Des dizaines de milliers d’Israéliens ont marché dimanche à Jérusalem, dans un climat de fierté nationale à la veille de l’ouverture sous très haute tension de l’ambassade des États-Unis et à l’aube d’une semaine de protestation palestinienne potentiellement explosive.
Agitant les drapeaux frappés de l’étoile de David, chantant et dansant au son de musiques populaires et de « Toy », le titre vainqueur de l’Eurovision la veille, les marcheurs, essentiellement des jeunes nationalistes religieux, devaient rallier le Mur des lamentations, lieu sacré du judaïsme, dans la Vieille ville.
Lior, 18 ans, venu du sud du pays, a ainsi exprimé sa « fierté d’avoir un Etat, l’indépendance et la dignité ».
C’est le premier épisode d’une semaine où vont se succéder des évènements lourds de signification et de menace, en commençant avec cet anniversaire de la prise de Jérusalem-Est par l’armée israélienne en 1967, qualifiée de « réunification » de la ville par les Israéliens.
Lundi, les États-Unis inaugureront en grande pompe leur ambassade à Jérusalem, coïncidant avec le 70e anniversaire de la création d’Israël en 1948. Mardi, les Palestiniens commémorent la « Nakba », la « catastrophe » qu’a représenté pour eux la proclamation d’Israël.
Israël baigne en conséquence dans la ferveur pro-américaine et une douce euphorie blanche et bleue, après une semaine marquée par les coups diplomatiques et militaires infligés à l’Iran.
Mais les Palestiniens pourraient protester massivement, faisant redouter une nouvelle conflagration à Gaza.
Empoignade à Jérusalem
La police a dit mobiliser un millier d’hommes pour sécuriser l’ambassade et ses alentours, pavoisés de la bannière étoilée et d’affiches proclamant « Trump Make Israel Great Again ».
« Il ne fait aucun doute qu’en termes de sécurité, c’est l’une des semaines les plus intenses », a dit un porte-parole de la police, Micky Rosenfeld.
Les forces israéliennes sont en état d’alerte élevé aussi dans et autour des Territoires palestiniens. L’armée a annoncé qu’elle allait pratiquement doubler ses effectifs combattants autour de la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Dirigée par le mouvement islamiste Hamas, Gaza est sous blocus israélien depuis plus de dix ans. La Cisjordanie, distante de quelques dizaines de kilomètres, est occupée par l’armée israélienne depuis plus de 50 ans.
Gaza est depuis le 30 mars le théâtre d’une « marche du retour » qui voit des milliers de Palestiniens se rassembler le long de la frontière avec Israël. Il s’agit pour eux de revendiquer le droit de retourner sur les terres dont ils ont été chassés ou qu’ils ont fuies en 1948, et de dénoncer le blocus.
Les forces israéliennes redoutent que, dès lundi et les jours suivants, les Palestiniens ne cherchent à forcer la frontière.
Depuis le 30 mars, 54 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne à Gaza.
Signe de ces tensions, des visiteurs juifs brandissant un drapeau israélien et chantant « le peuple d’Israël est vivant » se sont empoignés dimanche avec des gardes palestiniens sur l’ultra-sensible Esplanade des Mosquées à Jérusalem. Ils ont été évacués par les policiers israéliens.
Des centaines de juifs se sont rendus dimanche sur l’Esplanade, troisième lieu saint de l’islam également révéré par les juifs comme le Mont du Temple, mais où ils n’ont pas le droit de prier.
« Ce n’est pas une provocation, c’est notre propriété. Nous sommes les véritables propriétaires du Mont du Temple », a déclaré Nili Naoun, 42 ans, venue avec sa famille.
Le président Donald Trump a ravi les Israéliens et ulcéré les Palestiniens le 6 décembre en annonçant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et le transfert de l’ambassade jusque-là à Tel-Aviv.
« Seulement notre peuple »
Israël voit dans cette rupture unilatérale avec des décennies de diplomatie américaine et de consensus international la prise en compte, tardive, d’une réalité historique.
« Jérusalem est mentionnée 650 fois dans la Bible, pour une raison simple: depuis 3.000 ans, c’est la capitale de notre peuple et seulement de notre peuple », a dit le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Le maire de Jérusalem Nir Barkat voit dans l’ouverture de l’ambassade l’émergence d’un « nouvel ordre mondial ». Le grand club de football local a lui dit vouloir se rebaptiser « Beitar Trump Jerusalem ».
Les Palestiniens dénoncent la négation de leurs revendications sur Jérusalem et le summum du parti pris de la Maison-Blanche, qui a multiplié les gages pro-israéliens.
« Tous les Arabes devraient baisser la tête aujourd’hui », a commenté Nisrine Abou Maizer, habitante palestinienne de la Vieille ville, exprimant le sentiment répandu que les capitales arabes ont laissé tomber les Palestiniens.
« Dans une semaine, ils seront tous là pendant le Ramadan parce que, d’un seul coup, ils se souviendront de Jérusalem ».
Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l’État auquel ils aspirent.
La communauté internationale considère Jérusalem-Est comme territoire occupé. Elle estime qu’en attendant un aléatoire règlement du statut final de la ville entre les deux parties, les ambassades ne doivent pas se trouver à Jérusalem.
L’ambassade américaine, provisoirement installée dans les locaux de ce qui était le consulat américain en attendant la construction d’une nouvelle représentation, s’ouvrira sans M. Trump.
Il a envoyé à sa place sa fille Ivanka, le mari de cette dernière et conseiller de la Maison-Blanche Jared Kushner, le secrétaire d’État adjoint John Sullivan et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin. Le président américain s’adressera par vidéo aux 800 invités attendus.