Cours ECR face au rapport Debray

Impartialité ou désinformation?

ECR - Éthique et culture religieuse

Par Paul Drouin
Texte paru dans le no 16 de la Revue Cité Laïque, printemps 2010
***
Les défenseurs de la laïcité ouverte et les promoteurs du cours Éthique et culture
religieuse (ECR) n’ont pas cessé de claironner sur toutes les tribunes au Québec
que le philosophe français Régis Debray, dans son rapport de 2002 au Ministre de
l’Éducation nationale, avait identifié les impasses de la laïcité républicaine et la
nécessité d’introduire un enseignement culturel des religions.
Christian Rioux, correspondant du
quotidien Le Devoir à Paris, a attiré
à nouveau notre attention sur ce rapport
dans [sa chronique du 18 décembre dernier->24540].
Ce texte de 35 pages1, écrit-il, est « tout le
contraire de la logorrhée moraliste » promue
par les idéologues du cours ECR.
Les extraits suivants du rapport Debray
nous montrent jusqu’où peuvent aller les
défenseurs du cours ECR dans la désinformation,
pour servir leur cause.
Pour une approche raisonnée des religions
D’entrée de jeu, Régis Debray se prononce
« pour une approche raisonnée des
religions comme faits de civilisation », en
précisant par contre qu’il ne saurait être
question « de réserver au fait religieux un
sort à part, en le dotant d’un privilège superlatif
». En ce sens, écrit-il, « il ne serait
pas raisonnable d’ajouter une case nouvelle
à une grille déjà bien encombrée ».
Les tenants du cours ECR ont manifestement
cherché à dissimuler les propos de
M. Debray qui condamnent d’emblée leur
approche, malgré qu’ils s’en réclament
faussement.
Pour Régis Debray, la charge d’enseigner
l’histoire des religions « incombe
aux personnels en fonction, à travers les
disciplines reconnues », en l’occurrence
aux enseignants des matières suivantes :
histoire, géographie, lettres, philosophie,
langues vivantes, histoire de l’art, arts
plastiques et musique. Selon lui, « refuser
de promouvoir une matière à part entière
peut devenir un bénéfice intellectuel puisque
le religieux est transversal à plus d’un
champ d’études et d’activités humaines ».
Aucune place à part pour l’histoire des
religions car « une substitution du clerc au
laïc » serait possible. « Des intervenants extérieurs
seraient tôt ou tard proposés pour
remplacer les enseignants, et pas n’importe
lesquels : diplômés des Facultés de théologie
et représentants patentés des différentes
confessions, qui pourraient arguer de
réelles qualifications et d’une séculaire expérience
à cet égard », ajoute Debray.
C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est
passé ici au Québec où le cours ECR a donné
une nouvelle impulsion aux Facultés de
théologie.
Une approche non théologique
L’histoire des religions peut avoir « sa
pleine pertinence éducative » pourvu que
nous ne reconnaissions pas aux différentes
religions « un quelconque monopole du
sens ». L’extension des « discours de raison
au domaine de l’imaginaire et du symbolique
» peut contribuer à nous affranchir
« des peurs et des préjugés ». Les phénomènes
religieux peuvent ainsi être étudiés
mais « sur un mode non-théologique », ce
qui implique « le refus de tout alignement
confessionnel » et aucune prépondérance
des religions patrimoniales, comme c’est
le cas actuellement du christianisme avec
le cours ECR.
L’approche de Régis Debray n’a rien à
voir avec « une laïcité plurielle, ouverte ou
repentante », mais tout à voir avec une
laïcité « refondée, ragaillardie, réassurée d’elle-même et de ses valeurs propres ».
Il en réaffirme ici une des assises fondamentales
:
« Le principe de laïcité place la liberté
de conscience (celle d’avoir ou non une religion)
en amont et au-dessus de ce qu’on
appelle dans certains pays la « liberté religieuse
» (celle de pouvoir choisir une religion
pourvu qu’on en ait une). En ce sens,
la laïcité n’est pas une option spirituelle
parmi d’autres, elle est ce qui rend possible
leur coexistence, car ce qui est commun en
droit à tous les hommes doit avoir le pas
sur ce qui les sépare en fait ».
Pas étonnant que les défenseurs du
cours ECR, les mêmes qui font la promotion
de la laïcité « ouverte », aient préféré
laisser dans l’ombre le véritable contenu
du rapport Debray, leur permettant ainsi
de mieux imposer le retour de l’enseignement
religieux dans l’école publique au
Québec.
1 On trouvera ce rapport, en format PDF, à l’adresse
suivante : [http://www.ladocumentationfrancaise.
fr/rapports-publics/024000544/index.shtml->http://www.ladocumentationfrancaise. fr/rapports-publics/024000544/index.shtml]
Régis Debray, L’enseignement du fait religieux dans
l’École laïque,
Rapport à Monsieur le Ministre de
l’Éducation nationale, Février 2002.


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