Jérusalem sous haute tension

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Même la «chutzpah» a ses limites

Durant la dernière nuit de septembre, des colons juifs ont pris possession de six immeubles d'appartements dans le quartier arabe de Silwan, à Jérusalem-Est.
Plusieurs de ces immeubles, situés à deux pas de la Vieille Ville, avaient été achetés en toute légalité, par l'entremise d'hommes de paille palestiniens. Les anciens propriétaires ignoraient donc que leur transaction contribuerait à la guerre démographique qui se joue depuis des décennies dans les quartiers orientaux de la Ville sainte. Une guerre qui s'est accélérée récemment, et qui risque de déraper dans une nouvelle explosion de violence.

«Il n'y a rien de spontané dans cette occupation progressive de quartiers arabes de Jérusalem-Est qu'Israël a annexés illégalement en 1967, à l'issue de la guerre des Six Jours.»

Six immeubles totalisant tout juste 20 appartements, qui hébergeront une centaine de colons juifs, parmi plus de 40 000 habitants palestiniens: à première vue, il n'y a pas là de quoi fouetter un chat.
Pourtant, selon l'organisme israélien Paix Maintenant, cette «offensive» est tout sauf anodine. «C'est la plus importante opération de colonisation de Silwan depuis que les premiers colons y sont arrivés, en 1991», dénonce cette ONG pacifiste.
Quand j'ai visité ce quartier populaire il y a une quinzaine d'années, il n'y avait qu'une poignée de maisons encerclées de barbelés et surmontées d'un drapeau israélien, au milieu d'un quartier presque exclusivement arabe, à l'ombre de la Vieille Ville.
Aujourd'hui, Silwan compte un demi-millier de colons juifs. Le ministre de l'Habitation Uri Ariel a assuré qu'il allait y emménager lui aussi, en guise de «solidarité» envers les colons.
Ces derniers s'infiltrent progressivement dans d'autres quartiers centraux de Jérusalem-Est, comme Cheikh Jarra, où l'on retrouve les grandes artères commerciales du quartier arabe.
Au fil des ans, les quartiers arabes plus périphériques ont vu, eux aussi, exploser la population juive. Bilan: Jérusalem-Est compte aujourd'hui 450 000 habitants, dont pas loin de la moitié, soit 195 000, sont des colons juifs.
Il n'y a rien de spontané dans cette occupation progressive de quartiers arabes de Jérusalem-Est qu'Israël a annexés illégalement en 1967, à l'issue de la guerre des Six Jours.
Depuis cette époque, Israël y mène une politique territoriale, démographique et politique visant des objectifs précis, écrit Moshe Amirav, de l'université hébraïque de Jérusalem.
D'un gouvernement à l'autre, Israël cherche à occuper les quartiers orientaux de la Ville sainte de manière à les séparer de la Cisjordanie, à préserver le caractère majoritairement juif de la ville et à forcer le monde à reconnaître l'annexion de Jérusalem-Est.
Chaque nouveau lotissement, aussi homéopathique soit-il, s'inscrit à l'intérieur d'un plan de développement urbain cohérent. C'est en raison de ce plan que des familles palestiniennes se font expulser ou confisquer leurs propriétés, et qu'elles subissent des politiques de discrimination systémique, selon une autre ONG israélienne, B'tselem.
Des organisations vouées à la colonisation oeuvrent concrètement à la «judaïsation» des quartiers arabes de la ville. Mais elles sont largement soutenues par la mairie et le gouvernement.
C'est dans ce contexte de poussée expansionniste que Jérusalem est entrée depuis quelques jours dans une zone de haute tension. La semaine dernière, un Palestinien a foncé en voiture vers un arrêt de tramway de Jérusalem, tuant une femme et un bébé. Depuis, presque chaque jour, ou plutôt chaque nuit, on assiste à des explosions de violence qui font craindre un nouvel embrasement.
Et le premier ministre Benyamin Nétanyahou a choisi ce contexte inflammable pour donner le feu vert à la construction de 1060 nouveaux logements dans des quartiers périphériques au sud de Jérusalem-Est.
Devant l'inévitable vent de critiques, il a choisi d'adopter la stratégie du défi. «Nous avons toujours construit à Jérusalem, nous construisons à Jérusalem et nous continuerons à y construire», a-t-il lancé hier. Après tout, «les Français construisent à Paris, les Anglais construisent à Londres». Alors, pourquoi pas les Israéliens à Jérusalem, n'est-ce pas?
Beau mélange de fausse naïveté, de mauvaise foi et de provocation. D'autant plus que cette annonce survient au pire moment possible, «alors que Jérusalem est en train de brûler», comme le souligne Lior Amihai, de Paix Maintenant.
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir d'urgence, aujourd'hui, pour se pencher sur cette bombe prête à exploser en une nouvelle Intifada.


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