L'application confuse de principes clairs

Laïcité — débat québécois



Avec son projet de loi 94 sur les accommodements raisonnables, le gouvernement Charest vient démontrer son incapacité à mettre en pratique les principes qu'il affirme lui-même défendre. L'interdiction justifiée du voile intégral et du niqab lors de la prestation de services publics et parapublics continuera certainement d'alimenter le débat, compte tenu de l'hystérie de plusieurs médias anglo-canadiens, mais la véritable faiblesse de ce projet législatif est ailleurs.
Les principes sur lesquels il s'appuie sont clairs, et rallient déjà un large consensus au sein de la société québécoise. Tout accommodement, dit le projet de loi, doit respecter le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes et le principe de la neutralité religieuse de l'État. Cependant, à partir de là, tout devient confus et les propos de la ministre de la Justice, Katherine Weil, qui semble interpréter ces principes de façon pour le moins élastique, ne font qu'ajouter à cette confusion.
D'abord, le projet de loi 94 met dans le même sac le personnel qui dispense des services publics que les citoyens qui les reçoivent. Les employés des ministères, commissions scolaires, hôpitaux et autres organisations publiques sont le visage de l'État. Ceux et celles qui servent le public représentent l'État, l'incarnent. En vertu du principe de neutralité religieuse, l'affichage de symboles religieux ? hijab, croix chrétienne, étoile juive, kirpan ou autre ? devrait être exclu, ici, des accommodements raisonnables. De plus, le voile islamique est vu par la majorité des citoyens comme un symbole de l'inégalité des femmes chez les Musulmans.
La dynamique est toute autre chez les personnes qui viennent solliciter des services de l'État ou de ses agences et organisations. Les citoyens ont droit à la liberté religieuse et à la liberté d'expression dans la mesure où ils respectent les lois et règlements. L'obligation de se dévoiler, pour des motifs d'identification et de sécurité, fait partie des contraintes. On ne peut, non plus, exiger de l'État des pratiques ou des entorses non conformes à la neutralité religieuse ou l'égalité des sexes. Pour le reste, les citoyens peuvent s'afficher comme bon leur semble et il n'y a pas lieu de leur imposer les mêmes restrictions ou exigences qu'au personnel gouvernemental et parapublic.
En s'abstenant de distinguer entre les droits et responsabilités des agents de l'État et ceux des citoyens utilisateurs, la ministre de la Justice rend à toutes fins utiles inapplicables les principes qu'elle a érigés en pierre d'assise. Cela risque d'attiser plutôt que de calmer.
La « résistance » du Bloc
L'imbécilité de la rectitude politique a atteint des sommets avec le débat sur l'emploi du mot « résistance » par Gilles Duceppe la fin de semaine dernière. Quelques vierges offensées des autres partis y voient une allusion voilée à la résistance dans les pays occupés par les Nazis durant la Deuxième Guerre mondiale. Vraiment?! Aujourd'hui, pour ne pas offusquer les âmes sensibles, on évite de dire vieux, aveugle, sourd, pauvre et combien d'autres mots tout à fait corrects. Maintenant faudra-t-il ajouter résistance??
Parlez-en aux Franco-Ontariens. Le mot résistance fait partie du vocabulaire des francophones de l'Ontario depuis le début du XXe siècle. Résistance au Règlement XVII, résistance de SOS Montfort. Résistance à l'assimilation. On trouve le mot dans le site de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, de l'Université d'Ottawa. Résister, ça signifie se défendre. De son point de vue, au Parlement, le Bloc défend le Québec et sa vision du Québec contre ce qu'il considère comme étant des empiétements fédéraux. Donc, il résiste.


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