Immigration : éviter les extrêmes, entendre les voix de raison...

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Steve E. Fortin se trompe : le débat sur l'immigration porte essentiellement sur le nombre

Gare à ceux qui essaient de taire les débats essentiels que nous devons tenir. Comme celui sur l’immigration par exemple.


Le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois s’est lancé cette semaine en essayant de se poser au-dessus de la mêlée sur la question de l’immigration :


« Je n’entends pas nourrir un débat sur la question de l’immigration et j’espère que les partis et les médias seront davantage intéressés à traiter d’enjeux plus pressants, comme les changements climatiques, la justice sociale et l’évasion fiscale. »


Question simple pour GND : Si nous ne débattons pas de cet enjeu essentiel lors de ce moment capital de notre vie démocratique, la campagne électorale, quand le ferons-nous?


Nous nous entendrons certainement sur une chose lui et moi, notre mode de scrutin est archaïque et n’offre que trop peu d’occasions pour que le citoyen puisse se prononcer sur les enjeux capitaux de la Cité.


Un système qui encourage le bipartisme, qui distille le tiers vote dans la marginalité au moment même où la population, elle, sainement, s’éparpille, démocratiquement en fonction d’enjeux complexes et diversifiés. Voter tous les quatre ans et ne disposer que de trop d’outils d’intervention démocratique.


Sans compter que par glissement sémantique, chez nous, le simple fait d’évoquer la volonté de consulter la population par référendum –ce mot honni – relève de l’extrémisme. Ailleurs, l’acte citoyen de se prononcer par « référendum » est banal et nécessaire.


J’en reviens donc à ma question de départ; dans ce système démocratique archaïque et dépassé, ce moment au sein duquel nous sommes présentement est capital et doit être le théâtre des débats sur tous les enjeux qui nous concernent.


L’immigration est de ceux-là. Comme les changements climatiques et la justice sociale et l’évasion fiscale. Nous sommes contraints de tenir plusieurs débats en même temps. Le citoyen est en droit de savoir, de connaitre la position des partis qui aspirent à gouverner sur l’ensemble des questions fondamentales qui le concernent.


Sinon, on lui demande de donner un chèque en blanc à ceux qui gouverneront sa destinée. Et c’est malsain.


L’immigration n’est pas un « tabou », ni une « pas vraie affaire » ou une anecdote « moins pressante ». Il en va de l’organisation de notre capacité d’accueil à la base même de la cohésion sociale. C’est pour moi essentiel.


Éviter les extrêmes, entendre les voix de raison


Au cours des derniers mois, j’ai eu la chance de côtoyer l’avocat Stéphane Handfield, une voix de raison dans ce débat. Nous avons beaucoup discuté de ces questions : immigration, francisation, intégration. C’est l’une des rencontres les plus significatives que j’ai faites dans le cadre de la direction de l’ouvrage collectif « Démantèlement tranquille ».


Surtout, j’en suis ressorti avec la ferme conviction que par des voix comme la sienne, il est possible de tenir ce débat de façon intelligente, civilisée et –c’est le principal – en n’oubliant jamais que l’on traite ici de personnes, de familles, d’individus qu’il ne faut jamais ostraciser.


Débattre d’immigration c’est à la fois se placer dans les souliers de ceux qui font la longue marche pour venir chez nous et la considération de nos capacités de leur offrir les meilleures chances d’intégration.


En ce sens, je suis d’accord avec Stéphane Handfield quand il aborde la question de la façon suivante dans « Démantèlement tranquille » :


« Comment le Québec peut-il faciliter l’intégration des immigrants?


Cela passera inévitablement par la maîtrise du français, la diminution des délais de traitement, l’accès rapide au travail et les modifications à l’Entente sur les tiers pays sûrs. »


Il y a là, me semble-t-il, les éléments fondamentaux de ce débat. Pour intégrer efficacement ceux que nous accueillerons chez nous, débattre d’immigration implique de discuter aussi de francisation, de l’accès au travail et de notre rapport avec le fédéral sur cette question.


Ce n’est PAS une question de chiffre. Surtout pas. Et il faut impérativement cesser de voir celui qui arrive comme un « envahisseur ». Le Québec a toujours été une terre d’accueil et les Québécois se sont de toute époque montrés accueillants. Cela ne doit pas changer. En ça, tout débat sur l’immigration doit se faire loin des discours alarmistes et rageurs des gens impétueux qui fermeraient la frontière ou des autres qui la feraient tomber complètement.


Donc, qu’on ne me dise pas que ce serait préférable de débattre d’autre chose que l’immigration. C’est une insulte à notre intelligence. Il existe des voix de raison dans ce débat, il nous faut les entendre.


Personnellement, ce qui m’inquiète le plus, ce sont ceux qui en appellent à ne PAS débattre d’enjeux ou d’idéologies. Le Québec devra aussi débattre de vivre-ensemble, de laïcité. Je me méfie de ceux qui tentent d’imposer, par exemple, que le multiculturalisme ne doive pas faire partie des débats.


Le multiculturalisme est une idéologie et comme toutes les idéologies, il est sain de la remettre en question. Si l’histoire nous montre quelque chose, c’est bien des dangers de toute idéologie qui s’impose comme d’un dogme duquel la Cité n’a plus le droit de débattre...


Comme le néolibéralisme, justement. Et là, cher GND, nous nous rejoindrons. Il est impératif que nous remettions en question ce dogme-là. Et vite. Justement au nom de la justice sociale, mais aussi de notre relation avec l’environnement.


Et nous sommes capables de tenir plusieurs débats en même temps.