La fin du papier?

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Les Québécois ne veulent plus payer plus pour se faire mépriser par les multiculturalistes des Desmarais...

Depuis quelques jours, c’est fait : La Presse a renoncé­­­ à son édition papier. Je l’écris sans arrière­­-pensée : cela m’attriste profondément.


J’ai beau critiquer sévèrement sa ligne éditoriale fédéraliste et multiculturaliste, je m’en désole. Car La Presse, c’était aussi une institution et les grandes signatures qui ont marqué son histoire, comme on l’a vu avec le bel hommage rendu dans le dernier numéro à Pierre Foglia. Lui-même allait à contre-courant de son journal. Il n’était pas le seul et on en trouve encore.


La Presse


Évidemment, La Presse continuera sur le web. C’est-à-dire qu’elle continuera, mais avec un support plus moderne, adapté à l’environnement technologique contemporain.


Peut-être s’agit-il d’une forme de réalisme technologique ? On nous le répète : à terme, le papier est condamné. Mais est-ce bien vrai ?


Surtout, est-ce qu’un journal qui n’a plus d’édition papier ne perd pas une partie de son âme ?


Il n’en demeure pas moins que l’abandon du papier par La Presse n’est pas qu’une décision d’affaires. Cela s’inscrit dans un contexte plus large.


J’enseigne à l’université depuis 2008. Au début de chaque session, d’une manière ou d’une autre, je questionne mes étudiants sur leurs habitudes de lecture.


Je leur demande notamment combien parmi eux achètent régulièrement un quotidien.


Honnêtement, il n’y en a à peu près aucun. Quand je le leur demande, j’ai l’air d’un martien. Cela ne fait pas partie de leurs habitudes. Plus encore : même de manière exceptionnelle, lors d’événements importants, le réflexe d’acheter un quotidien ne leur vient pas.


Il faut dire qu’ils peinent à voir le monde autrement qu’à travers un écran. Si une nouvelle ne défile pas sur leur babillard Facebook, ils risquent bien de ne jamais la croiser.


Comme bien des enseignants, je constate que le livre papier les intéresse de moins en moins. Lorsque vient le temps de faire une recherche pour un travail, ils préfèrent naturellement les articles en ligne plutôt que les livres de la bibliothèque.


Mais il y a encore plus troublant. Pour eux, l’information est gratuite. Lorsqu’ils tombent sur un article payant, sur internet, cela les enrage. Payer pour lire les nouvelles ? Quelle idée ! On s’imagine que tout est gratuit. Cette manière de voir est généralisée dans la population.


Démocratie


On me pardonnera de rappeler une évidence, mais les grands journaux reconnus sont essentiels en démocratie.


Ils structurent l’espace public et créent les conditions du débat collectif. Ils départagent entre les vraies informations et les rumeurs plus ou moins loufoques. Ils permettent des enquêtes de fond. Ils privilégient le commentaire informé plutôt que l’opinion gratuite. Cela coûte cher à produire.


Et qu’on me permette une confession nostalgique : rien ne remplacera le journal papier. Ce dernier s’impose à ceux qui l’aiment comme un rituel. Il donne une vision d’ensemble de l’actualité.


Sur écran, qu’on le veuille ou non, on est porté à cliquer compulsivement. La concentration n’est pas la même.


Derrière la bataille pour les journaux, c’est une autre bataille qui se mène. Celle pour sauver la lecture et la culture démocratique.