Le discours du Trône prononcé hier, qui résume les volontés du nouveau gouvernement, parle beaucoup d'argent. De l'argent qui entre en moins, et de l'argent qui sera dépensé en moins. Car en cette période d'insécurité économique, tout le monde se prépare à accuser les coups du crédit qui se resserre, des portefeuilles qui vont s'ouvrir moins souvent et moins généreusement. Cela a commencé à frapper l'industrie automobile et la construction domiciliaire, et à peu près tous les secteurs y passeront dans les mois qui viendront.
Encore une fois, la région d'Ottawa-Gatineau peut se compter chanceuse. Sa première base économique, le gouvernement et sa fonction publique, échapperont aux réductions drastiques de l'emploi subies en 1995, ou celles constatées aujourd'hui dans nombre de régions mono-industrielles. Il y a bien un examen «à la loupe» des dépenses fédérales mais on ne parle pas de coupures ni d'attrition. Plutôt, «les ministères disposeront des sommes nécessaires, sans plus.» Les fonctionnaires pourront même compter sur des augmentations salariales mais le gouvernement conservateur prépare les coups en annonçant, avant même le début d'un conflit, une sorte de loi spéciale pour limiter les ardeurs syndicales.
À noter que le ministère de la Défense nationale ne sera pas touché par les mesures d'austérité budgétaire. Au contraire, le premier ministre Stephen Harper souhaite se doter de coudées plus franches pour dépenser plus et plus vite. Cela est regrettable parce que l'ampleur des achats pour nos armées exige plus, pas moins, de prudence. Le relâchement de règles administratives ouvre également la porte à des pratiques de favoritisme qui devraient avoir disparu avec le nouveau millénaire.
Le gouvernement conservateur aime bien les mesures néolibérales de réduction de l'État : réduction des impôts, réduction des règles, réduction des interventions, au bénéfice d'un libre marché qui, par une quelconque intervention divine, sait s'auto-réglementer. On a vu ce que cela a donné dans le secteur financier américain. Au point où les néolibéraux, George W. Bush et M. Harper en tête, sont obligés de se tourner vers leurs gouvernements qu'ils viennent justement d'affaiblir en étranglant leurs sources de revenus sous prétexte de remettre de l'argent dans la poche des contribuables. M. Harper, qui pestait contre les programmes d'aide à certaines industries du temps qu'il s'assoyait sur les banquettes de l'Opposition, se voit obligé maintenant d'en développer à son tour. Le discours du Trône en promet donc pour l'industrie automobile, l'aérospatiale, pour l'aide aux exportations et à l'innovation, même pour la protection du système de gestion de l'offre en agriculture ! C'est le monde à l'envers...
En plus d'aider les entreprises, il aurait été bien si les conservateurs avaient tendu une perche aux gens qui seront victimes de la crise financière ! Non. Rien pour les nouveaux ou futurs chômeurs, pas plus pour les aînés qui doivent convertir en prestations leurs régimes de retraite déjà maltraités par la chute boursière.
Il est écrit dans le ciel que le ministre des Finances, Jim Flaherty, proposera donc un budget déficitaire. Il ne faut pas condamner ce revirement, dans la mesure où il est temporaire comme le promet le ministre. En se servant du crédit, les États peuvent mettre à contribution des ressources financières à long terme pour redémarrer l'économie, ou à tout le moins, à en amortir les chocs trop brutaux que l'on constate ces mois-ci, alors que le dollar canadien, par exemple, a oscillé entre 77 et 1,10 $US au cours de la dernière année.
Pour le reste, les conservateurs n'ont pu s'empêcher, dans les derniers paragraphes du discours du Trône, de revenir avec leurs marottes. Leur vision de la lutte aux gaz à effet de serre plairait bien aux républicains... que les Américains ont rejetés massivement. Et surtout, leurs projets de réforme du Sénat vont à l'encontre des intérêts des francophones et du Québec. Il faudra bien qu'ils comprennent un jour. Pendant ce temps, l'opposition libérale, affaiblie, pourrait bien entériner le tout et cautionner l'ensemble des mesures conservatrices.
pjury@ledroit.com
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