Gentilly-2 et Pointe Lepreau

Exploitation contre-indiquée

Deux rapports volumineux du Japon et de la France tirent des leçons importantes de la catastrophe nucléaire de Fukushima

Actualité québécoise

Québec, le 11 juillet 2012 - Deux rapports volumineux du Japon et de la France tirent des leçons importantes de la catastrophe nucléaire de Fukushima et contre-indiquent les projets de réfection des centrales nucléaires Gentilly-2 au Québec et Pointe Lepreau au Nouveau-Brunswick.

Au Japon, une commission spéciale indépendante sur Fukushima, mise sur pied par le Parlement japonais, a publié le 5 juillet 2012 un rapport condensé de 88 pages (le rapport complet en japonais compte 630 pages), résumé d’une analyse approfondie de la série d’accidents nucléaires qui a débuté au Japon le 11 mars 2011. Contrairement à l’industrie nucléaire, qui attribuait la cause du désastre au tsunami dévastateur déclenché par un tremblement de terre de magnitude 9, la commission japonaise Fukushima voit la cause profonde dans une organisation déficiente du secteur nucléaire où règne la « collusion ». Car bien avant mars 2011, des scientifiques avaient prévenu les autorités qu’un tsunami dévastateur pourrait se produire et que les réacteurs nucléaires étaient menacés. L’agence de réglementation nucléaire japonaise n’avait rien fait pour imposer des correctifs. Le rapport mentionne la possibilité que le séisme lui-même ait causé des dommages à la centrale.

En France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a publié à la fin de juin 2012 un rapport de 512 pages informant l’industrie de nouvelles mesures qui seront imposées afin de diminuer la probabilité d’accidents nucléaires graves et d’y faire face quand ils se produiront. L’ASN parle d’un investissement massif pour atteindre ce but et de la formation d’une équipe d’urgence nucléaire.
Au Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a organisé le 3 mai à Ottawa une réunion publique sur les leçons de Fukushima. Mais contrairement aux Japonais et aux Français, qui insistent sur la nécessité de respecter rigoureusement les normes sismiques, la CCSN a accordé en février 2012 le permis d’exploitation du réacteur de Pointe Lepreau, en fin de réfection, même si celui-ci pourrait être victime d’un séisme dépassant sa valeur de résistance sismique due à sa conception.
Les déclarations publiques et les courriels du président de la CCSN, le Dr Michael Binder, montrent que la CCSN se prépare à accorder à Hydro-Québec le permis de réfection et d’exploitation de Gentilly-2 malgré le non-respect des normes sismiques et les problèmes techniques non maîtrisés. Construit au début des années 70 dans un contexte de normes sismiques moins contraignantes, le réacteur nucléaire de Gentilly-2 à Bécancour n‘a pas été conçu pour résister aux tremblements de terre auxquels résisteraient des édifices à bureaux modernes dans la région. Malgré nos demandes répétées, la CCSN a refusé d’en informer le public de manière objective et scientifique, contrevenant ainsi à l’article 9 de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires de 1997.

À la fin août, aura lieu à Vienne un congrès international sur Fukushima. La CCSN y représentera le Canada, mais les déclarations et les écrits de ses haut placés soulèvent une question fondamentale: est-ce que la CCSN révélera-t-elle à Vienne son non-respect de la loi canadienne sur le nucléaire et donc des recommandations des importants rapports japonais et français concernant la transparence envers le public?
Chaque jour amène de nouvelles interrogations quant à la sécurité des centrales CANDU. Un rapport fédéral s’inquiète de la dégradation du béton (réactions alcalis-silice) dans l’enceinte de confinement de Gentilly-2, un problème récurrent dans les infrastructures routières du Québec. D’autre part, depuis le 9 juillet les employés en grève de SNC-Lavalin (qui a acquis en 2011 Énergie atomique du Canada limitée) soulignent le comportement irresponsable de leur nouvel employeur qui, disent-ils, veut couper des postes occupés par des employés compétents et expérimentés, pour épargner leurs salaires au détriment de la sécurité.
En conclusion, nous signalons le besoin d'une commission d'enquête indépendante afin d'informer pleinement le public sur l'énergie nucléaire au Canada et de réduire le risque d'un accident nucléaire grave. Le rapport japonais a montré une situation préoccupante de «collusion» impliquant l'industrie nucléaire, l'organisme de réglementation et le gouvernement, au détriment du public. Dès le début, les Japonais soulignent l’idée que leur rapport est destiné au Japon et au monde entier. Nous posons cette question : y a-t-il des raisons de croire que le rapport japonais formule des leçons pour le Canada en ce qui concerne la gestion de la réglementation des activités nucléaires? Une commission d'enquête indépendante pourrait sans aucun doute répondre à la question.

Michel Duguay, Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire
418 802-2740 , michel.duguay MPJ gel.ulaval.ca
Sharon Murphy, CCNB Action
506 639 9929 , sharon_e_murphy MPJ hotmail.com

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Michel Duguay4 articles

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Professeur à l’Université Laval, Département de génie électrique et de génie informatique. L’auteur détient un doctorat en physique nucléaire de l’Université Yale aux USA, et il a effectué des travaux de recherche dans plusieurs domaines, dont les lasers et l’énergie solaire.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juillet 2012

    Nous devons fermer Gentilly 2. Cette source d'énergie peut être remplacée par d'autres énergies qui ont moins d'impact sur la santé de la planète et de ses habitants.
    L'heure est au développement durable. Les 750 emplois serviront au déclassement et au développement d'énergies renouvelables comme le biogaz, l'éolien, la géothermie, le solaire. Il est aussi temps de réduire notre consommation d'énergie. Cela est aussi une source de création d'emplois pour créer et mettre en place de nouveaux modèles de consommation.
    Diane Noury