Dimanche au Métropolis, dans le cadre des FrancoFolies, Ariane Moffatt a commencé son spectacle par deux chansons en anglais. Deux pièces tirées de son nouveau disque, MA, dont la moitié des titres sont dans la langue de Cohen.
J'ai trouvé qu'elle avait du front. Ce sont les FrancoFolies, quand même. Consciente de son «audace», dans ce contexte très particulier, elle a osé une ou deux blagues, en parlant de New York, d'où elle arrivait, et en prononçant le nom du festival à l'anglaise: Lez FrincoFolliezzz de Mantreallll...
Je m'attendais à une réaction de la foule. Les FrancoFolies célèbrent après tout la chanson francophone. Y commencer son spectacle en anglais, alors que son répertoire compte des dizaines de chansons en français, peut passer pour une fronde ou une provocation.
La réaction n'est pas venue. D'abord parce qu'Ariane Moffatt, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, n'avait pas l'air de vouloir défier quiconque. Ensuite parce que la question épineuse de la langue, en chanson, pour les gens de ma génération (la majorité de son public), n'est plus aussi épineuse qu'elle l'a déjà été.
L'anglais n'est plus, pour la plupart des Québécois de moins de 40 ans, la langue de «l'ennemi». C'est une langue internationale commune, que l'on a intérêt à maîtriser si l'on veut s'ouvrir au monde. Je m'étonne chaque fois de constater que, pour certains, le bilinguisme est encore perçu comme une menace à l'identité québécoise.
Ariane Moffatt chantera à la Fête nationale du Québec à Montréal. Je ne sais pas si elle chantera en anglais. J'espère, si c'est le cas, qu'on ne s'en formalisera pas. Et que (soupir) la frange radicale du mouvement nationaliste ne la traitera pas de «traître à la nation» (marque déposée).
Je ne fréquente pas d'ordinaire le Grand spectacle de la Fête nationale. Je ne suis pas friand des enthousiasmes nationalistes. De l'agitation de drapeaux en général et du patriotisme exacerbé en particulier.
Je ne suis pas non plus un amateur des grands appels poétiques à l'émancipation de la patrie, déclamés par des comédiens ou des chanteurs transis d'émotion. Les trémolos dans la voix, très peu pour moi. Les envolées lyriques itou. Surtout lorsque cela semble plus ou moins incarné. Je préfère le théâtre au théâtre.
Dogmatisme et repli identitaire
Ce que je regrette le plus de la Fête nationale, ce qui m'en tient le plus éloigné, c'est son instrumentalisation politique. Son dogmatisme. Son parfum délétère, toujours perceptible en arrière-fond, de repli identitaire. Nous, peuple québécois blanc, francophone, asservi, descendant des Patriotes, nous serrons les coudes devant l'ennemi colonialiste canadien-anglais.
Bien sûr que la monarchie constitutionnelle est pour nous une aberration. Évidemment que le Canada de Stephen Harper n'a rien à voir avec le Québec (même celui du conservateur Jean Charest). Ce sont deux pays, avec deux cultures distinctes. Je n'apprends rien à personne.
Je suis indépendantiste. Je l'ai toujours été. Ce n'est pas très original, on en conviendra, pour un chroniqueur aux pages culturelles. Je connais les dangers de l'assimilation. J'ai grandi dans le West Island. Je sais qu'il faut protéger, à tout prix, la Charte de la langue française, si l'on espère assurer notre pérennité.
Je crois aussi que le mouvement indépendantiste doit se défaire de ses réflexes réactionnaires. Et des délires paranoïaques de ses adeptes du complot médiatique, qui voient partout, jusque dans leur soupe aux pois, des «méchants anglophones et fédéralistes» menacer l'avenir Québec.
Je ne parle pas que des vieux zélotes monomaniaques de l'indépendance et autres laudateurs du nationalisme ethnique qui sévissent en vase clos sur l'internet, en distillant leur aversion pour «l'autre». Je parle aussi de Mario Beaulieu, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qui se trouve à être le président du Comité de la Fête nationale à Montréal.
L'organisateur de la «Fête de tous les Québécois» est l'un des plus grands pourfendeurs de l'utilisation de la langue anglaise au Québec. Il s'indigne à la simple idée qu'un personnage puisse parler anglais dans un film québécois. Je me demande ce qu'il pensera, sincèrement, le 24 juin, si Ariane chante en anglais...
Pour joindre notre chroniqueur: cassivi@lapresse.ca
La langue d'Ariane
L'anglais n'est plus, pour la plupart des Québécois de moins de 40 ans, la langue de «l'ennemi». C'est une langue internationale commune, que l'on a intérêt à maîtriser si l'on veut s'ouvrir au monde. Je m'étonne chaque fois de constater que, pour certains, le bilinguisme est encore perçu comme une menace à l'identité québécoise.
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