Gérard Bouchard dénonce les nationalistes qui «sèment la peur»

Des «ténors nationalistes» se sont emparés des conclusions du rapport Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables et tentent actuellement de creuser le clivage entre les Québécois et les nouveaux arrivants. On sème la peur, on exacerbe la méfiance collective au risque «d’affaiblir la nation québécoise».

Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»


Gérard Bouchard (au premier plan) est surtout piqué au vif parce que certains l’ont accusé «d’avoir manqué à (son) devoir (...) qui était de veiller aux intérêts du groupe majoritaire» dont il est issu, écrit-il. (Photo Ivanoh Demers, La Presse)


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Des «ténors nationalistes» se sont emparés des conclusions du rapport Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables et tentent actuellement de creuser le clivage entre les Québécois et les nouveaux arrivants. On sème la peur, on exacerbe la méfiance collective au risque «d’affaiblir la nation québécoise».

Hier, la mise en garde est tombée, drue. Elle vient de Gérard Bouchard, le coprésident de la commission qui, le mois dernier a déposé son rapport fort attendu sur la question des accommodements raisonnables. Publié aujourd’hui dans les pages Forum de La Presse, l’appel à la responsabilité de l’universitaire souverainiste du Saguenay vise, à regret, précise-t-il, «certains représentants de la famille politique à laquelle (il appartient) depuis plus de quarante ans».
Joint hier à l’Université du Québec à Saguenay, M. Bouchard a refusé de préciser à qui s’adressait sa sortie très incisive. Mais dans les milieux péquistes, on sait qu’il n’a pas du tout apprécié que la chef péquiste Pauline Marois ridiculise les conclusions du rapport sur la base des seules révélations de The Gazette, une semaine avant sa publication.
Mme Marois avait commenté : «Encore un peu et on se rappellera Elvis Gratton», en stigmatisant à l’avance un rapport qui décrirait les Québécois comme des «Canadiens d’origine française» plutôt que des «Québécois de souche». Dans les films de Falardeau, Elvis Gratton se décrivait comme un «Canadien américain francophone d’Amérique».
Les porte-parole de tous les partis, de toutes tendances «doivent faire preuve de vigilance, de prudence et de responsabilité», souligne l’universitaire. Le Québec «sort à peine d’une période de turbulence, il est peut-être venu près d’un véritable dérapage et la situation reste très volatile», prévient-il.
Pour M. Bouchard, «sous de fausses représentations» des leaders nationalistes «sont en train de déplacer le débat vers des terrains où tous les Québécois auront à perdre». Il est surtout piqué au vif parce que certains l’ont accusé «d’avoir manqué à (son) devoir (...) qui était de veiller aux intérêts du groupe majoritaire» dont il est issu».
«Profondes déformations»
Parlant de « profondes déformations » des recommandations du rapport, M. Bouchard s’en prend surtout à «quelques leaders nationalistes qui sont en train de prendre l’initiative du débat pour lui imprimer une orientation néfaste, susceptible de creuser des clivages ethniques et d’instituer des tensions déplorables entre Québécois». Pour l’universitaire on peut parler d’une «rupture radicale avec l’héritage de René Lévesque».
Il s’insurge contre le mauvais procès qu’on a fait à la suggestion du rapport de mettre de côté l’expression «Québécois de souche», pour désigner les Québécois d’ascendance française. «Ce vocable est imprécis, inapproprié et il gêne plusieurs Québécois de toutes origines, particulièrement ceux et celles qui sont établis ici depuis quelques générations et se sentent complètement intégrés». Selon lui, il faut «fortifier la tendance qui tend à supprimer ou à atténuer les clivages ethniques Eux/Nous», une flèche en direction de la plateforme mise de l’avant l’automne dernier par Pauline Marois.
M. Bouchard relève une série de «faussetés couramment colportées» sur les conclusions du rapport de la commission qu’il a coprésidée. La Commission ne demande pas au groupe majoritaire d’accorder plus d’accommodements, ne fait pas la promotion d’un multiculturalisme «à la Trudeau», pas plus qu’elle ne prône le retour en force du religieux dans les institutions publiques, résume-t-il.
M. Bouchard s’en prend au passage à ceux qui cultivent «l’insécurité, l’angoisse identitaire» de la majorité francophone. «Voilà exactement le genre de discours propre à affaiblir la nation québécoise en la divisant et à la ramener en arrière au temps de la survivance peureuse et frileuse dont chacun, avec raison, veut prendre congé», a lancé M. Bouchard. «À tant insister sur la faiblesse des Québécois d’origine canadienne-française (...) on n’ose plus souligner les responsabilités collectives qui leur incombent (comme à tout groupe majoritaire au sein d’une nation)», précise M. Bouchard.


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