La commission Bastarache

Chronique d'André Savard

Tout de suite la commission Bastarache fut perçue comme une manoeuvre d'évitement. Et d'ailleurs, il était clair que Jean Charest la voulait à l'avant-scène pour reléguer à l'arrière-plan les demandes de la population pour que soit véritablement jeté un éclairage autant sur le monde de la construction que sur le financement du parti Libéral en particulier.
On a nommé comme adjoint un homme hautement compétent, respecté de son milieu, dit-on ... qui souscrit au parti Libéral depuis des lunes. On a étendu l'objet d'enquête aux années péquistes à des fins de comparaisons et on a évincé le parti Québécois à titre d'intervenant.
Jean Charest a pris l'initiative de poursuivre le principal témoin au civil. Comme acte fondateur d'une commission d'enquête dite impartiale, difficile de concevoir pire.
Et maintenant, on enguirlande la population à propos de son cynisme. Les sympathisants du régime libéral blâment ceux qui manquent de nuance. Hé! Ho! Pourrait-on s'aviser que Jean Charest est tout sauf un personnage nuancé? Et pourrait-on s'aviser que cette commission a tout fait pour paraître téléguidée?
Que l'on cesse de rouspéter contre le climat malsain. On laisse ainsi sous-entendre qu'on est pris dans la spirale d'une joute verbale envenimée qui ne repose sur rien, sinon sur le cynisme de notre époque. La population a le sentiment d'avoir été traitée avec cynisme par le premier ministre lui-même. Elle a le sentiment que dans son refus systématique de faire la lumière sur les oligopoles du monde de la construction, Jean Charest fait montre d'une loyauté première envers le parti Libéral plutôt qu'envers la patrie.
Que l'on cesse d'enjoindre la population de se calmer le pompon. Que l'on cesse de vanter les compétences juridiques du juge Bastarache alors que les éléments semblent agencés pour faire de cette commission un large exercice de disculpation du gouvernement libéral.
Les sympathisants du régime font valoir que c'est le gouvernement qui gouverne et qu'il a bien le droit de prendre des décisions. Transposons les mécanismes de la commission Bastarache à la commission Gomery. Imaginons que le juge Gomery eut nommé d'entrée de jeu un sympathisant empressé des campagnes de financement du parti Libéral. Imaginons qu'il eut machiné le droit d'intervention de manière à ce que le parti Libéral détienne un statut d'intervenant exclusif. Imaginons que Paul Martin ait décidé de poursuivre à titre personnel l'un des principaux témoins Chuck Guité. Imaginons que le juge Gomery décide de son propre chef d'élargir le mandat pour voir, à des fins de comparaisons, si d'autres régimes usent des commandites. Tout le monde à part les sympathisants forcenés du parti Libéral auraient vu d'emblée que la commission Gomery est une commission téléguidée.
Que l'on cesse de dire qu'il faut avoir la foi parce que le juge Bastarache est compétent. Si on veut la foi, il faut agir proprement dès le départ. Pire encore, Jean Charest, alors que cette crise s'étale, n'a pas su répondre au-delà de lui-même. Il est resté un populiste crasse qui retourne les accusations, disant que le régime péquiste était une mare de boue et que c'est grâce à son bon gouvernement que le Québec a retrouvé un sol ferme.
André Savard


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