Pour faire suite à la chronique de Mme Francine Pelletier parue dans Le Devoir du 24 octobre, nous vous voulons apporter quelques corrections.
Nous pouvons affirmer que la laïcité au Québec fait l’objet de revendications depuis la fin du XVIIIe siècle, lors des premiers débats sur une université non confessionnelle. Le Mouvement laïque québécois se réclame de cette action historique.
On peut aussi remonter dans l’histoire à la rébellion des patriotes, qui réclamaient « que le Bas-Canada doi[ve] prendre la forme d’un gouvernement RÉPUBLICAIN et se déclare maintenant, de fait, RÉPUBLIQUE. Que sous le gouvernement libre du Bas-Canada, tous les citoyens [aient] les mêmes droits : les Indiens cesseront d’être sujets à aucune disqualification civile quelconque, et jouiront des mêmes droits que les autres citoyens de l’État du Bas-Canada. Que toute union entre l’Église et l’État est par la présente déclarée être dissoute, et toute personne aura le droit d’exercer librement telle religion ou telle croyance qui lui sera dictée par sa conscience ». Et que dire des débats sur ces questions à l’Institut canadien de Montréal au XIXe siècle, avec des intellectuels comme Louis-Antoine Dessaulles, Arthur Buies et Honoré Beaugrand, puis Arsène Bessette ?
Ce sera ensuite, avec Borduas et les automatistes, l’« Adieu au goupillon et à la tuque » du manifeste Refus global (1948). Puis le Mouvement laïque de langue française (MLF), en 1961. Il s’opposait à un projet d’université jésuite à Montréal (on se rappelle le débat de 1790 sur la première université au Québec). Avec Jacques Godbout et Jacques Mackay, le MLF militait pour la laïcisation du Québec (écoles non confessionnelles, mariage civil, suppression du serment religieux dans les tribunaux, etc.). C’était l’époque de la commission Parent sur l’éducation au Québec, commission qui, alors, ne put aboutir à la déconfessionnalisation de l’enseignement public.
Le Mouvement laïque de langue française est bien l’ancêtre du Mouvement laïque québécois, et nombre de ses enjeux sont encore les nôtres.
On nous reproche parfois, au MLQ, de trop nous inspirer d’une laïcité « à la française ». On nous traite parfois de « laïcards » ou de « laïcistes » quand nous critiquons les accommodements à des fins religieuses et quand nous réclamons avec Guy Rocher « une laïcité tout court, réelle et apparente ». C’est dire une laïcité ni « ouverte » ni accommodante au « multi » et à l’« interculturel » (autant de compromis menant au communautarisme et aux clivages sociétaux). « Depuis 50 ans, explique Guy Rocher, nous avons déconfessionnalisé nos institutions publiques, comme l’école, le réseau de santé et les tribunaux. On a aussi développé une charte des droits et libertés au Québec puis au Canada. L’intention était de protéger les individus contre l’État. Mais maintenant, c’est en utilisant cette charte qu’on demande des accommodements religieux ! »
Concorde sociale
À ceux qui nous reprochent d’instrumentaliser la laïcité à des fins xénophobes en ciblant telle ou telle confession et en semant la discorde, nous répondons que la concorde sociale repose plutôt sur la stricte séparation de l’État et des églises, quelles qu’elles soient.
À ceux, enfin, qui nous accusent d’inventer de toutes pièces une laïcité québécoise pour brimer aujourd’hui la « liberté de religion », ce bref survol de notre laïcité montre bien la vanité de ces attaques. Notre laïcité vient de loin. Et elle ira loin. Aussi loin que la société civile, que les citoyens et les citoyennes de toute origine, de toute confession et de toute conviction philosophique voudront bien s’engager pour promouvoir une stricte démarcation entre l’État et les églises.
Le MLQ est un regroupement fondé en 1981, indépendant de toute affiliation à un parti, ouvert aux citoyennes et citoyens de toute croyance ou confession, qui partagent le même objectif fondamental, celui de la laïcisation complète de l’État et des institutions publiques du Québec.
Nous avons présenté notre position réclamant une loi sur la laïcité lors de toutes les commissions parlementaires aux gouvernements, projet de loi 94, projet de loi 60 et sur les derniers du gouvernement libéral, 59 et 62.
Aujourd’hui, nous continuons à réclamer une véritable loi sur la laïcité.