Thierry Meyssan à "La Nouvelle République"

«La décision d’attaquer la Syrie a été prise lors d’une réunion à Camp David le 15 septembre 2001»

Géopolitique — Proche-Orient

La Syrie est prise entre les feux de la désinformation
des puissances occidentales prédatrices et une
mouvance islamiste à leur service, avec la complicité
plus ou moins inavouée d’une Ligue arabe aux mains des
monarchies du Golfe. Un projet hégémonique qui, selon
l’analyste Thierry Meyssan, a été planifié lors d’une
réunion à Camp David en septembre 2001.
Aventure qui ne serait pas sans conséquences
dévastatrices pour la région et pouvant dégénérer en
conflit mondial. Telles sont les grandes questions
abordées avec Thierry Meyssan, journaliste et analyste
politique, directeur du Réseau Voltaire.
***
La NR : Vous étiez en Syrie.
Quel constat avez-vous fait ?

La réalité du terrain reflète-t-elle
les propos avancés par les
médias occidentaux
concernant les manifestations
massives, les tirs à balles
réelles qui ont fait au moins
5 000 morts, la constitution
d’une «armée syrienne libre»
déjà forte de 1 500 hommes et
ce début de «guerre civile»
avec notamment 1,5 million de
Syriens pris au piège qui
souffriraient de la faim ?

Thierry Meyssan : Une expression
française affirme que «lorsqu’on
veut noyer son chien, on
dit qu’il a la rage». En l’occurrence,
lorsque les puissances occidentales
veulent envahir un
Etat, leurs médias disent que
c’est une dictature barbare, que
leurs armées peuvent protéger
les civils et qu’elles doivent renverser
le régime et apporter la
démocratie. La vérité, nous
l’avons vue en Irak et en Libye :
les puissances coloniales ne se
préoccupent aucunement du
sort des populations, elles dévastent
le pays et le pillent.
Il n’y a jamais eu de manifestations
de masse contre le régime
syrien, et par conséquent, il n’a
pas été possible de les réprimer
à balles réelles. Il y a eu au cours
des derniers mois environ 1 500
morts, mais pas du tout dans les
circonstances décrites. Il y a bien
une «armée syrienne libre», mais
elle est basée en Turquie et au
Liban, et ne compte au grand
maximum que quelques centaines
de soldats que l’on exhibe
devant les caméras. Enfin, la
Syrie est autosuffisante au plan
alimentaire et, malgré les difficultés
de distribution, il n’y a
aucun problème de pénurie.
La version des médias occidentaux
est une pure fiction. La vérité
sur place, c’est que les Occidentaux
livrent une guerre non
conventionnelle contre la Syrie.
Ils ont envoyé des combattants
arabes et patchounes, recrutés
par le prince saoudien Bandar
bin Sultan et encadrés par les
forces spéciales françaises et allemandes.
Ces combattants ont
d’abord tenté de proclamer des
émirats islamiques, puis ils ont
organisé de vastes embuscades
contre les convois militaires syriens.
Aujourd’hui, ils sont commandés
par un émir d’Al Qaïda,
le Libyen Abdelhakim Belhaj. Ils
ont renoncé aux grandes opérations
et mènent des actions commando
au coeur des villes pour
y semer la terreur en espérant
provoquer une guerre civile
confessionnelle. Leur dernier fait
d’armes est ce double attentat à
Damas.
Dans l’un de vos articles, vous
vous posez la question sur les
accusations avancées par
l’Observatoire syrien des
droits de l’homme, basé à
Londres, que des institutions
comme le Haut Commissariat
des droits de l’homme de
l’ONU reprennent sans les
vérifier. D’après-vous, à quel
jeu se prêtent les instances
onusiennes ?

