Gauche et droite intellectuelles vers une politique du jardin?

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La fin des idéologies ouvre la porte au libéralisme post-moderne

Une chose m'a frappé au visionnage du débat sur Proudhon entre Alain de Benoist et Michel Onfray. Je la découvris dans toute sa lumière alors que je savais pourtant qu'Onfray était sur ces positions depuis déjà quelque temps. Ce qui ressort de ce débat et des réflexions de l'intellectuel de gauche, c'est, dans une redécouverte de la philosophie de Proudhon, que l'enjeu actuel se situe moins dans une volonté de changer le système capitaliste que d'en sortir dès à présent à titre individuel et communautaire.


Je savais en effet chez Onfray l'exigence d'initiatives individuelles, de mutuelles, de corporations solidaires, de localisme, autant de sanctuaires qui se voudraient sains au milieu d'un monde en déclin. Car du déclin, Onfray en parle aussi, ayant abandonné les lubies traditionnelles de l'homme de gauche sur le progrès perpétuel. Or, si Onfray considère désormais que la France, l'Europe – disons l'Occident – sont dans un déclin irréversible, alors ne survit en effet que le  désir de reconstruire un monde à son échelle sur le charnier prométhéen des idées mortes, celles qui aimeraient encore faire la révolution et changer la société.


Ceux qui me suivent comprendront où je veux en venir. Ce que je trouve particulièrement exaltant, c'est que les pensées intelligentes de gauche en arrivent désormais au même point que les pensées post-modernes de droite. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles peuvent discuter entre elles. Manifestement, elles partagent au moins le même postulat.


Ce postulat, quel est-il ? Qu'il y a de grandes chances pour qu'aucun d'entre nous ne parvienne à changer le monde. Nous sortons de l'ère historique, entamée depuis la Révolution Française et que l'on pourrait appeler, à la suite d'autres intellectuels, l'ère idéologique (qui trouve son point culminant au XXème siècle) qui était celui des mouvements sociaux et politiques capables de transformer de fond en comble une société. C'était l'ère où l'on croyait encore au grand soir, à la révolution, au coup d'état, ou même à la possibilité de prendre le pouvoir par les urnes pour tout bouleverser.


Bien entendu, nombreux sont ceux qui y croient encore. Nombreux sont ceux qui ne sont pas passé, intellectuellement, dans le nouveau millénaire. C'est une chose répandue et commune que la plupart des individus aient toujours un train de retard historique. D'autant que beaucoup de gens vivent – et vivent bien – de ce retard : je veux parler bien sûr des hommes et des femmes politiques, ainsi que des journalistes.


Beaucoup d'éléments concourent à faire adopter le postulat de la fin de l'ère idéologique. Pêle-mêle, en voici. Démographique d'abord : rien qu'en France, l'âge médian est de 55 ans, et le vieillissement va aller de mal en pis. Jamais, historiquement, une révolution (qu'elle soit violente ou par les urnes) n'a pu s'établir sur une base sociologique vieillissante. Celles-ci ne changent rien et se contentent de mourir à petit feu. En conséquence, on pourrait légitimement penser que jamais un pays comme la France pourrait changer de modèle, cela implique de prendre des décisions radicales, d'être prêt à une certaine violence, et de mettre l'imagination au pouvoir. Seule une société gorgée de jeunes peut faire ça. Sociologique ensuite : pour qu'une société se transforme par le haut, par l’Etat, encore faut il qu'il soit soutenu par une volonté générale, elle-même appuyée sur une population homogène dont les ressorts restent holistes. Voilà qui n'est plus le cas. Le progrès de l’individualisme a fait des ravages et l'immigration massive a fracturé la société en différents éléments sans doute irréconciliables. Historique enfin : qui connait l'Histoire sait que toutes les sociétés ont une fin programmée, et que celles-ci ont toujours les mêmes symptômes quand arrive leur crépuscule. Quiconque a étudié la fin des civilisations – Rome notamment – est frappé de stupeur par la similitude impressionnante de nos symptômes. 


Ces éléments, sauf à ne pas être pris en compte, obligent nombre d'intellectuels à devoir changer de paradigme. A gauche comme à droite, on s'entend pour considérer qu'il faille aujourd'hui créer ses propres mondes, faire sécession, repenser le local, la communauté, le petit échelon. Entre parenthèse, voilà la cause de mon "libéralisme" actuel : j'y souscris parce que lui seul peut permettre d'accoucher la société de demain, en vitesse, puisque de toutes façons celle-ci finira par naitre. Le libéralisme post-moderne, je l'entends comme la capacité plus grande et plus rapide de pouvoir créer notre monde en étant libéré du grand cadavre en décomposition que constitue l'ancien monde. C'est un syllogisme socratique : 1 - On ne croit plus qu'il soit possible de changer la société. 2 - On a besoin d'être libérés d'elle pour préserver ce qu'on aime. 3 - Nous sommes donc, désormais, des libéraux.  


On connaît la célèbre objurgation d’Albert Camus recevant son prix Nobel en 1957. Il ne s’agissait plus pour lui de changer le monde, à la manière des anciens, mais d’éviter qu’il se défasse. Conserver donc. Préserver. Et pour "préserver" quelque chose, on l'enterre dans son jardin ou dans un coffre, chez soi. Peut-être sommes nous entrés dans l'ère historique des jardins. De gauche ou droite, il nous faudrait, dès lors, une politique des jardins.


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