Le PQ: Sonneur d’alerte, Exil et Mort

Jean-François Lisée, l'héritage inespéré

"En cas d’incendie, sacrifier la cathédrale mais sauver les saintes espèces"

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Tribune libre

"En cas d’incendie, sacrifier la cathédrale mais sauver les saintes espèces"


C’était la mise en garde inébranlable à l’intention de tout gardien des lieux saints, chargé de veiller à la perpétuation du principe d’incarnation de la vie éternelle, la liberté individuelle et la solidarité universelle, dans la paix, la sécurité et la prospérité. 


Depuis 50 ans, le Parti Québécois a été la cathédrale qui a abrité et protégé jalousement le pain et le vin, cet appétit et cette soif d’Indépendance, dont se sont nourris nos âmes et nos esprits avides de justice sociale, d’affirmation économique, d’autonomie financière et de souveraineté politique pleine et entière.


À la façon de nos églises et nos cathédrales d’antan, le Parti Québécois était un temple occupé par des bancs de famille, réservés à vie de père en fils.


Des familles de toutes allégeances politiques, pourvu qu’elles soient de même foi, sur le perron, après les rituels de la messe, discutaient âprement de l’homélie ou de la mairie, du marché public, de la beurrerie et des enfants à marier, jusqu’au prochain rendez-vous paroissial où elles occuperaient de plein droit le même banc, le banc de famille.


Les bancs de famille du PQ étaient libéraux, sociaux-démocrates, conservateurs, communistes, trotskystes, nationalistes, néolibéraux, globalistes, mondialistes. L’Indépendance tout comme l’Église ne refusait personne.


Mais de plus en plus, la grande diversité de vision de la vie collective s’est érigée en contre-pouvoirs divisifs là où il aurait fallu unir dans une décision collective qui aurait permis, ultérieurement, un vaste éventail d’intérêts et d’expressions individuels, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite politique.


Les Québécois ont été traditionnellement centristes, cherchant l’équilibre entre l’individualité et la solidarité.  Mais le PQ, au nom de l’idéal souverainiste, entretenait dans son sein les opinions les plus irréconciliables, pourvu qu’elles soient celles de souverainistes.


L’amertume du référendum échappé de 1995 a rendu les discussions de perrons de plus en plus acariâtres, cacophoniques et discordantes.  Chacun est rentré dans le silence pour réapparaître trop souvent en cracheur de feu et en avaleur de sabres aux portes de la cathédrale.


Divertissement pour les uns, hébétude pour de nombreux autres.


Des chapelles se sont érigées, regroupant en familles élargies ceux qui partageaient les mêmes convictions et on a senti que la cathédrale désertée risquait de s’effondrer.


Avant d’en barricader les portes, il fallait assurer la protection des saintes espèces, les extraire des lieux saints et les mettre à l’abri des vandales.


Quelqu’un est venu, a proposé de mettre l’Indépendance en veilleuse, à l’abri des attaques mortifères qui pourraient lui être fatale, pour un temps, un temps seulement.


C’est probablement le plus grand accomplissement pour lequel nous devrons exprimer notre gratitude à Jean-François Lisée, celui d’avoir préservé pour nous, le projet d’Indépendance du Québec.


Si les deux dernières années et la campagne électorale avaient été consacrées à la promotion de l’Indépendance, l’élection aurait été considérée par nos adversaires comme une élection référendaire et, devant le résultat désastreux, nous n’aurions pas pu en reparler avant des décennies.


L’élection actuelle est une sanction sans équivoque de la gestion gouvernementale du Parti Libéral du Québec depuis 15 ans.  Elle a rassemblé toutes les forces d’opposition dans une même volonté.


Elle a permis, du même coup, l’émergence des forces de gauche qui n’ont jamais vraiment trouvé leur place sur l’échiquier politique du Québec.


Même au PQ, il semble que les survivants soient aussi ceux de l’aile la plus à gauche du centre.  Depuis lundi soir, des bribes de déclarations en points de presse laissent entendre qu’un rapprochement du PQ avec QS pourrait être considéré.


Et si le choix de favoriser l’aile gauche du parti lors de l’élaboration de la plateforme électorale du PQ était aussi une stratégie liséenne pour rassembler au même endroit les partisans de la gauche indépendantiste réunis enfin en un seul parti, seriez-vous surpris?


Moi, pas vraiment.


Une fois les souverainistes de gauche bien campés dans des idéologies de gauche, serait-il possible que les souverainistes nationalistes de droite et centre-droite puissent enfin créer leur propre parti indépendantiste et élaborer leurs plans d’attaque selon leur idéologie définitivement plus économique?


Finies les chicanes d’indépendantistes autour des choix de société et de gestion gouvernementale.


Une question sur l’Indépendance ne sera pas, la prochaine fois, une question sur un système politique mais sur un statut politique.


Ce nouveau parti de nationalistes économiques, indépendantistes de droite et centre-droite pourra ratisser ses partisans plus facilement dans les milieux d’affaires, ce qui a toujours été une des faiblesses du PQ.  PKP s’y sentirait certainement plus à l’aise et mieux accueilli.


Les résultats de l’élection de 2018 auront peut-être forcé au réalisme: le PQ doit être naturellement scindé entre ses deux ailes et chacune doit se reconstituer dans un environnement plus naturel à son idéologie politique: la gauche à QS et la droite, dans l’attente de la naissance souhaitée d’un nouveau parti indépendantiste en gestation.


J’y verrais l’héritage de Jean-François Lisée, le coup d’envoi de la Révolution tranquille 2.0 et notre investissement dans une réelle démocratie, celle à l’abri d’une Constitution citoyenne.



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2 commentaires

  • Gaston Carmichael Répondre

    4 octobre 2018

    Parler d'indépendance aurait été désastreux, dites-vous.  Ne pas en parler l'a été tout autant.


    Alors, quand aura-t-on le droit de parler d'indépendance?


    Si durant 38 jours, le PQ aurait fait la promotion de l'indépendance, il n'aurait pas pris le pouvoir j'en conviens, mais au moins, il aurait fait progresser le projet.  Au lieu de cela, on a régressé.  On vient encore de gaspiller une occasion en or pour l'obsession de vouloir pendre le pouvoir afin de faire un bon gouvernement provincial dans un Canada Uni.


  • Martin Pelletier Répondre

    4 octobre 2018

    Y'a pas de place pour 2 partis souverainistes de gauche comme il n'y avait pas de place à Ottawa pour 2 Blocs québécois. Ca va de soi. Maintenant si vous pensez que le Pq actuel peut se déplacer à droite, bonne chance et occuper le territoire que la CAQ a mis 10 ans à conquérir, bonne chance. C'est vraiment  pas dans l'ADN  du Parti fondé par des syndicalistes, des fonctionnaires, des profs et des artistes. Vraiment pas des gens  de droite en grande majorité. 


    Non, l'avenir est dans la fondation d'un parti identaire au Québec pour occuper la chaise vide. C'est là  qu'il faut regarder.  Du coté de LePen plutot que du coté de Lisée.