Gaz à effet de serre : une dette écologique que les pays riches doivent payer

Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques

Les coûts pour l'économie sont constamment mis de l'avant dans l'effort visant à réduire les émissions des gaz à effet de serre (GES), cause des changements climatiques. Le Québec, à l'instar de toutes les sociétés «développées», porte une responsabilité pour le cumul des GES dans l'atmosphère depuis des décennies. Ces gaz restent dans l'atmosphère pour de longues périodes, et leurs quantités cumulatives doivent être prises en compte.
Le gouvernement - les gouvernements - ne mettent jamais dans la balance les coûts de ces changements climatiques eux-mêmes. Il faut monétariser la responsabilité pour ces GES pour que les débats soient engagés sur une base où tous les coûts seraient comparés. L'évaluation de notre «dette écologique» historique, imputable à nos émissions cumulatives jusqu'à aujourd'hui, indique que les coûts de leurs impacts montent à près de 39 milliards $, environ 15% du PIB de la province. Un tel chiffre représente un passif qui est, finalement, une approximation à la «contribution» attendue du Québec par les pays du G77 en compensation du frein à leur propre développement, que constituent les émissions cumulées des GES dans l'atmosphère et la nécessité de réduire dramatiquement de futures émissions.
En 2012, ces coûts seront de l'ordre de 44 milliards $, et en 2020, 84 milliards $. Cette évaluation se fait dans un contexte où le gouvernement du Québec ne vise même pas le respect du Protocole de Kyoto, en dépit de déclarations répétées en ce sens. La différence représente environ 15 millions de tonnes de carbone, l'équivalent de l'objectif de réduction du Plan d'action pour 2012, au complet. Et le gouvernement se dit incapable de viser la cible minimum pour Copenhague avancé par les scientifiques. Même si le Protocole de Kyoto était respecté, cette entente internationale reconnaît d'avance l'inertie du système actuel et accepte comme inévitables que 94 % des émissions des pays riches et l'ensemble de celles des autres pays continuent. Les meilleurs efforts de Copenhague ne feront que continuer à diminuer ces augmentations, qui vont en croissant.
Tout économiste qui se respecte présente ses bilans en incluant non seulement les actifs, mais aussi les passifs, et ces estimés de notre «dette écologique» permettent d'établir un tel bilan. Et il n'est pas envisageable que nos dirigeants, pas plus que les «contribuables», confrontent la réalité que les coûts qui nous sont imputables représentent. Les changements climatiques sont une catastrophe appréhendée de la même taille économique que la récession appréhendée en 2008. C'est cela l'impasse que montre Copenhague.
Que cette situation n'ait pas été décrite en termes monétaires explique en partie les difficultés, pour ces pays, de reconnaître les revendications des pays du G77. Les pays développés savent que leurs économies gigantesques ont une responsabilité fondamentale pour la situation actuelle, mais n'ont jamais calculé les véritables montants en cause. Ce calcul fait, l'envergure de leur dette écologique démontre la nécessité d'un changement radical de structure dans leurs économies.
Il n'y aura pas de «protocole de Copenhague» à la hauteur des défis avant que les pays riches n'évaluent en termes monétaires les coûts des impacts et en tiennent compte. La poursuite de plus en plus irréfléchie de la croissance - de la «reprise» de la croissance, dans les temps qui courent - est tout simplement incompatible avec la gestion du problème des changements climatiques.
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Harvey Mead
L'auteur a été le premier Commissaire au développement durable du Québec, en 2007 et 2008. Il a plus de quarante ans d'expérience dans l'effort d'intégrer les enjeux environnementaux dans les décisions touchant le développement.
Un article qui détaille l'évaluation des coûts, ainsi qu'une fiche technique, se trouvent sur le site de l'Agora, à http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Indice_de_progres_veritable--La_dette_climatique_par_Harvey_Mead

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L'auteur a été le premier Commissaire au développement durable du Québec, en 2007 et 2008. Il a plus de quarante ans d'expérience dans l'effort d'intégrer les enjeux environnementaux dans les décisions touchant le développement.





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