La démocratie à la carte de M Charkaoui...

L'intuition futuriste de Françoise David

Tribune libre

Il existe de par le monde et ici même des êtres d’exception dotés d’une envergure de pensée, d’une tolérance et d’une incontestable générosité qui en font des visionnaires spontanés. Au nombre de ces penseurs inhabituels, il faut désormais compter la cheffe de Québec solidaire, Françoise David, dont la capacité d’anticipation vous jetterait au bas de votre chaise. Quel évènement justifie autant de louanges ?

Le 24 septembre 2009, lors de la victoire d’Adil Charkaoui en cour fédérale qui affranchissait ce citoyen exemplaire, depuis naturalisé canadien, de son certificat de sécurité, Mme David, au nom de son parti, tenait ces propos éloquents, avec la pondération qu’on lui connait : « Sa totale remise en liberté (de Charkaoui) est une victoire pour la démocratie et un désaveu total de la politique ultra-sécuritaire du gouvernement Harper. Québec solidaire s’oppose depuis le tout début à ces certificats de sécurité qui violent les droits les plus fondamentaux des individus concernés. Il s’agit également d’une victoire pour tous les groupes de la société civile qui l’ont appuyé au cours de ces années difficiles. »

On retient difficilement ses larmes devant tant de candide sincérité.

Fort de cet appui signifiant, M Charkaoui a réclamé en vain des excuses officielles de notre lugubre gouvernement fédéral avant d’annoncer son intention de le poursuivre, ainsi que l’inquisitorial Service canadien du renseignement de sécurité et la paranoïaque Agence des services frontaliers du Canada, pour la modique somme de 26 millions de dollars. La dignité outragée n’a pas de prix.

Citizen Charkaoui

Originaire du Maroc, Adil Charkaoui, pourtant pétri des meilleures intentions d’intégration, dirait Mme David, avait été arrêté en mai 2003 en vertu d’un certificat de sécurité, puis libéré en 2005 après plus de 21 mois d’incarcération, moyennant de strictes et infernales conditions, dont le port infamant d’un bracelet électronique. C’est la révocation de ce certificat et le retrait du bracelet qui devait soulever l’enthousiasme si légitime de la présidente de QS.

Homme éprouvé par une justice sans doute raciste, d’ailleurs toujours si injustement dans la mire des milieux de la lutte antiterroriste, cet être sensible et épris de tolérance affiche un parcours citoyen qui retient l’attention à plus d’un titre.

M Charkaoui s’est en effet depuis quelques années démarqué en tant que porte-parole du Collectif québécois contre l’islamophobie, au même titre que son alter égo, Salam Elmenyawi, président du Conseil musulman de Montréal. On retiendra de ce dévot personnage l’innocente ambition exprimée en 2004 auprès de l’Assemblée nationale du Québec d’instaurer de charmants tribunaux islamiques dans notre belle province en vue sans doute d’en rehausser le pittoresque multiculturel.

De bien méchantes langues…

En mai 2013, le journaliste farouchement islamophobe Fabrice de Pierrebourg révélait l’existence présumée d’un document d’une soixantaine de pages, déposé par les procureurs fédéraux, à l’effet que M Charkaoui aurait voulu commettre une attaque biochimique contre le métro de Montréal. Est-il possible de s’acharner ainsi sur un aussi désarmant citoyen, questionnerait sans doute Mme David ?

Une conversation soi-disant incriminante aurait été surprise : « Malgré le fait que la teneur de la conversation ne permettait pas de confirmer définitivement l’identité du « Adil » en question, le SCRS était d’avis qu’il s’agissait effectivement du demandeur [Adil Charkaoui] en raison des liens étroits du demandeur avec Abdlerazik et Ezzine et de la prononciation particulière du prénom utilisé [...] », pouvait-on lire dans le document cité par le journaliste paranoïaque qui imagine Montréal en proie à une infiltration islamiste, on se demande pourquoi.

