François Legault a interpellé directement son homologue Justin Trudeau en lui demandant de fermer le chemin Roxham, où un flot record de personnes traversent illégalement la frontière, une situation «inacceptable» et «impossible à gérer» pour le Québec, selon lui.
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«Le gouvernement fédéral doit prendre ses responsabilités», a martelé le premier ministre Legault en rappelant que les Québécois paient des impôts pour qu’Ottawa s’occupe de gérer les frontières.
Notre Bureau parlementaire rapportait mercredi matin que Québec appréhende cette année un nombre record de traversées illégales sur le chemin Roxham, soit plus de 35 000 au rythme actuel, ce qui représente plus d’une centaine de passages par jour.
«On n’a pas cette capacité (d’accueil)», a signalé François Legault en point de presse.
«Une passoire», se désole Boulet
En plus de la capacité maximale d’hébergement temporaire, qui est atteinte, Ottawa prend actuellement prend jusqu’à 14 mois pour traiter les dossiers des demandeurs d’asile. «Le vrai problème, c’est le délai de traitement», considère le premier ministre.
Entre-temps, le gouvernement du Québec doit assumer une bonne part de l’aide financière versée aux demandeurs, notamment pour envoyer les plus jeunes à l’école.
Pour le ministre de l’Immigration, Jean Boulet, le chemin Roxham est devenu une véritable «passoire». «C’est reconnu à l’échelle internationale», se désole le ministre, qui a notamment pris connaissance de certains outils promotionnels dont se servent les réseaux de passeurs.
«Des progrès» assure Ottawa
Invité à réagir, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino a assuré que le dossier du chemin Roxham est «très important» pour lui et «qu’il y a des progrès» dans ses négociations avec les autorités américaines.
«Nous sommes en train de négocier avec les États-Unis une nouvelle entente» concernant les demandeurs d’asiles, a-t-il relaté.
Le ministre Mendicino a souligné l’importance, d’une part, de «défendre les droits des réfugiés», tout en assurant la protection des personnes.
Justin Trudeau, à son tour, ne s’est pas avancé davantage sur la fermeture éventuelle du chemin Roxham.
«On est pays qui accueille l’immigration parce qu’on a un système rigoureux. On va continuer de travailler avec les partenaires», a-t-il déclaré avant la période des questions.
«Je ne m’explique pas qu’un gouvernement responsable puisse tolérer que ce soit de façon irrégulière et anarchique que l’on reçoive un nombre aussi considérable de gens», a commenté de son côté le chef bloquiste Yves-François Blanchet.
Motion battue
Plus tôt dans la journée, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a accusé le gouvernement Legault d’avoir trop tardé à agir. «Ça fait cinq ans que le dossier traîne», a-t-il déploré. Le Parti québécois a d’ailleurs déposé, avec l’appui du ministre Boulet, une motion réclamant la fermeture du chemin Roxham, à laquelle le Parti libéral du Québec et Québec solidaire ont refusé de consentir. Le même phénomène s’est répété à Ottawa avec une motion initiée par le Bloc québécois.
Le député libéral Carlos Leitao considère pour sa part qu’il «serait contreproductif» de fermer le chemin Roxham sur-le-champ. «Ces personnes-là ne vont pas disparaitre, elles vont trouver un autre moyen de rentrer (au Canada)», a-t-il observé.
Québec solidaire croit également que la fermeture sans délai de ce lieu de passage serait une façon «simpliste» d’aborder un problème complexe. Le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, réclame une «approche humaniste et pragmatique» pour faire face à la situation. Tous s'entendent sur l'urgence de revoir l'entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, qui dans sa forme actuelle, encourage les demandeurs d'asile à emprunter le chemin Roxham.
- Avec Guillaume St-Pierre et Raphaël Pirro