Le Tribunal constitutionnel allemand exige du Parlement la légalisation d’un troisième sexe sur les registres de naissance avant fin 2018. Une première en Europe, alors que l'intersexe est déjà reconnu dans d'autres pays du monde.
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe, plus haute juridiction allemande, a exigé le 8 novembre la légalisation d'un «troisième sexe» sur les documents administratifs – ce qui fera de l'Allemagne le premier pays en Europe à le reconnaître officiellement. Le Tribunal constitutionnel allemand a donné au Parlement jusqu'à «fin 2018» pour voter la légalisation d'un «troisième sexe» sur les registres de naissance, à côté des mentions «masculin» et «féminin», a annoncé l'AFP.
La presse allemande a abondamment commenté cette nouvelle. «Intersexualité – La Cour constitutionnelle exige le troisième sexe dans le registre des naissances», peut-on par exemple lire dans le Spiegel.
Les militants pour la reconnaissance des intersexes se sont réjouis de cette décision. Un tweet de l'association Dritte Option (troisième option) en témoigne : «Nous sommes complètement bouleversés et sans voix. C'est une petite révolution dans le domaine du genre. Merci pour votre soutien ces dernières années !»
Le Tribunal de Karlsruhe a statué que les personnes qui n'étaient biologiquement ni hommes ni femmes devraient pouvoir enregistrer leur identité conformément à cette situation. Il a en outre estimé que la protection des droits de la personne dans la Constitution allemande nécessitait que le registre soit modifié pour inscrire un troisième genre. La nouvelle législation relative au troisième sexe devra apporter une mention comme «intersexe», «divers» ou autre désignation positive du sexe.
La cour a déclaré : «S’assigner un genre est d’une importance fondamentale pour l’identité individuelle ; il joue un rôle clé pour l’image de soi et pour l’image perçue par autrui. L’identité de genre de ces personnes qui ne sont ni hommes ni femmes est protégée.»
La loi changera à la faveur du procès d'une personne intersexe
Pourquoi cette décision de justice aujourd’hui ? Une personne intersexe, dont le nom n'a pas été révélé, a porté son cas devant les tribunaux parce qu’elle souhaitait changer son genre dans les registres de naissance. Encouragée par Dritte Option, elle était catégorisée en tant que «femme» alors qu’elle souhaitait être répertoriée en tant qu’intersexe ou autre. Son cas porté devant d'autres tribunaux n'avait pas convaincu les juges : elle s'était alors pourvue devant la Cour constitutionnelle.
Environ 80 000 personnes en Allemagne se considéreraient intersexes, certains ont par exemple à la fois des testicules et des ovaires, d'autres ne produisent pas les hormones qui les assigneraient à un des deux genres.
Une première en Europe, mais pas dans le monde
Depuis 2013, l’Allemagne permettait de ne pas cocher «féminin» ou «masculin». Toutefois, elle n'est pas le premier Etat au monde à faire ce choix. Dès 2003, l’Australie avait permis l'édition d'un passeport mentionnant le marqueur sexuel «X».
Aux Etats-Unis, l’Oregon, en juin 2015, est devenu le premier Etat à autoriser le genre «X» sur les cartes d’identité nationales et les permis de conduire, et ce sans certificat médical. L’Etat de Washington lui avait emboîté le pas, ainsi que l'Etat de New York quelques semaines plus tard pour les cartes d’identité. En septembre 2017, la Californie fit de même concernant les permis de conduire, les certificats de naissance et les cartes d’identité.
Dans d'autres pays pourtant réputés plus conservateurs sur les questions sociétales, la reconnaissance du troisième sexe est également de mise. Ainsi, l’Inde a choisi depuis 2009 la catégorie «autres» pour les eunuques et les transgenres sur les listes et cartes électorales, décision validée par la cour suprême indienne en avril 2014. Depuis décembre 2007, le Népal accorde le genre «autre» sur les papiers officiels, au libre choix de la personne et non sur certificat médical. Idem pour le Pakistan, qui a autorisé en 2009 que les cartes d’identité puissent inclure le troisième genre.