La chute des cours du pétrole inquiète de plus en plus les Saoudiens

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Il semble de plus en plus évident que des apprentis-sorciers sont en train de manipuler les cours du pétrole

La chute des cours du pétrole représente une grave menace pour l'économie de l'Arabie Saoudite. C'est le message que l'homme d'affaires saoudien, le Prince Alwaleed bin Talal al-Saud, a fait passer dans une lettre ouverte qu’il a adressée aux ministres de son pays. La baisse des cours peut aussi avoir des implications importantes pour la stabilité sociopolitique de la région, affirme Simeon Kerr, du Financial Times.
Les cours mondiaux du pétrole ont diminué d’un quart depuis le mois de juin, et ils atteignent désormais moins de 88 dollars le baril.
Dans sa lettre ouverte, Alwaleed exprime la « stupéfaction » que lui ont suscité les déclarations faites par le ministre saoudien du pétrole, Ali al-Naimi, minimisant l'impact de la baisse des cours du pétrole en dessous de 100 dollars le baril. Il souligne que le budget du royaume saoudien de cette année dépend à 90% des recettes du secteur pétrolier, et juge que négliger l’impact de cours plus faibles est une « catastrophe dont on ne peut pas ne pas parler ».
L’année dernière, le Prince Alwaleed s’était inquiété de la montée en puissance du gaz de schiste, qui, avec l’affaiblissement de la demande asiatique, avait contribué à une chute des cours du pétrole, et ce malgré les tensions au Moyen-Orient.
Selon les analystes de ce marché, les pays du Golfe membres de l’OPEP semblent croire qu’une baisse temporaire des cours du pétrole pourrait apporter une solution à leur problème lié à la hausse de la production américaine de pétrole. En effet, la croissance de la production de pétrole des Etats-Unis est liée au cours du baril : si celui-ci tombe en deçà de 80 dollars, compte tenu des coûts de production, il n'est plus rentable de produire sur certains gisements. Il pourrait donc s’agir d’une stratégie pour étouffer la production de pétrole de schiste américaine. Robin Mills, analyste chez Manar Energy Consulting, pense que les Saoudiens ont estimé que cette stratégie était jouable :

Les Saoudiens semblent supposer que les cours abaissés ne sont pas si mauvais et que les pays du Golfe peuvent les supporter, ou bien en réduisant leurs dépenses, ou bien en plongeant dans leurs réserves ou leur épargne. 100 dollars le baril est un cours trop élevé, vous obtenez une croissance de la demande faible, alors peut-être que s’il retombe à près de 80 dollars, le boom du pétrole de schiste s’affaiblira, et vous obtiendrez une demande bien plus raisonnable ».

Les pays pétroliers de la région du Golfe disposent d'importantes réserves de trésorerie, et d’après Kerr, ils pourraient compter sur elles pour tenir et compenser la baisse des recettes du pétrole liée à la chute des cours, afin de redynamiser une demande mondiale qui est retombée à un niveau inférieur à celui qu’elle atteignait en 2009.
Cependant, les cours du pétrole commencent à atteindre des niveaux qui menacent la capacité de certains pays à faire face à leurs engagements de dépenses domestiques, avertit Kerr. L’année dernière, l’Arabie Saoudite avait besoin d’un cours du pétrole de 89 dollars pour parvenir à l’équilibre budgétaire. Mais d’autres pays de l’OPEP, notamment l’Iran et le Venezuela, ont besoin de cours bien supérieurs pour boucler leur budget.
«À court terme, les Etats membres du Conseil de coopération du Golfe ont des réserves financières suffisantes pour maintenir leurs politiques. Toutefois, si la baisse du cours du pétrole se maintient sur une période plus longue, des ajustements de politique fiscale deviendraient impératifs », estime Masood Ahmed, directeur régional du FMI.
En août de cette année, la banque centrale saoudienne disposait d'une réserve de 747 milliards de dollars, l’équivalent de plus de 3 années de dépenses de l’Etat. Cependant, Kerr observe que ces dernières sont devenues un instrument politique crucial au cours des dernières années pour le pays.
Après le début du printemps arabe il y a 3 ans, l'Arabie saoudite s’est engagée dans un programme d’investissements de 160 milliards de dollars pour éviter « la contagion » et l’irruption de troubles dans le pays. Cette politique de dépenses a alimenté une forte croissance économique. Mais selon Farouk Soussa, Economiste en chef pour le Moyen Orient chez Citigroup, il ne sera pas possible de continuer à financer ces dépenses en puisant dans les réserves ou en empruntant.
Priver ces populations choyées de ce soutien pourrait se solder par un retrait de sa loyauté; en Arabie Saoudite, on s'attend à ce que la fidélité soit récompensée avec la prospérité. On redoute également qu’une réduction des dépenses en capital ait pour effet de doucher le dynamisme économique de la région du Golfe et de menacer ainsi la croissance économique. «Les implications d’une politique d’austérité pour la stabilité socio-politique dans le Golfe seraient importantes », conclut Soussa.


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