Gaza : un véritable crime contre l’humanité

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne


Le [chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff->17194], a déclaré jeudi qu’Israël avait le droit de se défendre et que ses actions militaires étaient une réponse justifiée aux attaques du Hamas en provenance de la Bande de Gaza. Ce qui est particulier dans cette déclaration est l’absence totale de nuances.
Michael Ignatieff a aussi jeté le blâme sur le Hamas, soutenant que l’organisation avait instigué les attaques de roquettes sur le territoire israélien pour ensuite trouver refuge parmi la population civile. En 2006, ses déclarations à propos de l’intervention d’Israël au Liban avaient été, on ne peut plus, ambigües. Guy A. Lepage lui avait demandé pourquoi il avait dit que les décès de civils libanais, à Cana, à la suite de tirs israéliens « ne l’empêchaient pas de dormir ». Dans une entrevue au Toronto Star, il avait affirmé que le drame de Cana était « franchement inévitable » dans un contexte où des lanceurs de missiles sont installés à une centaine de mètres des populations civiles. [Il avait, par la suite, admis que c’était une erreur de jugement de dire cela, et il avait soutenu, au sujet de cette attaque, qu’il s’agissait d’un « crime de guerre »->2335]. Michael Ignatieff avait perdu le soutien de la coprésidente de son organisation de campagne à Toronto, Susan Kadis, parce qu’il avait accusé Israël d’avoir commis un crime de guerre.
Cette fois-ci, Michael Ignatieff a choisi son camp : Israël. Au détriment des faits. C’est le même homme, remarquez bien, qui avait parlé des « risques de guerre civile » au Québec en cas de victoire du OUI et, donc, de l’importance de clarifier les choses dès le départ. Tout ça, évidemment, sous l’angle théorique, comme dans une salle de classe devant des étudiants en politique internationale, comme l’écrivait Vincent Marissal, dans La Presse, le 25 novembre 2006.
Évidemment, c’est le droit le plus strict du chef du Parti libéral du Canada de se ranger derrière l’opinion de Stephen Harper. C’est également son droit de recourir à des raisonnements et des conclusions sans nuances. Cela en dit long sur la réputation d’intellectuel de Michael Ignatieff.
Si les édiles canadiens sont incapables de réfléchir et d’analyser une situation dramatique sous plusieurs angles à la fois, il s’en trouve, fort heureusement, qui en ont la capacité. D’abord regardons de près la résolution 1860 du Conseil de sécurité. Elle condamne également « toute violence et hostilité dirigées contre des civils et tout acte de terrorisme », sans pour autant stigmatiser le Hamas. Et elle soutient « des mesures tangibles vers une réconciliation inter-palestinienne ».
Cette résolution, pour tardive qu’elle soit, a reçu une approbation générale avec une abstention, les États-Unis. Quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont voté en faveur de cette résolution. Le Canada, qui a déserté, depuis les conservateurs, les grandes tribunes internationales, et qui se discrédite lorsqu’il y est présent, n’est pas un membre du Conseil de sécurité. Réponse d’Ehud Olmert relativement à l’adoption de cette résolution : « Israël n’a jamais accepté qu’une influence extérieure décide de son droit à défendre ses citoyens. L’armée continuera d’opérer pour défendre les citoyens d’Israël ». Comme l’explique Dan Gillerman, ancien ambassadeur à l’ONU, chargé par le gouvernement de la communication sur l’offensive, la résolution du Conseil de sécurité est un revers diplomatique pour Israël.
L’angélisme de monsieur Ignatieff fait sourire à côté des remarques de la Croix-Rouge internationale qui n’a pas réputation de jouer dans les extrêmes. L’accusation qu’elle vient de lancer n’est pas sans conséquences : « l’armée israélienne aurait empêché la Croix Rouge d’accéder à des blessés palestiniens à Gaza, dont des enfants coincés pendant cinq jours dans leur maison avec le corps de leur mère tuée dans des combats ». Il ne s’agit pas du Hamas ici. Mais bien d’Israël. La Croix-Rouge affirme que les soldats israéliens ont laissé à leur propre sort des enfants blessés dans le quartier de Zeitoun, dans la bande de Gaza. « Ils étaient trop faibles pour se tenir sur leurs jambes. Un homme était également incapable de se tenir debout. Il y avait au total douze corps sur des matelas. Dans une autre maison, nous avons trouvé quinze survivants et trois morts. Les soldats israéliens étaient en position à 80 mètres et ils ont demandé à notre équipe de partir, ce qu’elle a refusé de faire ».
