Alexandre Shields - L'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) approuve la décision des libéraux de lancer une évaluation environnementale stratégique de l'industrie du gaz de schiste, d'autant plus que celle-ci aidera aussi les entreprises à préciser l'ampleur de la ressource dont elles devraient tirer profit dans les années à venir. Cet accueil favorable n'a toutefois pas empêché son porte-parole, Lucien Bouchard, de souligner hier que les gazières pourraient exiger une forme de compensation en raison des délais que cet examen scientifique leur impose.
Selon l'ancien premier ministre devenu président du lobby québécois des énergies fossiles, le fait de mener une évaluation environnementale stratégique (EES) permettra évidemment de déterminer «les meilleures pratiques» qui devront être utilisées en phase de «développement» de l'industrie du gaz de schiste.
Mais le porte-parole de l'APGQ a aussi insisté sur l'utilité de l'évaluation qui sera lancée pour les entreprises qui souhaitent commercialiser le gaz de schiste du sous-sol québécois. «Les gens ne resteront pas là indéfiniment s'ils n'ont pas un minimum de certitudes qu'ils vont pouvoir produire [du gaz]. C'est pour ça que les étapes qui viennent sont importantes parce qu'on va tous retirer de l'information précieuse, à la faveur de la démarche qui est lancée», a-t-il fait valoir en conférence de presse.
Cette évaluation d'environ deux ans permettra notamment «l'ajout de connaissances sur les caractéristiques des formations rocheuses d'Utica, de la nature et de la spécificité du gaz et de la circulation des eaux dont le traitement, après usage, devra s'incorporer au processus de fractionnement», a souligné M. Bouchard. Autant d'informations qui seront utiles pour élaborer une future loi sur les hydrocarbures, mais aussi pour déterminer les lieux les plus propices pour effectuer des forages et de la fracturation hydraulique.
Cette EES, qui comprendra d'ailleurs des forages et de la fracturation hydraulique — au coût moyen de 10 millions de dollars par puits —, devrait être en partie financée par des joueurs de l'industrie, a assuré Lucien Bouchard. Il n'a toutefois rien précisé en ce qui a trait à la part qui reviendra aux entreprises et à celle qui devra être assumée par des fonds publics.
Compensation
Tout indique aussi que le gouvernement devra compenser les entreprises gazières pour le frein à l'exploration tous azimuts qu'imposera l'EES. «La création du comité [qui chapeautera l'EES] a pour effet d'empêcher beaucoup de travaux qui seraient faits autrement, donc les gens qui vont être affectés par ça vont se trouver à perdre du temps pour remplir leurs obligations, a affirmé Lucien Bouchard. Est-ce qu'on va leur reprocher de ne pas avoir rempli leurs obligations?»
Le porte-parole des gazières n'a pas précisé hier quel genre de dédommagement sera exigé, se contentant de dire qu'il faudra trouver une «solution constructive». Il pourrait par exemple s'agir de prolonger la durée des permis sans frais supplémentaires pour les entreprises.
Il est vrai que lorsque Québec accorde un permis d'exploration (à 10 ¢ l'hectare), il exige aussi que des travaux soient effectués sur le terrain, à raison de 2,50 $ par hectare. Mais les coûts des travaux d'exploration — admissibles à un crédit d'impôt — peuvent être regroupés sous un même permis si l'entreprise en possède plusieurs ou encore être reportés. Selon le rapport du BAPE, les titulaires de 82 permis en 2008 et de 70 permis en 2009 se sont prévalus des dispositions permettant le regroupement ou le report, sur un total d'environ une centaine de permis.
Par ailleurs, l'APGQ conteste l'affirmation du BAPE selon laquelle le Québec s'est privé de plus de cinq milliards de dollars en cédant ses permis d'exploration à 10 ¢ l'hectare. Selon M. Bouchard, on ne peut pas comparer la situation qui prévaut ici et ce qui se passe dans les provinces de l'Ouest canadien. «On ne peut pas affirmer qu'il y a eu des cadeaux», a-t-il laissé tomber. Reste que, selon un rapport produit par la firme internationale spécialisée en énergie Macquarie, la valeur des permis détenus au Québec par l'entreprise australienne Molopo aurait connu une hausse importante au cours des derniers mois. Ceux-ci pourraient valoir 575 $ par hectare, très loin des 10 ¢ versés à l'État. Le président de l'APGQ n'a en outre rien précisé au sujet des redevances, que le BAPE a proposé de hausser.
Quoi qu'il en soit, le lobby gazier et pétrolier a dit bien accueillir le rapport publié mardi dernier, même si celui-ci a été très critique envers l'industrie et l'action du gouvernement dans le dossier. Le document a notamment rappelé que plusieurs questions relatives aux risques environnementaux, aux impacts sociaux et aux retombées économiques avaient reçu des réponses «partielles ou inexistantes» lors des audiences.
Cela n'a pas empêché Lucien Bouchard d'affirmer qu'il était normal que le Québec se lance dans l'exploration gazière avant même qu'une évaluation scientifique de la filière ne soit terminée. «C'était la décision normale à prendre. Il y avait un encadrement légal, comme ailleurs dans le monde. Les entreprises ont acquis des permis et ont rempli les conditions fixées par la loi. Certaines choses auraient pu être mieux faites, mais nous oublions que c'était quelque chose de nouveau. Maintenant, avec le rapport du BAPE et la réponse du gouvernement, nous pourrons réajuster le tir.»
Reste que cette EES ne doit pas s'étendre au secteur pétrolier, selon le président de l'APGQ, dont la rémunération est assurée par l'entreprise albertaine Talisman Energy.
Gaz de schiste
L'industrie pourrait exiger compensation
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