L'(anti)culture religieuse d’un millénarial

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L'État n'a pas à éduquer spirituellement les enfants

J'aime à dire que je suis de la dernière génération à avoir suivi des cours de «religion» à l’école. Comme millénarial, j’ai baigné comme jamais dans la culture religieuse, mais pas n’importe laquelle…


Détrompez-vous, je ne garde pas de doux et pieux souvenirs de mes cours d’enseignement religieux. La « religion » nous était enseignée d’une manière livresque, inerte. Et ça, c’est quand on ne nous présentait pas une image d’un Dieu-Jésus-ton-ami-en-sucre-pastel.


C’en était à envier nos quelques camarades qui quittaient pour leur mystérieux cours de morale


Je ne veux pas jeter la pierre à ces pauvres professeurs qui devaient faire leur boulot. Plutôt que de continuer la mascarade plus longtemps, on comprend pourquoi l’Église et la société québécoise ont voulu déconfessionnaliser l’école.


Au final, pour moi, six ans d’enseignement religieux au primaire ont donné ceci : croire que Dieu n’était qu’un bonhomme en toge avec une barbe sur un nuage qui n’avait aucune réponse à donner à ma souffrance.


J’en suis même venu à le haïr, ce Dieu, ainsi que sa religion.


Une piastre pour quatre trente sous


Puis, est arrivé le secondaire. Un collège privé de tradition catholique. On y avait un cours d’enseignement religieux maison, par respect pour les fondateurs. Le cours d’ECR faisait son apparition sur la grille horaire au deuxième cycle.


Tout ça commençait à être un peu plus intéressant. 


Un certain prof censé nous parler de l’Ancien Testament nous faisait de longues tirades sur la profondeur du bouddhisme. Puis, en secondaire cinq, dans le cours d’ECR, on devait présenter une religion.


J’ai présenté le satanisme d’Anton Lavey.


Au cégep, je dévorais mes cours de science des religions. On avait même fait une sortie à Montréal pour visiter des temples hindou, sikh, soufi, etc. Je les aimais toutes ces religions, sauf la mienne.


Bref, j’ai finalement apostasié à 18 ans et j’ai commencé à aller à la messe six mois plus tard, pendant deux ans. J’ai officiellement réintégré l’Église le jour de mon 21e anniversaire.




Pour découvrir tout le cheminement de foi de James, écoutez sa chronique à On n’est pas du monde, son passage à La Victoire de l’Amour ou le balado Vivre avec le Christ.








Une fois à l’université, au bac en enseignement primaire, j’ai dû être formé pour enseigner ECR. Le prof, un vieil intellectuel de l’époque du collège classique, avait participé à l’institution du programme. Il nous disait qu’une des visées des concepteurs était que le catholicisme ait une place prépondérante dans le cours.


Bien. Pas sûr maintenant que tout le monde avait compris ça. Et encore, quand on parlait du catholicisme, c’était de la même manière que le bon vieux cours d’enseignement religieux.


On aura ainsi changé une pièce pour quatre trente sous. En plus de continuer à vacciner toute une génération contre une partie de sa propre identité.


R.I.P. ECR


Le cours d’ECR, censé créer la paix et l’harmonie entre les citoyens du Québec, n’a jamais créé de consensus pour lui-même.


On connait toutes les critiques de ses détracteurs : relativiste, multiculturaliste, caricatural. Trop doctrinal pour certains, pas assez pour d’autres. Voir les laïcistes athées alliés avec les cathos « intégristes », ça aura été du jamais vu !



Religion et identité: « ÉCR » dix ans plus tard


Mon humble cheminement d’élève à futur enseignant m’a bien montré que tout un chacun fait bien ce qu’il veut de ce cours. Comme on le faisait avec l’enseignement religieux, d’ailleurs. « Ça dépend du prof », comme on dit.


Entre le programme tel qu’il a été pensé, comment il a été rédigé, comment on l’a instauré, et comment il est enseigné, il y a certainement une marge d’erreur.


Enfin, le cours d’ECR sera bientôt une relique du passé. Que l’on s’en réjouisse ou non, il aura été une énième tentative d’élever le regard des jeunes vers plus grand qu’eux.


Sherlock & Rabbi Jacob


À l’heure où j’écris ces quelques lignes, deux anciens membres des communautés juives orthodoxes de Montréal poursuivent le gouvernement pour son manque de vigilance, alors que les études talmudiques les dispensaient des savoirs les plus élémentaires.


Émilie Dubreuil en a fait un documentaire qui vaut vraiment le détour. On y voit notamment un rabbin, à l’entrée de sa synagogue, affirmer que leurs principes d’éducation millénaires ont fait leurs preuves par rapport aux nôtres.


Il n’y a pas à dire, pour ce qui est d’expliquer le sens de la vie à leurs enfants, ils l’ont l’affaire.


Les deux plaignants, eux, ont trouvé que trop c’était peut-être comme pas assez.


Sherlock Holmes dit à peu près la même chose à Watson dans cet épisode : pas de place dans son esprit pour apprendre des choses qui ne sont pas utiles pour sa propre vie.


Et quand on parle de choses utiles, on parle ici de ce qui donne sens à sa vie. 


Impossible éducation


On voudrait bien que le gouvernement, qui se donne comme mandat de former intégralement les personnes, tente de ne pas exclure la dimension spirituelle de ceux qu’il prétend former.


Mais pour ça, en éducation, une autre question est sous-jacente : quel type de personne veut-on former ?


Les Hassidiques veulent un peuple qui fait alliance avec Dieu. Le gouvernement veut des citoyens critiques, cultivés, ouverts, etc. Les chrétiens (les catholiques du moins) pensent que c’est possible de faire les deux à la fois.


Encore ici, aucune unanimité. 


Faute de vision commune sur le sens de la vie, les familles ne pourront jamais espérer que l’État forme « religieusement » leurs enfants. Je pense d’ailleurs qu’elles n’ont plus depuis longtemps cette illusion, quelles que soient leurs croyances. 


Et si c’était l’occasion pour les familles de se réapproprier ce devoir ?




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