Si nous avons eu plusieurs surprises lundi soir dernier, la performance du PQ en a étonné plusieurs. Le parti de Pauline Marois a en effet obtenu 35,15 % des suffrages alors que la plus part [sic] des sondages plaçaient le PQ entre 29 et 34, nous donnant l'impression que le PQ tirait plus vers le 30 %, surtout avec un taux de participation très faible. Même si presque tous les sondages étaient justes, c'est-à-dire qu'ils prévoyaient un résultat du PQ qui s'est avéré être dans les marges d'erreur, tous ont systématiquement sous-estimé le parti.
Certains journalistes ont soumis l'hypothèse que la récente crise à Ottawa et le petit épisode de «Quebec bashing» qui s'en est suivi a [sic] aidé le PQ. Je crois qu'ils ont tort. D'abord parce que cette hypothèse surestime le niveau d'information des Québécois sur ce qui se passe dans la politique canadienne, mais surtout parce que la sous-estimation du PQ était prévisible en analysant les sondages.
Les indécis
Il faut bien comprendre que les indécis n'incluent pas seulement de véritables indécis. Plusieurs répondants à un sondage préfèrent ne pas dire pour qui ils pensent voter et, afin d'avoir l'air coopératifs avec le sondeur, donc en ne refusant pas de répondre comme tel, ils vont simplement se dire indécis. Or, il appert que ces personnes ont en général quelques points en commun, entre autres le fait qu'une proportion significativement plus élevée d'entre elles a en fait l'intention de voter pour un parti en particulier. Historiquement, c'est le PLQ qui a bénéficié de cet effet; en 2007, ce fut l'ADQ, et lundi dernier, le PQ a bénéficié de la «prime à l'urne».
Également, les «petits partis», comme QS et les Verts, ont aussi tendance à être systématiquement surestimés dans les sondages, et ce, parce qu'ils sont trop petits pour faire face à une véritable opposition au niveau national et que leur position d'infériorité leur apporte un certain capital de sympathie naturelle dans l'opinion publique. En ce sens, ces partis sont une belle cachette pour des répondants désirant demeurer discrets.
L'évolution des indécis
Donc, si nous ajoutons aux indécis les répondants qui se cachent chez les petits partis, nous obtenons un groupe de discrets plus précis. En utilisant les sondages, je présente dans le tableau suivant l'évolution de l'intention de vote du PQ (avant la répartition des indécis) depuis mars 2008 par rapport à l'évolution des discrets. Ces derniers sont constitués des indécis dans les sondages et du «surplus» d'intention de vote pour les petits partis. Pour établir ce surplus, on soustrait aux intentions de vote totales de ces partis leurs résultats des élections de 2007, soit 7,69 %. J'aurais pu utiliser les résultats des dernières élections, mais je voulais simplement montrer que la sous-estimation du PQ était prévisible avant les élections.
Ce que l'on voit immédiatement dans ce tableau, c'est une sorte «d'effet miroir» entre les intentions de vote du PQ et l'évolution des discrets. Quand les discrets descendent, le PQ monte, et inversement, et ce, de manière quasi homothétique. Or, aux dernières nouvelles, personne ne peut voter «discrets» à des élections, et, en ce sens, c'est le genre d'information qui doit nous porter à croire qu'un parti est sous-estimé dans les sondages, parce qu'un nombre significativement plus élevé des discrets ont en fait l'intention de voter pour ce parti.
Comment expliquer cela?
Il est difficile d'expliquer de manière certaine pourquoi des personnes ayant significativement une intention de vote similaire préfèrent cacher leur intention. Il est plus que probable que la situation politique fasse en sorte qu'il soit mal vu dans certains milieux de voter pour un parti donné. En milieu fortement francophone, par exemple, les libéraux ont probablement intériorisé la nécessité de demeurer discrets quant à leur affiliation politique, ce qui les porte aussi à être discrets dans les sondages. C'est entre autres ce qui expliquait la prime à l'urne dont bénéficiait le PLQ. En 2007, il est probable que beaucoup de gens se sentaient inconfortables de dire vouloir voter pour l'ADQ, parce qu'avant les élections, le parti semblait encore en minorité. Voilà que cette fois, il semble que c'était les péquistes qui avaient le plus peur de s'afficher.
Le vote des femmes constitue à cet égard un phénomène intéressant. Bien que cela n'ait pas été publié dans les journaux, plusieurs sondages montraient que le vote adéquiste était à 75 % masculin. C'est donc dire que chez près de la moitié des couples où l'homme était adéquiste, la femme n'avait pas l'intention de voter comme son conjoint. Voilà une bonne raison pour une femme d'avoir appris à demeurer discrète au sujet de son intention de vote. Par ailleurs, on a noté aussi une propension significativement plus élevée des femmes à se dire indécises. Il y avait donc plus de femmes que d'hommes chez les indécis, ce qui tend à confirmer l'hypothèse.
Il y a aussi bien d'autres hypothèses possibles, je n'ai ici voulu donner qu'un seul exemple. Cependant, une chose est certaine, il y a très rarement de grands changements dans les intentions de vote dans une très courte période de temps et, en ce sens, les soubresauts de l'actualité politique sont rarement une explication aux «surprises électorales». En fait, il faut surtout savoir «lire entre les chiffres».
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Alexandre Blanchet, Candidat à la maîtrise en science politique à l'UQAM
L'étonnante performance du PQ
les soubresauts de l'actualité politique sont rarement une explication aux «surprises électorales»
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