Faces négligées de la crise financière et économique

Médiatisation démesurée

Tribune libre

La goutte de trop
Des analyses au chaud suggèrent que la crise serait le résultat d’un manque notoire de rigueur professionnelle de la part des banques «avides» qui auraient consenti des hypothèques stupides à des pauvres «candides». Faux. Elle est le fruit direct de la spéculation. Une habitation construite au coût réel de 100,000$, est vendue avec une plus value de 50,000$ en l’espace d’une année alors que la même maison serait reconstruite à même 105,000$. Elle est revendue et revendue par impulsions spéculatives jusqu’à 500,000$, à l’effet que tout acquéreur planifie et espère vendre à son tour avec des profits substantiels. Il est quasi évident que le château ne peut se tenir debout longtemps. Ce jeu de cartes en cartons profite aux premiers venus, au détriment des malheurs derniers, exactement comme dans les commerces basés sur le marketing pyramidal.
Crise médiatisée
Les médias se sucrent le bec avec la crise. C’est le propre des médias, me dira-t-on. Qu’en disent-ils ? De ce qu’elle n’est pas, ou a l’air d’être. Cette crise frappe dans ces présentes manifestations, les entreprises gravement atteintes du virus de la spéculation. Au Québec, le drame de la Caisse de Dépôts et des Placements (CDP) ne s’explique pas autrement que par le revers d’un jeu de hasard à la recherche de «primes de risques». Des années durant, des profits auront été enregistrés dans les livres, au grand bonheur des lecteurs et commentateurs de la «haute finance». Étaient-ils réels ces profits, ou plutôt volatiles sinon purement virtuels ? Une chose est sûre, ils auront donné lieu au paiement effectif de bons salaires et de primes substantielles de gérance, et fournis des munitions aux chasseurs de primes genre Liberté 55.
Depuis quand les médias en sont au parfum ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que la crise a réduit plusieurs usines d’ici en repaires d’araignées et certaines industries comme le textile, et bientôt si ce n’est déjà le cas l’automobile, en contes chimériques. La crise est là, depuis longtemps. A-t-on délibérément choisi de ne pas en parler ? Je ne pense pas. A moins d’y être contraints par la loi ou l’instinct auto-protecteur, ce n’est jamais le propre des médias de se la fermer. Il aura fallu soit un débordement du vase, soit un allumage de mèche, soit les deux, pour que personne de ce monde ne l'ait vue venir!
Les médias décrivent une crise cloisonnée à l’éclatement de la bulle financière, autrement dit le désillusionnement des magiciens de la «haute finance». Si tel est le cas, les médias n’aident pas à la solution, à rétablir le bon niveau de confiance indispensable pour remonter les téléfériques d’investisseurs. Mais la crise n’est pas que financière. Oui, la tour d’ivoire d’économie spéculative semble ne plus en mesure de résister. Plusieurs emplois à son chevet s’évaporent. Ce pendant, la tour ne s’écroule pas. Elle s’affaisserait, se dégraisserait.
Tout autour, l’économie traditionnelle suit son cours. Oui, elle aussi perd des plumes, sa grippe s’empire, ses compressions ne viennent pas de la bulle financière. Depuis plus de 5 ans, chez nous ou pas très loin, une après une des fermes ferment, des mines meurent, des usines tombent en ruines. Aux communes, l’appel d’aides aux forestières, à des entreprises du textile et de l’automobile, ne ferait que se répéter. Au fonds, la réalité ne change pas, du moins à date. Seulement, c’est un réflexe habituel des médias de masse de faire le show avec la mauvaise nouvelle, au mieux la plus dramatique. Assez souvent, eux aussi spéculent, excepté que leurs paris sont non risqués.
Ainsi, ils nous font croire que la crise est dans l’assiette, qu’elle est dans la maison. Paniqué, on jette l’assiette, et la nourriture avec. Peut-on craindre un effet papillon, ou Pygmalion ? Il se peut. Quelle entreprise n’investira des énergies à modérer ses ambitions, et donc à se mettre en mode proactif en réaction aux prophéties catastrophistes !
S’il est vrai que mieux vaut prévenir et se tromper que de dormir sur des lauriers, trop de boucane suffoque l’économie. Oui, il n’y a guère de feu sans fumée, mais la fumée se répand beaucoup plus vite et plus haut que les flammes, et traînera dans les airs longtemps après que le passage des pompiers. Hélas, j’ai cette triste impression que nos médias soufflent de la fumée, ma peur est de ne pas me tromper.
http://www.vigile.net/Du-mur-de-la-croissance-a-la
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L’obscur tunnel de la spéculation
