portée et la dynamique du
    terme DÉVOLUTION, en politique, géopolitique et en
    droit constitutionnel?
    Terme trop avancé sans doute. Trop de Québécois demeurés
    des enfants pensent qu'il suffit de vouloir l'indépendance pour l'obtenir par le fait même.
    La dévolution est un processus complexe et exigeant, car
    il signifie le déplacement et la réorganisation d'un
    ordre de choses.
    Les adultes enfants voient le monde fixé comme une image dans un miroir. Les gens mûrs et instruits savent que rien n'est définitivement fixé dans une vie, individuelle et
    collective. Chaque jour suffit sa peine et exige des adaptations à de nouvelles circonstances. Tel est le sens de la dévolution. C'est comme des parents qui doivent reconnaître que leur enfant n'est plus un enfant et s'il n'a pas été préparaé en conséquence, ce sera la catastrophe.
    Le Québec est né il y a 400 ans. Il a été abandonné par la France, qui, le faisant, traitait les colons Québécois comme des adultes en qui elle faisait confiance. L'Angleterre aussi a quitté avec les Statuts Refondus de
    Westminster en vigueur depuis le 11 décembre 1931. Et mainteanant, c'est au tour d'Ottawa, capitale post-impériale, temporaire et artificielle, de quitter à son
    tour. C'est celà la DÉVOLUTION. Simple à énoncer avec des mots: pas facile à traduire en Acte.
    Le comprendre fait la différence entre l'adulte et l'enfant.
    Salutations cordiales.
    JRMS