GRANDE SÉDUCTION À HÉROUXVILLE

Huit femmes musulmanes expliquent leur réalité

Hérouxville - tentatives de dialogue

par Ariane Lacoursière - Quelques minutes avant de quitter Montréal, hier matin, les huit femmes du Congrès islamique canadien qui s'apprêtaient à visiter Hérouxville parvenaient mal à cacher leur inquiétude. Quel accueil allaient leur réserver les habitants de cette petite municipalité? Leurs voiles colorés allaient-ils choquer la population? «Je crois que tout ira bien ».
«Ces gens ont l'air chaleureux, mais ils manquent d'information. C'est pour ça que nous allons les voir. Pour nous faire connaître. Ça va bien aller», disait Mouna Diab, 21 ans. «Ça va être une grande journée. On va briser des tabous et on va enfin pouvoir passer à autre chose», a lancé Haydar Moussa, l'un des trois hommes membres de l'Association des jeunes Libanais musulmans de Montréal qui accompagnaient la délégation de femmes.
Malgré ces discours optimistes, la nervosité était visible dans les regards de plusieurs. Discrètement, l'une des femmes a même été malade avant de partir.
Ce malaise passé, les huit femmes, les trois hommes et la représentante de La Presse sont montés à bord de trois voitures et ont quitté la métropole. En roulant vers Hérouxville, les discussions allaient bon train. «J'avoue que le code de vie m'a blessée. J'ai décidé d'aller à Hérouxville pour parler de notre réalité aux citoyens. Je ne crois pas que nous parviendrons à leur faire changer d'idée complètement à notre sujet. Mais on va au moins les faire réfléchir. Et ça, c'est déjà bon!» affirmait Mme Diab en replaçant discrètement son voile.
C'est à l'instigation du Dr Najat Moustafa que le groupe de femmes a décidé de rendre visite aux habitants de Hérouxville. Cette municipalité de la Mauricie s'est rendue célèbre il y a deux semaines en adoptant des normes de vie qui interdisent notamment la lapidation.
Plus le cortège approchait de sa destination, plus la tension montait. Le stress a toutefois grimpé en flèche quand le groupe a réalisé qu'il s'était égaré. «Oh! Mon Dieu! On va arriver en retard! Il faut les appeler pour les avertir!» s'est écrié le Dr Moustafa.
Avec une heure de retard, la délégation est finalement arrivée à Hérouxville. Le conseiller municipal André Drouin, sa femme, Luce Drouin, une cinquantaine de citoyens, le maire de Hérouxville, Martin Pérignyau, et le maire de la municipalité voisine de Saint-Rock-de-Mékinac, Claude Dumont, étaient présents.
«Nous sommes ici pour lutter contre les démons qui tentent de semer la zizanie entre les Québécois!» a lancé Dr Moustafa en sortant de la voiture. «Bienvenue. C'est le début d'une grande amitié. Hérouxville est une terre d'accueil», a répondu Luce Drouin.
À l'intérieur de la salle de l'âge d'or de Hérouxville, quelques musulmanes ont prononcé des discours tout en distribuant des cadeaux et des baklavas. Les échanges privés ont ensuite commencé. «Je me sens tellement intimidée!» a confié la Libanaise Elsy Fneich à Yves Bellemare, qui l'interrogeait doucement.
Si la plupart des discussions se sont déroulées calmement, le ton a parfois monté. «Pourquoi voulez-vous nous interdire de manger du porc? Les Québécois, on mange du porc!» a demandé Louise Trudel. «Mais on ne vous interdit pas de manger du porc. On ne veut juste pas être obligés d'en manger», a répondu Samina Laouni.
Saisissant un micro, un Montréalais venu semer la zizanie a crié : «Comment avez-vous eu l'audace de venir ici?» Choqué, le conseiller André Drouin a pressé l'intrus de se taire et en a profité pour donner ses impressions. «Je suis très content que ces femmes soient ici. Je ne suis pas raciste. Même que je les trouve belles avec leur voile. Je vais en acheter un à ma femme», a-t-il dit.
Claude Veillet, qui habite Hérouxville depuis deux ans, est du même avis. «Je trouve que leur voile, c'est sobre et beau. Elles ressemblent à nos anciennes religieuses! Elles sont vraiment très belles. Ça tombe bien, je suis célibataire et j'ai de l'argent. Je pourrais peut-être en marier une...»
Au fil des discussions, les esprits se sont quelque peu calmés. Plusieurs citoyens ont quitté la salle ravis de leur expérience. «Finalement, je suis bien contente de vous avoir parlé », a même confié Mme Trudel à Mme Laouni. Radieuse, celle-ci s'est réjouie de leur échange. «On a parlé fort parfois, je l'avoue! Mais vous voyez qu'en se parlant, on arrive à bien des choses!» a-t-elle conclu.
Ce soir, le conseil municipal de Hérouxville se réunira en assemblée extraordinaire pour décider de l'avenir de ses normes de vie. «Nous allons en discuter. Certains mots vont peut-être changer», avance André Drouin. Une petite victoire pour la délégation de femmes musulmanes venues en mission à Hérouxville.


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