Retour en amont de la crise financère et économique
Parfois les mésaventures éclipsent les glorieux parcours. Et inversement. Il en est ainsi des cycles de prospérité et de dépression économiques. Les turpitudes actuelles font obstruction aux exploits dont paradoxalement elles découlent. Quoi qu’on en juge, l’économie aura fait des progrès importants depuis l’invention de la roue, et durant les temps modernes, par la magie de la concurrence. On en connaît le facteur d’efficacité économique, soit l’information. Par leur arsenal de marketing, les entreprises contrôlent seules cette ressource, autant qu’elles sont seules maîtres de dosages sous emballage. Elle la manipulent à leur guise et la communiquent au consommateur par des codes complexes qui véhiculent l’illusion d’être branché. Ainsi, le même savon sera offert dans plusieurs commerces, sous des marques différentes, dans des formats diversifiés au design différencié, avec des quantités et des prix exprimés en fractions d’unités difficiles à comparer.
L’information économique et commerciale s’avère donc asymétrique, de sorte que souvent le consommateur paye beaucoup plus pour son ignorance que pour ce dont il a besoin. Il est évident que l’entreprise ne s’en plaindra pas, je dirais plutôt le contraire.
Au centre de ce cyclone d’informations, tourbillonne l’appât du gain. Le cycle présent de l’économie traduit une ère de gouvernance par et pour le profit. Tout le monde veut faire des profits, et plus de profits. On en est venu à chercher des profits à tout prix, y compris ne rien faire de plus que suivre le cri des chiffres et de magiciens courtiers interposés. Autant on vend ou achète des billets de loto, autant on fait circuler des titres de propriété ou des lettres de créance, des actions. On escompte l’avenir, empruntant sans gage. On vend l’espoir de gains, et on achète le rêve d’être riche. As-tu de quoi faire rêver ? Vends-le ! C’est le règne de la bourse.
Il n’y a plus meilleure référence que la côte de crédit, ou le cours en bourse. Tout le monde entend parler de bourse, mais qui sait comment ça marche ? Moins on sait, mieux ça marche ! Un jour ça monte, plus tard ça descend. Quand c’est trop bas, ce n’est pas bon mais c’est opportun. Le moral est alors glacial, les petits épargnants pris de panique vendent leurs billes au premier venu, qui les leur revendra comme des petits pains lorsque viendra la marrée haute. D’où sortirait-elle cette remontée ? Des coffres à chiffres ! Les vents favorables naissent d’annonces de profits record, réalisés ou espérés.
Boursicotière, l’économie ne tient plus des biens et des services, plutôt à l’art de marier la circulation de richesses à l’illusion de gains. Quand on perd au change, c’est qu’on aurait pu gagner aussi, mais c’est ainsi que le génie des taux en aura décidé. Outre l’effet primaire d’entraînement par le déséquilibre entre l’offre et la demande réelles des biens et services marchands, la nouvelle économie carbure à l’information et à la gestion de l’opinion. Le public et l’entreprise font ici équipe. On aime entendre que les entreprises ont fait des gains, importe peu contre qui. Les gestionnaires d’entreprises ne peuvent que tirer leur épingle du jeu. Chaque mois, chaque trimestre, à différentes périodes plus courtes que l’exercice, les comptables publient des résultats provisoires dont la logique se veut de battre les ceux des périodes précédentes et nourrir la confiance des épargnants.
L’enjeu ouvre largement la porte au dopage et à la spéculation, réglementaire ou déréglementée, voire criminelle. C’est ainsi que jusqu’en 2001 ENRON, alors fleuron des économies texane et américaine, a fait usage d’escroqueries comptables pour flouer ses actionnaires, avant de les assommer par l’agiotage qui a fait dégringoler de 80$ à moins de une pièce le prix de l’action en moins de un an. D’autres cas sont méconnus, en sursis d’éclatement ou résolus dans l’anonymat. Plus brillantes mais pas plus innocentes sont les innovations de «produits financiers», en particulier ceux dits «dérivés» dont l’existence n’est pas transcrite aux bilans réguliers. Encore une fois, l’ignorance ou l’impuissance du consommateur et de l’épargnant fertilise l’imagination spéculative. Ces transactions virtuelles influent presque instantanément sur l’offre d’utilités et les prix, pour remplir des caisses en appauvrissant les payeurs. Les yoyos du prix à la pompe ces dernières années illustrent bien la façon de faire d’une économie spéculative.

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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