«Je n'étais pas au courant»

Rapport du Vérificateur général - novembre 2009



(Québec) Il n'y a rien de plus humiliant pour un ministre que d'admettre qu'il «ne savait pas». La responsabilité ministérielle d'un ministre devant le Parlement implique justement qu'il doit être en mesure d'expliquer les décisions de son ministère, incluant les erreurs. Difficile d'expliquer quand on n'a pas été informé...
La ministre des Transports, Julie Boulet, s'est retrouvée dans cette situation cette semaine, lorsqu'elle a dû admettre qu'elle ignorait que son ministère avait négligé d'appeler la police en 2004 après avoir constaté une tentative d'éliminer la concurrence dans un contrat de déneigement.
Ce qui est encore plus surprenant, c'est que Mme Boulet n'a été informée de la chose qu'à 9h30, mercredi matin, en même temps que les journalistes. Ses fonctionnaires avaient le rapport depuis longtemps, comme c'est la coutume, afin de pouvoir répondre aux recommandations du vérificateur.
Qui n'a pas allumé? Qui n'a pas compris qu'il y avait là une bombe en puissance dans les pattes d'un gouvernement qui se refuse à une enquête publique et conseille à la place aux témoins d'un crime d'appeler la police?
Appelez le 9-1-1!
La conférence de presse de Julie Boulet aura au moins démontré une chose : placé devant un cas réel d'élimination de la concurrence, le ministère ne l'a pas dénoncé. Il a corrigé le tir et repris le processus de soumission, sans punir le coupable.
Voilà un comportement qui ressemble à celui de Jean D'Amour, le député libéral de Rivière-du-Loup, qui a transmis une enveloppe brune contenant 500 $ à son ami candidat à la mairie au lieu de la retourner à l'expéditeur. Il savait pourtant qu'une telle contribution était interdite par la loi.
Ces cas démontrent un laxisme généralisé. En attendant une enquête publique réclamée par tous et bloquée par Jean Charest, il faudra songer à ressusciter le projet de loi sur les whistleblowers déposé en avril dernier par le député Sylvain Simard. Une telle législation viserait à assurer la protection des fonctionnaires qui veulent dénoncer des gestes répréhensibles dont ils sont témoins dans le cadre de leur travail. Si la machine bureaucratique ne fait pas son travail, comme on l'a vu dans le cas du ministère des Transports, il faut au moins donner aux fonctionnaires la possibilité de le faire. À Ottawa, signalait hier Sylvain Simard, il a fallu la sortie publique de l'ancien ambassadeur canadien en Afghanistan Richard Colvin pour apprendre que les prisonniers remis aux autorités afghanes avaient été soumis à la torture. M. Colvin avait tenté en vain d'alerter le gouvernement Harper au sujet de cette pratique pendant qu'il était en poste. Ce qui prouve encore une fois que la machine bureaucratique a des ratés graves.
Complot et manipulation
J'avais décidé de ne pas répondre aux accusations de complot ou de manipulation lancées par Pauline Marois à la suite de la publication du reportage de mercredi sur les titres de compagnies impliquées avec la SGF détenus par Claude Blanchet quand il en était le président. Les politiciens ont aussi le droit de nous critiquer. Mais j'ai changé d'idée en constatant hier que même des députés péquistes d'expérience croyaient à cette thèse du complot, voulant que Le Soleil avait planifié sa publication avec le dépôt d'un rapport de vérification accablant pour le gouvernement. D'une part, personne à la Tribune de la presse et au Soleil ne connaissait le contenu de ce rapport, autrement nous l'aurions tous publié en primeur. Même Julie Boulet n'a pris connaissance des faits troublants du rapport que le matin de la publication. Donc, pour le complot, il faudra repasser!
Quant au contenu des reportages, je persiste à croire qu'il était d'intérêt public d'illustrer la position vulnérable, dans l'opinion publique, des présidents des sociétés d'État qui détiennent des actions de compagnies avec lesquelles leur organisation brasse des affaires. Ce ne sont pas les multiples courriels haineux reçus depuis la publication de ces articles qui me feront changer d'opinion.
Je crois aussi qu'il est dangereux, malgré ce qu'en pense Claude Béchard, que les présidents des comités d'éthique des sociétés d'État soient des libéraux. Des libéraux chargés de surveiller les patrons libéraux nommés par un gouvernement libéral? C'est trop risqué.


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