Les États-Unis, inconditionnels d’Israël, ont senti le besoin de rappeler l’État hébreu à l’ordre : le département d’État américain a appelé jeudi Israël à prolonger les horaires d’accès de l’aide d’urgence dans la bande de Gaza, tout en dénonçant une situation humanitaire « terrible » dans le territoire palestinien assiégé. Robert Wood, le porte-parole, a déclaré que: « les horaires doivent être étendus. C’est quelque chose sur quoi nous travaillons avec les Israéliens et avec d’autres ». La réponse de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) est claire : « Du point de vue opérationnel, trois heures ne font aucune différence ». Tout en poursuivant : « Nous devons distribuer de la nourriture à 750.000 réfugiés à Gaza est, nous ne pouvons pas le faire en trois heures ».
Et que fait Israël après avoir cédé sur l’urgence de ces trois heures de trêve ? Des chars israéliens tirent des obus dans la bande de Gaza, malgré l’annonce de cette pause des opérations pendant trois heures. Des chars ont ouvert le feu contre des cibles à Jabaliya, Beit Lahya ainsi que dans le quartier de Zeitoun.
Que dire, monsieur Ignatieff, des bavures de l’armée israélienne ? Dommages collatéraux, diront les va-t-en-guerre. Trois écoles de l’agence des Nations unies pour les réfugiés ont été bombardées à Khan Younès (2 morts), Chati (3 morts) et surtout à Fakhoura, où deux obus ont éclaté à l’intérieur d’un bâtiment (43 tués). Des centaines de civils s’y étaient réfugiés, « parce qu’ils se croyaient protégés par le drapeau de l’Onu ». Par ailleurs, à Zeitoun, douze membres d’une même famille ont été tués parce qu’y vivait un cadre du Hamas. Que dire enfin de ce tir de char israélien qui a tué trois soldats du Tsahal et en a blessé 21 autres ?
Israël a raison de se défendre ? Il semble que cette opinion ne soit pas partagée sur toutes les grandes tribunes du monde, pour autant qu’on veuille bien y prêter attention. Les raisonnements réducteurs sont mauvais conseillers, en politique surtout. Israël fait fi d’un appel du Conseil de sécurité de l’ONU à un cessez-le-feu immédiat à Gaza en arguant qu’il ne garantirait pas l’arrêt des attaques du mouvement palestinien Hamas. L’étendue des pertes civiles palestiniennes dégrade chaque jour davantage son image dans le monde et met en question la légitimité de son action. La commissaire européenne, Géraldine Ferraro-Waldner, faisait remarquer au président israélien Shimon Peres que l’image de l’État hébreu est « fortement détériorée » depuis ces derniers jours. Réponse de Peres : « Nous ne faisons pas dans les relations publiques. Nous combattons le terrorisme et nous avons le droit absolu de nous défendre ». Et cela à quel prix ? L’offensive israélienne destinée à contraindre le Hamas à cesser ses tirs de roquettes, a coûté la vie à au moins 800 Palestiniens, dont plus de 230 enfants et 92 femmes et des dizaines d’autres civils, et fait plus de 3.300 blessés depuis son lancement le 27 décembre
Le cardinal Martino (Justice et Paix) s’est attiré les foudres des autorités israéliennes après avoir affirmé que « la population de Gaza vit encerclée dans un mur qu’il est difficile de percer, dans des conditions qui vont à l’encontre de la dignité humaine ». Et le cardinal a osé dire que la bande de Gaza sous les bombes était devenue « un immense camp de concentration ». Et la réponse d’Israël : « Entendre le vocabulaire de la propagande du Hamas repris par un membre du Sacré Collège des cardinaux est un phénomène choquant et décevant ». Shimon Peres a bien raison : Israël ne fait pas de relations publiques.
Des voix s’élèvent pour dénoncer la situation dans la bande de Gaza. L’éditorialiste Jean Daniel écrit, dans Le Nouvel Observateur : « La part juive qui est en moi [...] est bouleversée d’indignation et de révolte devant une telle régression ». Le Premier ministre français, François Fillon, a jugé « intolérable » la situation humanitaire à Gaza. Position nettement plus nuancée que nos élus canadiens.
