LOI ANTI-LGBT AU MISSISSIPPI

L’aboutissement logique de la laïcité «ouverte»?

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Avancer en arrière ?

La « Loi protégeant la liberté de conscience de la discrimination gouvernementale » (House Bill 1523) adoptée récemment au Mississippi est ignoble. Elle est aussi l’aboutissement logique des principes relevant de la laïcité « ouverte », tout comme ses dispositions homophobes sont le corollaire de la discrimination sexuelle encore exercée au nom de la liberté religieuse, au Québec et au Mississippi comme ailleurs. Évidemment, les tenants québécois de cette conception de la laïcité s’offusqueront d’être associés à une loi qu’ils rejettent certainement. Peut-être faudrait-il s’en inquiéter, puisque cela démontre qu’ils ne saisissent pas tout à fait les implications politiques de leur philosophie lorsqu’elle est partagée par des gens de pouvoir prêts à aller au bout de son application.

La proximité intellectuelle invoquée ici se perçoit d’abord quant au vocabulaire, le HB1523 fournissant « certaines protections concernant les croyances religieuses ou les convictions morales sincères », une rhétorique souvent utilisée pour associer liberté religieuse et liberté de conscience. Les parallèles dépassent la rhétorique toutefois, l’intention derrière le HB1523 étant de protéger de « l’intrusion gouvernementale » la diversité des convictions sincères propres à la sphère privée, qui s’étend dans nos sociétés capitalistes à la propriété et donc au commerce. Il s’agit ainsi de libérer les citoyens du fardeau de la laïcité pour mieux la réserver aux institutions publiques, un principe central à l’idée de laïcité ouverte.

Une loi obscurantiste

Le HB1523 permettra notamment aux travailleurs autonomes, aux propriétaires et aux employés d’entreprises ainsi qu’aux associations religieuses de refuser, au nom de convictions sincères, d’embaucher, d’admettre comme membre, de servir ou de vendre à une personne homosexuelle, bisexuelle, ou transsexuelle. Cette loi autorisera également la mise en place de normes sexuelles et morales régissant l’accès aux toilettes, aux vestiaires, aux piscines et aux spas d’établissements privés. L’État du Mississippi pourra désormais s’abstenir de poursuivre quiconque applique des principes religieux homophobes à la sphère de ses interactions privées ou de ses activités commerciales. Une loi obscurantiste, au nom du pluralisme des consciences.

Le HB1523 a été conçu en fonction de la majorité chrétienne s’opposant à la légalisation du mariage homosexuel. Toutefois, les dispositions de la loi n’y font aucunement référence. Les minorités juive et musulmane seront donc parfaitement libres de l’invoquer et la neutralité de l’État, qui consiste principalement en régime de laïcité ouverte à ne pas favoriser officiellement une confession au détriment des autres, sera sauvegardée. Cette loi fait par ailleurs suite au Religious Freedom Restoration Act de 2014, qui stipule que l’État ne peut limiter la liberté religieuse d’une personne ou d’un groupe qu’au nom « d’intérêts publics supérieurs » et lorsque « aucune autre mesure moins contraignante » n’en permet l’atteinte. Deux logiques très chères aux partisans de la laïcité ouverte.

Le HB1523 stipule par exemple que l’État du Mississippi ne sévira pas contre ceux qui, par objection de conscience au nom des valeurs homophobes qui leur sont — ils le croient « sincèrement » — dictées par Dieu, refuseront d’autoriser, de célébrer ou d’officialiser un mariage homosexuel à condition qu’ils prennent « les mesures nécessaires afin d’assurer que tout mariage légalement valide ne soit pas empêché ou retardé ». Or, Le Devoir nous apprenait par ailleurs dernièrement que le gouvernement libéral du Québec, tout comme la juge Christiane Alary de la Cour supérieure, considère que les mariages religieux « ne concernent pas l’État » et ne devraient donc pas nécessairement entraîner de conséquences civiles. On ose à peine imaginer les implications liberticides d’une telle conception des choses, qui a été décriée de toutes parts et avec raison.
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