Fin de la présomption d’innocence

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Le tribunal de l'opinion publique finit par s'imposer devant les rigidités et les lenteurs de l'appareil judiciaire

Notre système de droit est en train de basculer. La sacro-sainte présomption d’innocence est devenue inapplicable. Et ce, dans un temps record.


Les harceleurs et agresseurs sexuels sont déboulonnés dans leur monde dévergondé. Les vedettes et les potentats qui circulent dans les coulisses sont désormais condamnés par le tribunal international des réseaux sociaux. Et souvent dans les heures qui suivent la dénonciation par leurs victimes. Fini l’impunité dans laquelle ils se vautraient.


Durant les dernières semaines, pas une journée ne s’est terminée sans qu’un nouveau cas d’abus soit mis à jour, ici comme ailleurs. Et aucune des personnes dénoncées n’a encore été mise officiellement en accusation par les tribunaux, ce qui n’a pas empêché que toutes soient dorénavant mises au ban de la société.


Épreuve psychologique


Le monde judiciaire doit faire son mea culpa, car il est en partie responsable de la situation. Les tribunaux ont rarement été capables de rendre justice aux quelques femmes qui osaient dénoncer leurs agresseurs. Le processus judiciaire qui commence avec la dénonciation à la police est une épreuve pour les femmes agressées. D’ailleurs, il n’est pas étonnant que les victimes prennent des années avant de pouvoir révéler publiquement les outrages qu’elles ont subis.


Désormais, les réseaux sociaux servent de prétoire aux victimes et de tribunal de condamnation aux agresseurs. Toutes les institutions, toutes les entreprises, qu’il s’agisse des médias, des agences de publicité, des corporations diverses, se désolidarisent de ceux qui sont accusés. Et rares sont ceux qui viennent accuser publiquement leurs dénonciateurs. Le réalisateur Sylvain Archambault et le chef Apollo sont parmi les seuls à l’avoir fait au Québec. Mais dans leur cas, grâce aux révélations de propos graveleux et de gestes douteux, l’opinion publique exprimée sur les réseaux sociaux semble déjà avoir tranché.


Cette longue plainte de femmes flétries, violentées, humiliées, exploitées, traumatisées est un raz-de-marée qui va nous obliger à transformer à l’avenir nos institutions et nos mentalités.


Séduction vulgaire


Les hommes ne pourront plus être distraits ou indifférents envers les farceurs apostrophant des filles, comme ils les désignent, sur les lieux de travail pour leur faire des compliments à connotation génitale qu’ils confondent dans leur subtilité de porc-épic avec la séduction. De la parole au geste, la distance est courte dans des cerveaux sexuellement fêlés.


La présomption d’innocence demeure un des fondements de notre droit. Mais personne n’avait prévu que, grâce à la technologie, des citoyens exerceraient une influence directe sur le territoire de la tolérance sociale en matière de comportements sexuels. Personne n’aurait imaginé que le féminisme enraciné dans le cœur des femmes et débarrassé de l’aveuglement idéologique allait trouver dans les médias sociaux son allié le plus accessible.


Le monde juridique doit s’exprimer sur l’avenir de la présomption d’innocence dans les causes d’abus sexuels où la parole de l’agresseur et celle de la victime sont les seuls éléments de preuve. Dorénavant, la cause est entendue par le peuple, ce qui signifierait que dans ce domaine la présomption d’innocence est en désuétude.