L’Observatoire syrien des droits
de l’homme (OSDH) a surgi soudainement
sur la scène médiatique.
Cette association n’a
aucun passé dont elle puisse se
prévaloir et seul un de ses
membres est connu. C’est un
cadre des Frères musulmans syriens,
disposant de trois passeports,
syrien, britannique et suédois.
Ce monsieur annonce
chaque jour le nombre de «victimes
de la répression», sans
étayer ses dires. Ses affirmations
sont invérifiables et donc sans
valeur. Elles sont pourtant reprises
par tous ceux que cela arrange.
La Haut commissaire aux droits
de l’homme a désigné trois commissaires
pour enquêter sur les
événements en Syrie. Leur mission
outrepasse les compétences
de l’ONU, qui prévoient des inspections
régulières que la Syrie
reçoit conformément aux traités.
Comme dans l’affaire Hariri,
les Nations unies partent du
principe que les autorités locales
(libanaises ou syriennes) sont
incapables ou malhonnêtes et
qu’il faut leur substituer des enquêteurs
étrangers. Dans ces
conditions, elles ne peuvent pas
exiger raisonnablement la coopération
des autorités locales.
Elles ont donc travaillé depuis la
Suisse et la Turquie.
La désignation des trois commissaires
n’offre aucune garantie
d’impartialité. Ils sont tous trois
ressortissants d’Etat qui militent
pour l’intervention militaire
contre la Syrie. Leur méthode
n’est pas plus acceptable : sous
la pression de la commissaire
turque, qui est une militante engagée
dans la lutte contre les
violences faites aux femmes, la
commission a considéré que les
témoignages à charge n’avaient
pas besoin d’être recoupés et
vérifiés : ce serait aux accusés de
faire la preuve de leur innocence
lorsqu’on les déférera devant un
tribunal. Cette procédure inquisitoriale
permet d’accuser n’importe
qui de n’importe quoi, mais
ne démontre rien du tout.
Les enquêteurs ont entendu plus
de 200 personnes qui disent disposer
d’informations et affirment
parfois avoir été témoins, voire
victimes d’exactions. Conformément
à la procédure, le nom des
témoins reste secret à ce stade
de l’enquête. Mais contrairement
à la procédure, les noms des victimes
sont également secrets. La
Haut commissaire affirme doctement
qu’il y a plus de 5 000
victimes de la répression, mais
elle n’avance que deux noms.
Pas de chance, ces deux cas, qui
ont été largement médiatisés par
Al Jazeera, ont fait l’objet de multiples
investigations. Le premier
correspond à un enfant tué dans
la rue par des tireurs inconnus
en voiture ; le second est un adolescent
qui a été recruté par une
bande armée pour participer à
l’attaque d’une résidence militaire
et qui est mort la kalachnikov
à la main. Cela n’a rien à voir
avec une répression de manifestation
pacifique. Nous attendons
donc de la Haut commissaire
qu’elle publie le nom des victimes
pour que nous puissions
vérifier le bien-fondé de ses accusations.
De nombreuses instances de
l’ONU ont perdu leur crédibilité.
En premier lieu, on ne devrait
pas accepter de confier des responsabilités
à des experts qui
n’ont pas le statut de fonctionnaires
internationaux, mais sont
des fonctionnaires nationaux détachés
par leurs Etats. On ne devrait
pas pouvoir agir au nom
de l’ONU si l’on reste tenu
d’obéir à sa hiérarchie nationale.
En Syrie comme en Libye,
certains observateurs
avancent que les rebelles sont
en fait des escadrons de la
mort, des mercenaires
étrangers. Quel constat avez-vous
fait à ce propos ?

Dans les deux cas, il y a des nationaux
qui participent à la lutte
armée, mais ils sont minoritaires
par rapport aux combattants
étrangers.
En Libye, des groupes issus de
tribus précises se sont joints aux
mercenaires étrangers pour la
sécession de la Cyrénaïque. Mais
ils ont refusé d’aller se battre en
Tripolitaine pour renverser Kadhafi.
Il a fallu déployer les
troupes d’Al Qaida, puis faire débarquer
5 000 commandos incorporés
dans l’armée régulière
du Qatar pour mener les combats
au sol. Dans les derniers
jours de la Jamahiriya, la tribu
des Misrata a rejoint l’Otan et
elle est entrée dans Tripoli
lorsque les bombardements et
la bataille au sol ont cessé. Les
seuls Libyens qui se sont battus
de bout en bout contre le régime
sont ceux d’Al Qaida et un
groupe de soldats qui avaient
fait défection avec le général
Abdel Fatah Younes. Or, le général
Younes avait été chargé dans
le passé par le colonel Kadhafi
de réprimer la rébellion d’Al- -
Qaida. C’est pourquoi ses alliés
d’Al-Qaida l’ont assassiné pour
se venger dès qu’ils ont pu se
passer de lui.
En Syrie, il y a des insurgés, ce
sont des Frères musulmans et
des takfiristes. Il y a surtout des
combattants étrangers qui recrutent
des voyous et les payent
grassement pour tuer leurs
concitoyens.
Le problème de
l’Otan, c’est que, à la différence
de la Libye, la Syrie est une nation
historique. Il n’y a pas de
fracture régionale comme entre
la Cyrénaïque et la Tripolitaine.
La seule division possible est
sur une base confessionnelle,
mais elle ne fonctionne pas pour
le moment, bien que l’on ait assisté
à quelques affrontements
de ce type à Banyias et à Homs.
L’arrivée officielle des Libyens
pour installer un quartier général
en Turquie et intégrer des déserteurs
syriens dans le dispositif
parachève le tout.
Le Conseil national syrien
s’est formé sous l’égide de la
France à Paris. Quelle lecture
peut-on faire de cet
événement ? La France va-t-elle
prendre les devants de la
scène comme en Libye avec
notamment son «émissaire»
BHL, ou opter pour une autre
stratégie ?