Pendant que se négocient des sorties de crise ailleurs dans le monde, le gouvernement Olmert donne son feu vert à un élargissement des opérations à Gaza. La stratégie est simple : chasser le Hamas et installer le Fatah. Israël décide au nom du peuple palestinien. Rien de moins. Et nous sommes des témoins impuissants de cette macabre stratégie menée sous l’empire du sacro-saint principe de l’auto-défense. Mohammed Dahlane, l’ancien homme fort du Fatah, a déclaré hier qu’il ne rentrerait pas à Gaza « en marchand sur du sang palestinien ». Toute visière baissée, nos politiciens canadiens sont incapables de discerner les intentions réelles de l’État hébreu, obnubilés qu’ils sont de suivre la ligne politique des voisins du sud.
Au nom du « casus belli », qu’importe que le système médical palestinien soit « au bord de l’effondrement », que les hôpitaux soient surchargés, que des personnels médicaux soient épuisés d’avoir travaillé 24 heures/ 24 pendant presque deux semaines, ou encore que l’acheminement de matériel médical et de médicaments soit rendu très difficile. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les hôpitaux fonctionnent grâce à des générateurs de secours menaçant de s’arrêter faute de carburant.
Le haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme a demandé des investigations « crédibles et indépendantes » sur des violations du droit humanitaire dans la bande de Gaza qui pourraient constituer des crimes de guerre. Selon madame Navi Pillay : « Les violations du droit humanitaire international pourraient constituer des crimes de guerre pour lesquels la responsabilité pénale individuelle pourrait être invoquée ». Le gouvernement conservateur avait jugé que Louise Arbour était une « honte » pour avoir soutenu qu’Israël devrait faire face à ses responsabilités, s’il était démontré que l’État hébreu avait commis des violations du droit humanitaire international au Liban. Madame Navi Pillay a succédé à Louise Arbour au Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme.
Stéphane Hessel, 91 ans, est un ancien diplomate et résistant, qui a notamment participé à la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en 1948. Au cours d’un entretien avec SwissInfo, l’Ambassadeur de France a donné son point de vue sur la situation dans la bande de Gaza. « En réalité, le mot qui s’applique - qui devrait s’appliquer - est celui de crime de guerre et même de crime contre l’humanité. Mais il faut prononcer ce mot avec précaution, surtout lorsqu’on est à Genève, le lieu où siège un haut commissaire pour les Droits de l’Homme, qui peut avoir là-dessus une opinion importante. Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d’enfants, la façon dont ils sont bombardés m’apparaît comme un véritable crime contre l’humanité ».
Nos politiciens canadiens, dont Michael Ignatieff, devraient tirer des leçons de l’histoire, comme le rappelle avec justesse et modération Stéphane Hessel : « Nous avons vu que dans tous les cas de figure récents dans le monde, que ce soit le Vietnam, la Tchétchénie ou quoique ce soit d’autre, il n’y a pas de solution militaire. La solution c’est la négociation. Ce qui se passe en ce moment au Caire est extrêmement important. Il faudrait que les dirigeants israéliens se rendent compte qu’à ne pas accepter une négociation et un cessez-le-feu, et une négociation pour la paix, ils font un tort immense à leur pays, et aussi à leur armée. Tsahal avait la réputation d’être une armée honorable. Elle ne l’est plus lorsqu’elle frappe sur des gens sans défense ».
En terminant, il convient de rappeler que, comme le rappelle Frida Berrigan, de la New America Foundation, information relayée par le quotidien Le Monde, l’intervention d’Israël à Gaza a été menée largement grâce à des armes américaines payées par le dollar du contribuable américain.
En sept ans, sous l’administration BUSH, Israël a reçu plus de 21 milliards de dollars pour la sécurité, dont 19 milliards d’aide militaire dans le cadre du programme de financement militaire à l’étranger (FMF) du Pentagone.
Le plus gros de l’arsenal actuel d’Israël est composé de matériel fourni par des programmes américains d’assistance. Par exemple Israël possède 226 chasseurs F-16 fournis par les États-Unis, ainsi que 700 chars M-60, 6.000 véhicules blindés de transport de troupes, un grand nombre d’avions de transport, d’hélicoptères d’attaque, d’avions d’entraînement, des bombes et toutes sortes de missiles tactiques.
Rien qu’en 2008, les États-Unis ont fait à Israël des offres de ventes d’armes s’élevant à plus de 22 milliards de dollars, parmi lesquelles une proposition de contrat d’un montant de 15,2 milliards pour 75 chasseurs F-35, une autre d’un montant de 1,9 milliard de dollars pour 9 appareils C-130J-30, une autre d’un montant de 1,9 milliard de dollars pour 4 navires de combat littoral avec leurs équipements, et du kérosène pour plus de 1,3 milliard de dollars.


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