Un autre diffamateur, Georges Leroux, professeur émérite au Département de philosophie de l’UQÀM, pourtant jadis solidaire de Charkaoui, n’hésite pas à jouer désormais les judas en réprouvant son refus de condamner l’État islamique, en condamnant son adhésion à une théorie d’un complot américain à l’origine de la création de cet empire du Mal, en dénonçant sa caution morale à toute réponse violente à l’invasion de l’Irak et en se scandalisant du détail futile à l'effet que son site internet héberge des sites djihadistes dont certains glorifient Ben Laden. Et il faudrait s’énerver ? Le droit à la libre expression, si chère à votre université, M Leroux, qu’en faites-vous ?

Nul n’est prophète en son pays d’adoption, et c’est l’humeur chagrine que Mme David doit suivre les péripéties de son protégé dans l’actualité. Ce dernier se voit en effet crucifié sur la place publique, désavoué par un nombre sans cesse croissant de membres de la communauté musulmane qui, sans doute hostiles à la liberté d’expression si chère à leur représentant déchu - dans la mesure où celle-ci ne sert pas les préceptes hideux de l’islamophobie, bien entendu -, l’enjoignent avec intolérance de se la fermer. Parmi cette meute sans âme, n’hésitons pas à dénoncer Omak Kesraoui et Abdou Zirat, compromis jusqu’à la moelle dans d’infamantes lettres ouvertes.

Mme David, où êtes-vous ?

Heureusement, une lueur d’espoir brille à l’horizon pour ce fier combattant de la démocratie et de la lutte à l’islamophobie, sphères d’activité si aisément compatibles. Démocrate, Adil Charkaoui l’est au point de menacer de poursuites les cégeps qui lui refuseraient une tribune. Une pétition en appui à ce fin humaniste circule, «pour qu'il continue de représenter la communauté musulmane sur la place publique». Ce mercredi 4 mars, ce mouvement égalitaire avait reçu l’appui de 374 personnes.

Une voix semblait cependant faire défaut, dans ce regain médiatique salutaire pour notre santé collective, gage de la pérennité de notre lutte inlassable pour le respect de la différence et pour la saine intégration d’une minorité parmi les minorités.

Mme David, Mme David, où êtes-vous ?

Mais où êtes-vous donc, Mme David ?


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2015

    Excellent texte M. Kaestlé , je me demande aussi où est Françoise David ?
    Peut être cachée sous un hijab ?

  • Olivier Kaestlé Répondre

    10 mars 2015

    Loin de moi l'idée, M Richard, d'encenser le gouvernement fédéral, qui a permis que la citoyenneté canadienne soit décernée à Adil Charkaoui. Comme une horloge arrêtée donne l'heure juste deux fois par jour, il faut tout de même reconnaître la pertinence de ses actions qui visent toujours à l'incriminer, par le biais de ses procureurs. Une affaire à suivre, donc.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mars 2015

    je me demande si Amir et Françoise font partie des 374 signataires pro charkaoui...?

  • Claude Richard Répondre

    10 mars 2015

    Tout cela est très bien, et le style ajoute un attrait indéniable au texte. La très vertueuse Françoise en prend pour son rhume.
    Là où j'ai tiqué un peu, c'est sur la réhabilitation indirecte du gouvernement fédéral, vu et dépeint comme un gouvernement avisé qui a ciblé pertinemment un crypto-terroriste. Charkaoui a beau délirer en inscrivant des poursuites fumeuses contre des entités fédérales, le gouvernement Harper est lui aussi pris dans un délire, celui de l'obsession sécuritaire. Son projet de loi 51, qui cible tout un chacun un peu contestataire, est éloquent là-dessus.
    Oui, Charkaoui et Françoise David ont besoin d'être remis à leur place, ce que vous faites magistralement, monsieur Kaestlé. Mais n'allez pas décerner un certificat de vertu - fût-ce très implicitement - à nos étroits d'esprit d'Ottawa.

  • François A. Lachapelle Répondre

    9 mars 2015

    La gauche caviar de QS avec Françoise David et Amir Kadir est composée "d'idiôts utiles" à l'islamisme.
    Sur une base pûrement électoraliste et nuisible, QS fera alliance avec le diable, les islamistes et leurs sympathisants, pour obtenir un 4e siège à l'Assemblée nationale.
    Merci Olivier Kaestlé pour votre sonnette d'alarme sur l'hypocrisie de QS.