D’abord, chacun voit bien que
les institutions françaises sont
en partie pilotées par des personnalités
illégitimes, comme
BHL, qui exercent des responsabilités
sans droit, ni titre. Ensuite,
certains élus, comme le
président Sarkozy, ne servent
pas les intérêts nationaux, mais
ceux du système impérial US.
Sous leur autorité, la France s’est
déjà engagée dans un conflit en
Côte d’ivoire qui servait les intérêts
de quelques multinationales
françaises, puis elle s’est engagée
en Libye de manière à
étendre à l’Afrique du Nord le
projet néo-conservateur de remodelage
du «Moyen-Orient
élargi».
La France n’a plus de contentieux
avec la Syrie, ainsi que l’a
montré la réception du président
Al-Assad à Paris, lors du
sommet de la Méditerranée.
...
A la rigueur, on pourrait considérer
que le vieux conflit des années
80 (notamment l’assassinat
de l’ambassadeur français à Beyrouth)
est passé par pertes et
profits sans avoir été soldé, et
l’on pourrait le réactiver. Mais je
ne suis pas sûr du tout que, dans
cette affaire, les torts français ne
soient pas plus importants que
ceux des Syriens. Bref, Paris n’a
aucune raison d’attaquer Damas.
Nous savons tous que la vraie
question est ailleurs : la domination
et l’exploitation de cette région
dépendent de l’alliance des
Etats-Unis et d’Israël d’une part,
avec la Turquie et les monarchies
pétrolières d’autre part. Cette alliance
se heurte à un axe de résistance
comprenant le Hamas, le
Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran, appuyés
par la Russie et la Chine.
Au
plan régional, deux pôles se sont
formés, l’un est exclusivement
sunnite, l’autre est multiconfessionnel
(et non pas chiite comme
le prétendent les néo-conservateurs
pour imposer la fitna).
La
France est devenue le «proxy» des
Etats-Unis. Elle peut à tout moment
entrer en guerre contre la
Syrie. Cependant, elle n’en a pas
la capacité seule, ni même avec la
Grande-Bretagne. Et le sommet
du 2 décembre qui devait instituer
une alliance à trois avec l’Allemagne
a été annulé faute d’accord
au plan financier. En pleine
crise de l’euro, les Européens
n’ont pas les moyens de leur impérialisme.
La Ligue arabe a décidé, dans
une mesure inattendue, de
suspendre la Syrie de toutes
ses institutions, et ce, avant
même que n’expire le délai de
15 jours accordé à la direction
syrienne pour mettre en oeuvre
le plan arabe de règlement de
la crise. Quelle lecture
pourrait-on faire de cette
décision contraire aux statuts
de la Ligue qui exige
l’unanimité moins un vote pour
ce type de mesure ?

Les organisations internationales,
que ce soit la Ligue arabe ou
l’ONU, n’appartiennent pas aux
Etats qui les forment, mais à ceux
qui les financent. La Ligue est devenue
un jouet aux mains des monarchies
pétrolières. Des gens qui
n’ont pas même de Constitution
chez eux ne pensent pas à respecter
les statuts des organisations
qu’ils ont achetées. Au-delà
de ce constat, la décision prise
par la Ligue d’assiéger économiquement
la Syrie ne sont pas des
«sanctions» pour une faute commise,
mais le début d’une guerre
conventionnelle.
Le même scénario se dessine
comme celui constaté en Libye.
Allons-nous assister aux
mêmes péripéties en Syrie, où
le contexte est différent, ou
allons-nous assister à une autre
situation ?

