À peine remise du choc provoqué par la victoire du Front national aux élections européennes, la classe politique française vit depuis 24 heures ce qui pourrait être l’un des grands scandales politiques de son histoire récente. Mardi, coup sur coup, Jean-François Copé, président du principal parti de droite, l’UMP, était poussé à la démission alors que l’on apprenait que son parti pourrait avoir dissimulé des dépenses électorales de plus de 10 millions d’euros lors de la dernière campagne de son candidat à la présidentielle, Nicolas Sarkozy. Plusieurs élus n’hésitaient pas à affirmer que leur parti, déchiré par des conflits internes, était menacé d’implosion à l’heure où le Front national conteste plus que jamais son titre de premier parti de la droite française.
Dernier épisode d’une série de révélations fracassantes, le magazine Le Point affirmait ce mardi que malgré ses dénégations, Jean-François Copé était « impliqué jusqu’au cou » dans ce que l’hebdomadaire appelle une « machine à cash ». Afin de contourner le plafond des dépenses électorales, l’UMP aurait réclamé pour 11 millions d’euros de fausses factures à la société Bygmalion fondée par Bastien Millot et Guy Alvès, deux proches de Jean-François Copé qui ont travaillé avec lui à la mairie de Meaux dont il est maire. En clair, l’ancien président de l’UMP est soupçonné d’avoir mis au point un ingénieux système afin de contourner le plafond de 22 millions d’euros imposé aux dépenses de chaque candidat.
11 millions de fausses factures
Dès le lendemain des élections européennes, les langues se sont miraculeusement déliées. Lundi, l’avocat de Bygmalion Patrick Maisonneuve a reconnu publiquement que la société avait émis de fausses factures afin de dissimuler des dépenses liées aux assemblées électorales du candidat de l’UMP. Ces factures étaient émises pour des activités bidon. Ainsi, Bygmalion a-t-il facturé 299 000 euros à l’UMP, au lieu du comité électoral de Nicolas Sarkozy, pour une conférence tenue le 30 mai 2012 par Pierre Lellouche dont le principal intéressé n’a jamais entendu parler. L’ancien ministre a annoncé qu’il porterait plainte pour usurpation d’identité.
Lundi, une perquisition a eu lieu au siège de l’UMP et l’ex-directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, Jérôme Lavrilleux, a admis sur BFM-TV avoir utilisé des méthodes « non conformes » afin de « ventiler sur d’autres opérations » 11 millions de dépenses de la campagne présidentielle. Soupçonné de se sacrifier pour protéger ses patrons, Lavrilleux nie tout enrichissement personnel et affirme que ni Sarkozy ni Copé n’étaient au courant de ces manoeuvres. Le magazine Le Point estime cependant impossible que le président de l’UMP n’ait pas été informé.
Mardi, lors d’une réunion de plus de trois heures au siège de l’UMP, le bureau politique a forcé l’équipe dirigeante à démissionner et a installé à sa place une direction collégiale composée des anciens premiers ministres Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon. « Nous n’avons que quelques semaines pour sauver l’UMP du désastre », a déclaré ce dernier. Ce coup de tonnerre survient alors que les divergences politiques au sein du parti sont à leur paroxysme. Le député Henri Guaino avait affirmé qu’il ne voterait pas aux européennes pour le candidat de son parti, trop européiste à son goût. À l’autre bout du spectre politique, l’ancien ministre des Affaires européennes Bruno Le Maire, proche d’Alain Juppé, a appelé l’UMP à s’allier avec les centristes.
Règlements de compte
La guerre des clans bat donc son plein. La direction créée mardi comprend deux candidats plus ou moins déclarés à la présidence (Fillon et Juppé), mais aucun proche de l’ancien président Sarkozy. Plusieurs n’hésitent pas non plus à accuser François Fillon d’avoir pris sa revanche après son échec à la course à la chefferie qui l’avait opposé à Jean-François Copé. Ce dernier a longtemps été soupçonné de « chauffer le banc » en attendant le retour annoncé de Nicolas Sarkozy. Fillon et Juppé réclament une « primaire » au plus vite, ce qui permettrait d’exclure l’ancien président peu enclin à se soumettre à ce genre de procédure.
Au siège du parti, l’ambiance avait des relents de règlement de compte. L’ancienne ministre Nathalie Kosciusco-Morizet a dénoncé une atmosphère « délétère ». Selon la députée Nadine Morano, proche de Copé, celui-ci « a été trahi par des proches ». L’ancien trésorier du parti Dominique Dord n’hésite pas à parler d’« un système qui a failli ».
On n’ose pas imaginer quel effet ce scandale aurait eu sur la victoire du FN aux élections européennes s’il avait éclaté 24 heures plus tôt. Toujours rayonnante, sa présidente Marine Le Pen a estimé que Nicolas Sarkozy était « totalement disqualifié » par cette affaire. « Nicolas Sarkozy a trahi la démocratie, a trahi les règles républicaines et a probablement volé une partie de son résultat du premier tour », a-t-elle déclaré.
En route pour l’Espagne, l’ancien président ne s’est exprimé que par la bouche de l’ancien ministre Brice Hortefeux. Selon lui, Nicolas Sarkozy « est très mécontent de voir son nom associé à cette curieuse actualité ». « La vie est longue, attention à ne pas dire des choses trop définitives », a mis en garde Jean-François Copé, qui ne devrait pas se représenter à la tête de l’UMP lors du congrès anticipé qui se tiendra en octobre 2014. Pour Alain Juppé, le prochain président doit s’engager à ne pas être candidat à la présidence.
FRANCE
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