Jules Verne, un “anarchiste” indépendantiste !

Livres - revues - arts - 2012

Il est une œuvre quelque peu oubliée qui a d’étonnantes résonnances avec la crise actuelle, dans le rapport entre dominants et dominés (si l’on fait abstraction de l’affrontement militaire), c’est le roman de Jules Verne, “Famille-sans-Nom” (1), qu’il a consacré à l’épopée des Patriotes de 1837-38.

Voici quelques échos de notre réalité, dans un texte écrit en 1887-88:

«Du jardin du gouverneur, la vue s’étendait au loin sur le superbe fleuve (…) Depuis une heure déjà, le gouverneur général et les trois autres hauts personnages s’entretenaient de la gravité d’une situation qui les obligeait à se tenir incessamment sur le qui-vive.» (2)

«Il y a quelques jours, à Québec même, dans la cathédrale, un jeune prédicateur n’a pas craint de faire appel au sentiment national, et ses paroles ont eu un retentissement tel que le ministre de la police a voulu le faire arrêter.» (3)

D’esprit à la fois libertaire et moderne, inspiré par une philosophie anarchiste humaniste, Jules Verne est l’objet d’une ignorance militante dans une mouvance “anarchiste” québécoise qui a très majoritairement décrété que l’aspiration à la liberté de notre nation n’était pas digne d’intérêt, car dans l’optique des contributeurs à l’industrie des vitriers et autres ennemis des surfaces réfléchissantes, la nation n’existe pas, à moins qu’elle ne se dissolve de toute façon dans le narcissisme contemporain d’une postmodernité “primitiviste”.

Le “Salon du livre anarchiste” (4) qui se tenait à Montréal les 19 et 20 mai derniers mettait en évidence ces négationnistes de l’oppression nationale, en particulier dans un Atelier sur l’Histoire du Québec, annoncé avec une présentation affirmant d’emblée que «le Québec est une partie de l’État du Canada», et niant que notre combat historique puisse être une «lutte de libération». Ce négationnisme constitue une complicité explicite avec les oppresseurs …

Dans la présentation de cet Atelier antinational, on remarque un lapsus linguistique très révélateur, car il est question du «movement indépendantiste» et non du mouvement indépendantiste !

Yves Claudé

(1): Texte intégral:
http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre30166.html
http://www.journeedespatriotes.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=5507
(2) Jules Verne, “Famille-sans-Nom”, 1889, Réédition Québec, 1970, p. 11
(3) p. 117
(4) http://www.salonanarchiste.ca/ateliers-au-salon-du-livre-anarchiste-de-montreal


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2 commentaires

  • Stéphane Sauvé Répondre

    26 mai 2012

    Merci pour cette référence à Famile-sans nom que je ne connaissais pas. Pour avoir accès à une copie: http://www.journeedespatriotes.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=5507...
    JV était un initié parait-il...

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mai 2012

    J'ignore presque tout de nos mouvements anarchistes locaux qui, à vrai dire, ne m'intéressent guère.
    Cela dit, en consultant l'une des références que vous avez fournies, M. Claudé, je constate qu'en effet, nos anarchistes nient le fait que notre peuple subit, depuis 1760, une domination de type colonial. Leur argument ? Les autochtones.
    Argument faible et même inepte. D'abord, nos ancêtres ont bien davantage conclu des alliances avec les Améridiens qu'ils ne les ont asservis politiquement, contrairement aux Anglais et aux Espagnols. Ensuite, presque partout où des peuples ont combattu le colonialisme dont ils étaient victimes, il y avait des minorités dont la présence était antérieure à la leur. Ainsi, parce qu'il y a des Berbères et des Kabyles en Algérie ou des Coptes (peut-être majoritaires, ceux-là) en Égypte, dira-t-on pour autant que les Arabes n'y ont pas subi le colonialisme, qu'il soit ottoman, français ou britannique ? Aussi bien dire, alors, qu'il n'y a jamais eu de colonialisme nulle part ! C'est assez débile comme raisonnement.
    Non, nos anarchistes locaux ne semblent ni sérieux ni crédibles. J'ose croire qu'ils n'ont guère d'influence sur le mouvement étudiant. Mais vous avez tout à fait raison de les dénoncer.
    En passant, il y a Verne et Vernes. Verne pour Jules, l'auteur de science-fiction, et Vernes pour Henri, le créateur de Bob Morane.
    Luc Potvin
    Verdun