Le contexte et les protagonistes
sont différents. La Libye était un
Etat isolé. Le colonel Kadhafi a
soulevé beaucoup d’espoir et a
beaucoup déçu. Il était anti-impérialiste,
mais multipliait les arrangements
secrets avec Washington
et Tel-Aviv. Il a été l’allié
de tous et a négligé, voire trahi
chacun. Son pays n’avait pas de
diplomatie, ni de politique d’alliance,
hormis celle de ses investissements
pour le développement
de l’Afrique. La Libye s’est
donc trouvée isolée face à l’Otan.
Au contraire, la Syrie est une
vieille nation qui a toujours cultivé
ses alliances, y compris dans
son choix de résistance aux côtés
des Palestiniens, des Libanais,
des Irakiens et des Iraniens. Sa
diplomatie est si forte qu’elle a
pu obtenir en quelques jours le
double veto russe et chinois au
Conseil de sécurité. Toute guerre
contre la Syrie est appelée à
s’étendre à l’ensemble de la région,
voire à dégénérer en guerre
mondiale si l’Iran ou la Russie interviennent
directement. En
outre, les Libyens sont 5 millions
quand les Syriens sont 23 millions.
La Libye n’avait d’autre expérience
militaire que la guerre du
Tchad, quand la Syrie est habituée
à vivre depuis 60 ans dans
une région en guerre permanente.
Les experts du lobby pro-guerre
à Washington affirment que l’armée
syrienne est mal équipée et
mal entraînée.
Ils promettent qu’une intervention
internationale sera une promenade
de santé. C’est amusant,
les mêmes experts affirmaient en
2006 qu’Israël devait éviter une
nouvelle guerre avec la Syrie
parce qu’elle serait trop dangereuse.
Certains avancent que ce qui se
passe en Syrie n’est que le
prolongement de ces
«révolutions arabes», alors que
la Syrie figure depuis l’ère Bush
sur l’agenda américain, selon
les déclarations du général
Wesley Clark ; d’après-vous,
quelle échappatoire pour
Bachar Al-Assad pour déjouer
cette conspiration ?

Comme vous le rappelez, la décision
d’attaquer la Syrie a été prise
lors d’une réunion à Camp David,
le 15 septembre 2001, juste après
les attentats de New York et Washington.
L’administration Bush
avait planifié une série de guerre :
Afghanistan et Irak, Libye et Syrie,
Soudan et Somalie, pour finir par
l’Iran. En 2003, juste après la chute
de Baghdad, le Congrès a adopté
le Syrian Acountability Act qui
ordonne au président des Etats-
Unis d’entrer en guerre dès que
possible contre la Syrie. Ce que le
président Bush n’a pas eu le
temps de faire incombe désormais
à son successeur Barack
Obama.
Le général Wesley Clark
a révélé cette stratégie il y a plusieurs
années déjà, pour mieux
s’y opposer. Il a joué un rôle très
important durant la guerre de
Libye qu’il a vainement tenté d’arrêter
avec l’aide de nombreux généraux
d’active. Ensemble, ils représentent
un courant non négligeable
d’officiers supérieurs qui
refusent de voir mourir leurs
hommes dans des aventures extérieures
qui ne servent pas les intérêts
des Etats-Unis, mais ceux
de quelques idéologues proches
d’Israël. Ils feront donc tout pour
empêcher une guerre en Syrie et
ils disposent de plus de leviers
qu’on ne le croit pour influer la
politique mondiale.
Le président Bachar Al-Assad
n’est pas comme son père. Ce
n’est pas un autocrate. Il gouverne
avec une équipe. La stratégie
de son gouvernement consiste
d’une part à préserver la paix civile
face aux tentatives de déstabilisation
et de division confessionnelle
; et d’autre part à renforcer
ses alliances, principalement
avec l’Iran, la Russie et la Chine.
Un constat qui s’impose dans
ces troubles que connaît le
monde arabe, que ce soit en
Tunisie, en Egypte, en Libye et
maintenant en Syrie, c’est
cette «réconciliation» de
l’Occident avec les mouvances
islamistes pourtant
combattues. D’après vous,
quels sont les tenants et les
aboutissants dans ce nouveau
jeu occidental ?

