Agence France-Presse - Londres — En révélant qu'il aurait engagé le Royaume-Uni dans la guerre en Irak même s'il avait su que Bagdad n'avait pas d'armes de destruction massive, Tony Blair a relancé la polémique hier à quelques semaines d'une déposition cruciale devant l'enquête sur ce conflit.
C'est lors d'une émission religieuse, hier matin sur la BBC, qu'est tombée «la confession», comme l'appelle la presse britannique. Invité à dire s'il aurait engagé son pays dans la guerre même si l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein n'avait pas disposé d'armes de destruction massive (ADM), M. Blair a lâché: «j'aurais continué à penser qu'il était juste de le renverser».
«Évidemment, nous aurions employé et développé des arguments différents quant à la nature de la menace», a ajouté l'ancien chef du gouvernement (de 1997 à 2007).
En mars 2003, Tony Blair avait engagé son pays dans la guerre en Irak, en affirmant que Saddam Hussein disposait d'ADM qu'il pouvait déployer «en 45 minutes». Aucune arme de ce type n'a été trouvée et il s'est avéré que la mention des «45 minutes», malgré une source douteuse, avait été ajoutée in extremis afin de «muscler» un rapport des services de renseignement britanniques.
Un sondage de mars 2003 avait montré que 74 % des Britanniques soutenaient une invasion, mais seulement avec le feu vert de l'ONU et à la condition que la présence d'ADM soit prouvée. Sans ces conditions, la proportion tombait à 26%.
«Cette guerre a été vendue avec l'aide des ADM», a rappelé Hans Blix, qui dirigeait avant l'invasion de 2003 l'équipe d'enquêteurs recherchant des traces d'ADM. «Et maintenant, on a l'impression, ou on entend, qu'il ne s'agissait que d'une question d'arguments, comme il dit. Tout cela a l'air un peu d'une feuille de vigne: si elle n'avait pas été là, ils auraient tout simplement essayé d'en trouver une autre», a-t-il déclaré sur la BBC.
La déclaration de M. Blair est «l'aveu le plus clair que les fameuses armes étaient en effet un prétexte», écrit le Sunday Telegraph, estimant que cela va «changer la donne» de l'enquête sur l'Irak dont les audiences publiques se tiennent à Londres depuis plusieurs semaines.
La commission se penche sur les raisons qui ont poussé à l'engagement controversé en Irak.
Tony Blair y sera entendu, probablement en janvier, et son audition sera «en grande partie» publique, a indiqué un porte-parole de l'enquête. La commission, qui remettra son rapport fin 2010 au plus tôt, n'est pas un procès, mais cela n'empêche pas la coalition «Stop the War» d'exiger des «poursuites judiciaires» contre Tony Blair «s'il réitère cet aveu de crimes de guerre devant l'enquête».
Les déclarations de Tony Blair pourraient en effet l'exposer à des «difficultés judiciaires», croit le professeur de droit international Philippe Sands, interviewé par le Sunday Herald.
Poursuite pour Blair
Déjà, l'ancien avocat de Saddam Hussein demande des poursuites pour guerre «illégale». Giovanni di Stefano, l'actuel conseil italien de l'ancien ministre irakien des Affaires étrangères Tarek Aziz, a adressé à l'Attorney General, principal conseiller juridique du gouvernement britannique, une «demande de consentement pour poursuivre» Tony Blair.
M. Blair a «enfreint la Convention de Genève de 1957» en engageant son pays dans une guerre «non justifiée par une nécessité militaire et menée de manière illégale et gratuite», estime Me Di Stefano dans la lettre, dont l'AFP a obtenu une copie.
«Tony Blair admet que son objectif était de renverser le régime. C'est sans aucun doute illégal et sujet à des poursuites judiciaires», a déclaré Me Di Stefano dans une nouvelle déclaration diffusée hier.
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