La Chine collecte l’ADN dans sa région à majorité musulmane

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Vers un fichage systématique des musulmans en Chine ?

Les officiels de la région du Xinjiang mettent en place une base de données rassemblant les informations biométriques de tout habitant âgé de 12 à 65 ans, dans une région où vivent 11 millions de musulmans ouïghours.


Déjà soumise à des contrôles stricts, à ce qui est décrit par l'ONG Human Rights Watch comme du harcèlement, ainsi qu'à des mesures très restrictives dictées par Pékin en raison de la crainte du terrorisme, l’ethnie musulmane turcophone des Ouïghours va être encore plus scrutée. Dans la province semi désertique du Xinjiang, dont ils composent la moitié de la population, de nouvelles règles leur imposent désormais de se soumettre à des recueils de données biométriques, telles que le scan de l'iris, ou des prélèvement sanguins pour collecter leur ADN. Tout habitant entre 12 et 65 ans sera soumis à ce prélèvement, selon l’ONG Human Rights Watch.


Une partie de la collecte des données sera effectuée lors d’examens de santé organisés par le gouvernement, sans que l’on sache si les patients sont conscients que leurs informations personnelles seront transmises à la police, selon The Guardian.


Ces examens sont censés être volontaires, mais plusieurs témoignages rapportent que les habitants subiraient la pression des autorités pour s’y prêter. Ainsi, près de 19 millions de personnes ont déjà été examinées en 2017 selon l’agence de presse chinoise Xinhua.



Une violation grossière des normes des droits humains internationaux



«La constitution d’une base de données biométrique, comprenant de l’ADN, est une violation grossière des normes des droits humains internationaux, et c’est encore plus dérangeant que cela soit fait de manière sournoise, en prétendant qu’il s’agit d’une examen de sang gratuit», a dénoncé Sophie Richardson, la présidente d'Human Rights Watch pour la Chine. 


Le document officiel pour organiser la collecte de données biométrique consiste en une liste de «consignes pour mener un enregistrement précis et une vérification de la population de la région». L'ONG explique qu'on ne peut pas déterminer précisément par quel ministère il a été édicté, mais le programme est lié aux services de police.


Officiellement, le but du programme est de détecter des maladies graves et d’établir le profil de santé des habitants. Mais la mise en place du processus attise les craintes de l'ONG sur de plus sombres intentions du gouvernement, la collecte des photos, des empreintes digitales, de la localisation du domicile et des scans d’iris étant assurée par la police. Le tout sera relié au numéro d'identification de chaque personne.


Une entreprise américaine fournit des kits d'analyse d'ADN sans se poser de questions


L’ONG a aussi découvert que la compagnie américaine Thermo Fisher approvisionnait la police du Xinjiang en dispositifs de séquençage d’ADN. Avertie des intentions de la province chinoise par une lettre de Human Rights Watch, l’entreprise a répondu par un courrier d'auto-satisfecit dans lequel elle se dédouane totalement, assurant être fière de participer à «l'amélioration de la qualité de vie de nombreux individus». Thermo Fisher a surtout refusé de communiquer toute information ou détail sur ses clients, et expliqué s’attendre à ce qu’ils «respectent les régulations». 


Human Rights Watch estime que des compagnies qui fournissent des équipements de séquençage d’ADN devraient avoir une responsabilité particulière quant aux droits humains, et ne devraient pas contribuer aux atteintes de ces droits.


Une province chinoise peu sensible aux droits de la minorité ouïghoure


Le Xinjiang est l'une des cinq régions autonomes de la République populaire de Chine. Confrontée au risque terroriste sur son propre sol, la province chinoise a mis en place des mesures de restriction de liberté drastique depuis quelques années. Il est par exemple illégal de refuser d’écouter et de regarder la télévision et la radio d’Etat. Les forces de l’ordre, renforcées par 30 000 hommes au cours des cinq dernières années, patrouillent dans les rues. Plusieurs milliers de postes de police ont été construits sur la même période.


En octobre 2016, les passeports des 20 millions d’habitants de la province ont été confisqués. Certaines applications de messagerie, comme Whatsapp, ont par ailleurs été interdites, tandis que le réseau internet a été rétrogradé de la 4g à la 3g. Certains habitants sont obligés de participer à des exercices d'alerte aux attentats trois fois par jour et d'installer à leurs frais des caméras dans les magasins. Les contrôles d'identité collectifs sont quotidiens, et les barbes «douteuses» sont interdites.


Ces déploiements de mesures sécuritaires viennent en réponse à plusieurs attentats et départs de quelques dizaines de militants ouïghours qui avaient rejoint les rangs d’Al-Qaeda et de l’Etat islamique durant les guerres au Moyen Orient.