Je ne pense pas que les islamistes
aient jamais été vus comme des
ennemis par l’Occident. Historiquement,
tous les empires ont eu
besoin d’eux pour limiter les résistances
nationales. C’était le cas
avec les Ottomans, comme avec
les Français et les Anglais.
Souvenez-vous que la France n’a
jamais appliqué la loi de séparation
de l’Eglise et de l’Etat (1905)
en Algérie. Elle s’est au contraire
appuyée sur les mosquées pour
asseoir son autorité.
Les Anglo-Saxons ont toujours
fait de même. Plus encore, les
Etats-Unis ont créé des mouvements
islamiques dans les années
80 avec l’espoir de provoquer un
conflit de civilisations entre le
monde musulman et l’Union soviétique.
C’était la stratégie de
Bernard Lewis, mise en oeuvre
par Zbigniew Brzezinski, et théorisée
pour le grand public par Samuel
Huntington.
Cela a donné Al-Qaida. Ces gens
ont défendu les intérêts de l’empire
américain en Afghanistan, en
Yougoslavie, en Tchétchénie, et
plus récemment en Irak, en Libye
et maintenant en Syrie.
Abdelhakim Belhaj, qu’Ayman Al-
Zawahiri avait nommé numéro 3
d’Al-Qaida lorsque le Groupe islamique
combattant en Libye a été
absorbé par Al-Qaida, est aujourd’hui
gouverneur militaire de Tripoli
et commandant de l’armée
syrienne libre. Il s’affiche sans
complexe comme l’homme de
l’Otan et exige que le MI6 qui l’a
torturé lui rende des comptes.
Quant aux Frères musulmans que
Washington porte aujourd’hui au
pouvoir en Tunisie, en Libye et en
Egypte, et qu’il voudrait installer
en Syrie, ils sont historiquement
liés au MI6. Ils avaient été conçus
par Hassan Al-Banna pour combattre
les Anglais, mais ils ont été
utilisés par les Anglais pour combattre
Nasser. Aujourd’hui, ils
croulent sous les subventions du
Conseil de coopération du Golfe,
ce qui n’est pas un signe d’indépendance.
Si demain le régime de Bachar
Al-Assad venait à chuter,
quelles en seraient les
répercussions sur l’axe de la
résistance Téhéran-Hezbollah-
Hamas ?

Les Etats-uniens ne font pas mystère
que, s’ils parvenaient à détruire
la Syrie – je dis à «détruire
la Syrie», car la question de la résistance
va bien au-delà de la personne
du président Al-Assad – ils
poursuivraient la guerre en attaquant
immédiatement l’Iran.
Par conséquent, la chute de la
Syrie ouvrirait une période de
grande instabilité susceptible de
dégénérer en conflit mondial.
Dans ce conflit syrien, la
Turquie a pris parti et adhéré
totalement aux thèses de
l’opposition syrienne prooccidentale.
Bannissant le
régime syrien, le présentant
comme étant en train de tuer
son peuple, refusant de voir les
manifestations de soutien au
président syrien, dénigrant la
dimension armée de la
contestation, et allant même
jusqu’à refuser aux opposants
de l’intérieur le statut de
représentants du peuple
syrien, le réservant à ceux du
Conseil national syrien.
D’après-vous, comment
expliquer ce revirement ?

Nous avions tous oublié que la
Turquie est membre de l’Otan.
L’armée turque est supplétive de
celle des Etats-Unis. Par le passé,
c’est d’ailleurs elle qui a sauvé
les Etats-Unis en Corée. La Turquie
abrite des bases étatsuniennes
et vient d’accepter que
le Pentagone transfère sur son
territoire les bases de l’Otan actuellement
stationnées en Espagne,
et installe de nouveaux radars
destinés à surveiller l’Iran.
Depuis un siècle, les dirigeants
turcs multiplient les erreurs politiques.
Erdogan espère devenir
le gendarme de la région comme
l’avaient fait avant lui le shah Reza
Pahlevi et Saddam Hussein. L’Histoire
a montré comment les Etats-
Unis traitent ceux qui les servent :
ils les utilisent, puis les éliminent.
***
Entretien réalisé
par Chérif Abdedaïm


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