Votre détermination a poussé le Parti québécois à s’engager, s’il prend le pouvoir, à geler les frais de scolarité, même rétroactivement pour l’année en cours, et à organiser un débat en profondeur sur la mission, la gestion et le financement des universités. Le parti qui peut raisonnablement espérer former le prochain gouvernement prend ainsi le risque d’affronter une opinion publique plutôt hostile pour défendre votre cause. Dans le contexte politique et social des dernières années, c’est une grande victoire et, je pense, la plus grande victoire possible. Vous n’aviez pratiquement aucune chance de gagner quoique ce soit sur le fond de la question. Une grève mène généralement à un compromis dans un délai raisonnable lorsque les deux parties subissent des pertes en raison de l’arrêt des activités. Dans le cas présent, un des protagonistes qui n’avait plus rien à perdre et qui a initié le conflit, avait calculé qu’il allait profiter de l’étirement de ce conflit. Les sondages semblent maintenant lui donner raison.
On peut se poser des questions sur la qualité de certains sondages mais il semble bien que vous ayez perdu la bataille de l’opinion publique. Cette bataille était bien inégale au départ, compte tenu de l’appui inconditionnel dont jouit l’approche néolibérale de Jean Charest dans les médias. Cependant, au début du conflit environ la moitié de la population soutenait les étudiants sur la question de fond, soit la hausse dramatique des frais de scolarité. Je regrette que vous n’ayez pas mené cette bataille de l’opinion publique. Il me semble que vous avez misé sur la faiblesse du premier ministre, et sur son ambition d’être réélu, en choisissant une stratégie dérangeante pour la population et visant à créer assez de troubles pour le faire reculer. On ne peut pas demander aux étudiants de contrôler les casseurs, ils sont toujours là, jouant le jeu des pouvoirs en place. Cependant, il est assez clair que le mécontentement populaire faisait partie de votre plan d’action.
Une stratégie ne recherchant aucunement le support de l’opinion publique présentait un risque élevé d’échec, et c’est ce qui s’est produit, mais surtout cette stratégie a été très néfaste à l’image des étudiants. Les étudiants ont été perçus comme un autre lobby qui défendait ses intérêts, aux dépends des intérêts du reste de la collectivité payant les impôts. Il s’agit donc d’un choix de stratégie qui ne rend pas justice à vos valeurs fondamentales. Il est évident que votre mouvement a trouvé sa force dans la conviction que la lutte que vous meniez était juste et qu’elle était importante pour les étudiants futurs et pour l’ensemble de la collectivité. Votre lutte représente une leçon de mobilisation et solidarité pour les québécois mais sur le plan stratégique vous n’avez pas encore démontré votre capacité à faire de la politique autrement.
Si votre victoire n’est pas complète, votre détermination a sûrement ébranlé les certitudes d’une partie de la population. Pourquoi appliquer le principe d’utilisateur-payeur à des jeunes qui ne sont pas en mesure de payer parce qu’ils sont encore en formation? Est-ce juste de leur demander de s’endetter, même si on leur promet que s’ils se retrouvent en difficulté on va toujours leur laisser leur chemise et leurs sous-vêtements? Comment arrêter le rouleau compresseur néolibéral qui saigne de plus en plus la classe moyenne alors que les riches sont de plus en plus riches? Quant à cette dernière question, même si ce n’est pas pour cette fois, tout le monde a compris qu’en descendant massivement dans la rue le peuple peut démontrer qu’au bout du compte c’est lui qui détient le pouvoir.
Vous n’avez plus rien à gagner dans la rue. Vous avez fait plus que votre leur juste part. Vous avez rejeté avec raison une dernière proposition méprisante. La meilleure stratégie maintenant serait de rentrer en classe, de sauver votre session et, ainsi, de ne pas donner une chance à la réélection de Jean Charest.
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2 commentaires
Pierre Gouin Répondre
13 mai 2012Une de mes craintes c'est que Charest démissionne en invoquant la crise et qu'il déclenche des élections. Ma conclusion, ce n'est qu'une opinion, merci de commenter. Cependant, je crois qu'en gros les sondages montrent une opinion publique plutôt défavorable.
Jean Lespérance Répondre
13 mai 2012M.Gouin,
Vous vous fiez sur des sondages pour démontrer que vous avez raison. Mais si les sondages étaient bidons, ce que je crois car si les sondages étaient comme vous dites, Charest aurait déclenché des élections avant le 24 juin. Il se fie sur le grand mensonge de faux sondages.
Des sondages, c'est très payant. En période où le pouvoir risque de perdre sa chemise, les firmes de sondages, Crotte et Lisier Marketing risquent de perdre des millions.
Si les étudiants persistent, c'est vrai qu'ils vont perdrent une année ou redoubler une année mais comment allez-vous mettre tous les étudiants qui redoublent dans des écoles
surchargées où il manque déjà de place?
Ça on n'en parle pas, mais c'est la réalité qui trouble grandement le gouvernement.
C'est en parlant avec un professeur hier à la manif que j'ai appris la gravité de la situation.
Charest va proposer sûrement une amende de $100,000. pour chaque étudiant qui ne rentrera pas, mais il y a bien des étudiants qui s'en fichent.
Les étudiants ne se battent pas juste pour un caprice de sous, ils se battent pour un principe. S'endetter pour enrichir des multimillionnaires et des milliardaires, ça les enrage et ils disent: assez, c'est assez.