Fièvre sociale en France - La séquestration

«Les indignés» dans le monde

Un jour, on séquestre les patrons. Le lendemain, on bloque les ports de pêche et non de plaisance. En fait, lorsqu'on s'attarde à la vitesse comme au nombre des actes évoqués, on pourrait écrire ceci: le matin on emprisonne les cadres dans leurs bureaux, l'après-midi les chalutiers barrent les routes maritimes. Cela se passe en France, pays qui se distingue de ses voisins comme suit: l'opposition à Nicolas Sarkozy est davantage le fait des syndicats que du Parti socialiste (PS).
Au cours du dernier mois, voire des deux derniers mois, il ne s'est guère passé de semaine sans que des salariés confrontés à des plans sociaux kidnappent pendant quelques heures les dirigeants de filiales, dans la grande majorité des cas d'entreprises étrangères. Ce geste, inusité il va sans dire, découle pour une bonne part de l'objet d'une observation formulée par Sarkozy, selon laquelle les grèves de se voient plus . Elles ne font plus les manchettes. Ce message a été reçu cinq sur cinq par les syndicats. À preuve, depuis qu'ils enferment les cadres, les travailleurs sont assurés d'être le sujet de topos dans les journaux télévisés.
L'observation de Sarkozy mise à part, le geste en question est à mettre sur le compte d'une addition de réalités sociales et économiques. Tout d'abord, il faut souligner que le taux de syndicalisation qui a cours en France est de loin le plus bas de tout le monde occidental: 8 % seulement contre 28 % en Allemagne, 30 % au Royaume-Uni ou encore 82 % en Suède. Ensuite? Le filet dit des protections sociales est plus étendu en vieille France qu'il ne l'est chez ses voisins. Résultat, il est plus aisé pour les patrons de 3M ou Sony d'ordonner la délocalisation d'usines situées en France qu'en Italie ou en Belgique, où les coûts afférents à un tel geste sont plus élevés.
Selon les sondages, cette ébullition printanière est très bien perçue par la population. Non seulement la cote des leaders syndicaux est à la hausse, mais les séquestrations n'ont pas heurté le public. Qu'on y songe: pas moins de 63 % de Français estiment qu'elles sont justifiées, seulement 7 % les jugent condamnables. Toujours selon les enquêtes, la majorité des Français trouvent inacceptable que la plupart des entreprises ayant ordonné des licenciements, parfois massifs, aient dégagé des bénéfices lors du dernier exercice financier. Quoi d'autre? Les parachutes dorés.
Comparativement à leurs homologues européens, les patrons français ont graissé leur portefeuille avec une outrance, une arrogance, une gourmandise qui dépassent l'entendement et qui révoltent le commun des mortels. D'autant plus qu'en la matière, Sarkozy a fait ce qu'il fait le plus souvent: beaucoup de gesticulations, peu de décisions. Ici et là, on dit et on répète que le président a passé un savon aux responsables du Medef, l'équivalent français du Conseil du patronat. En vain. Le Medef jouit encore et toujours d'une énorme marge de manoeuvre qui a pour nom autorégulation.
Dans toutes ces matières, sur tous ces fronts, le Parti socialiste a été en dessous de tout. Tous occupés à gérer leur fonds de commerce en vue des présidentielles de 2012, les barons du PS affichent leur incapacité à former une opposition forte à Sarkozy, contrairement aux chefs syndicaux. C'est dire.


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