Européennes : tiens, le protectionnisme est devenu tendance !

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La politique commerciale américaine se répercute même en Europe

C’est un fait : les candidats aux élections européennes qui ont lieu dimanche 26 mai tiennent quasiment tous un discours plus ou moins protectionniste. Bien sûr, tous ne revendiquent pas le terme, mais quel que soit leur camp politique, les principales listes ont panaché leurs programmes de mesures de protection économique. Les réponses au questionnaire que Marianne a adressé aux têtes de liste sont, à cet égard, révélatrices. Sur 12 candidats interrogés, 11 s’opposent aux négociations commerciales ouvertes en avril entre l’Union européenne et les Etats-Unis (seul Jean-Christophe Lagarde, de l’UDI, fait exception). Par ailleurs, la plupart des têtes de liste plaident pour l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’UE, ou encore pour réformer le droit de la concurrence afin de favoriser des fleurons européens face aux géants américains et chinois.


Le sujet divisait beaucoup plus lors des dernières élections européennes, en 2014. Marine Le Pen plaidait alors pour un « protectionnisme intelligent », tandis que le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon et Europe Ecologie-Les Verts ferraillaient contre le traité de libre-échange transatlantique (Tafta). Les socialistes, divisés, tentaient de se mettre d’accord sur un « juste échange » assez flou, tandis que la droite tenait un discours classiquement libéral. « Le protectionnisme ne peut pas être un mot employé par un parti de gouvernement », se récriait même Jean-François Copé, patron de l’UMP à l’époque.


Hollande voyait le protectionnisme comme "la pire des réponses", le PS propose aujourd'hui un "Buy European Act"...


Aujourd’hui, ils sont de moins en moins nombreux à rechigner à prononcer ce mot autrefois vilipendé. Certes, chacun le cuisine à sa sauce : c’est un « protectionnisme vert » pour l’écologiste Yannick Jadot, un « protectionnisme solidaire » pour l’Insoumise Manon Aubry... Il n’en reste pas moins que certaines conversions sont dignes du chemin de Damas. Alors que François Hollande voyait encore le protectionnisme comme « la pire des réponses » à la fin de son mandat, le Parti socialiste associé au mouvement Place publique propose aujourd’hui un « Buy European Act » qui favoriserait les produits européens. « Nous assumons une forme de protectionnisme », a d’ailleurs déclaré début mai sa tête de liste, Raphaël Glucksmann. Quant à la liste Les Républicains de François-Xavier Bellamy, elle a inscrit dans son programme une « double préférence » européenne et française, « en assumant de donner la priorité à nos entreprises et nos emplois ».


Même Emmanuel Macron, chantre du libéralisme économique et de « l’ouverture », a changé de ton. « Le protectionnisme, c’est la guerre, c’est un mensonge, c’est le repli », tempêtait le 26 avril 2017, dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, celui qui affrontait alors Marine Le Pen. Devenu président, le même vante aujourd’hui en boucle « une Europe qui protège ». Et le programme de la liste de La République en marche, menée par Nathalie Loiseau, propose une directive pudiquement intitulée « Ethique des entreprises », qui « interdira l’accès au marché européen à toute entreprise ne respectant pas les exigences sociales et environnementales fondamentales ».



Tous protectionnistes ou presque : le résultat d’une évolution générale sans doute accentuée par la colère des gilets jaunes, qui a retenti en France comme un cri de détresse des perdants de la mondialisation. Depuis les dernières élections européennes, les droits de douane de Donald Trump et l’invasion de panneaux solaires chinois en Europe étaient déjà passés par là. Même la Commission européenne a mis un peu d’eau protectionniste dans son vin libéral, en renforçant les mesures antidumping et en mettant les investissements étrangers sous surveillance. Pas assez, visiblement, pour donner une réalité tangible à la fameuse « Europe qui protège ». Ce qui explique que la plupart des candidats aux européennes s’échinent à la promettre.