État d’urgence : la légalité des contraventions remise en question

Il faut contester ces contraventions ridicules








Près de 5000 personnes ont reçu des contraventions. Des avocats doutent de la légalité de certaines mesures imposées durant la pandémie de coronavirus...










En Nouvelle-Écosse, des contraventions pouvant s’élever jusqu’à 1000 $ pour les individus et 7500 $ pour les entreprises et organismes peuvent être données en vertu de la loi sur la protection de la santé, et ce, pour différentes raisons.



Une personne pouvait par exemple recevoir une amende si elle se trouvait dans un parc lorsque ceux-ci étaient fermés.



Un commerçant, lui, s’exposait à une contravention salée s’il restait ouvert malgré l’interdiction.





En date du 14 mai à 9 h du matin, c'étaient 526 contraventions qui avaient été distribuées dans la province par les différentes forces policières.



Selon les auteurs du projet Policing the Pandemic, 4575 contraventions ont été données par les corps policiers au Canada entre le 14 avril et le 1er mai 2020. Ces amendes totalisent 5,8 millions de dollars.



Les provinces qui avaient distribué le plus de contraventions sont le Québec (3048), l'Ontario (930) et la Nouvelle-Écosse (516 à ce moment-là). Les villes de Montréal (1848), Toronto (594) et Halifax (216) occupaient les trois premières places.




Des policiers dans un parc à Montréal le 2 mai 2020. Photo : Radio-Canada




Des policiers dans un parc à Montréal le 2 mai 2020. Photo : Radio-Canada





Des atteintes aux droits injustifiées, selon des juristes



Certains avocats estiment que plusieurs des mesures vont à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.



La mise en place d'un état d’urgence permet aux gouvernements d’empiéter sur les droits et libertés dans des limites raisonnables, mais c’est justement cette notion de limite raisonnable qui fait réfléchir Thomas Singleton, un avocat de la région d'Halifax.



Me Singleton croit que la Nouvelle-Écosse, comme d’autres provinces, a été trop répressive sous certains aspects. Il évoque, entre autres, la fermeture des parcs et des plages. « Ça ne me semble pas proportionné au but d’empêcher la propagation de la COVID-19 » , explique-t-il.



Fermés en mars, les parcs en Nouvelle-Écosse ont finalement été rouverts le 1er mai et les plages publiques, le 16 mai.



Contester sa contravention



Certains juristes recommandent à ceux à qui la police a remis une contravention de la contester, s’ils jugent que cela allait à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.



« Ils ont le droit de contacter un avocat et il y a plusieurs avocats qui prennent des cas comme ça sans frais» , dit Me Thomas Singleton.



L’aide juridique en Nouvelle-Écosse souhaite aussi venir en aide aux personnes qui auraient reçu une amende. L’organisme encourage les gens à se prévaloir de ses conseils juridiques gratuits.



Citoyens marginalisés



Ce ne sont pas toutes les contraventions qui peuvent être contestées, selon l’avocat de l’aide juridique Josh Nodelman.



Il estime toutefois qu’il y a de vrais problèmes dans l'application de certaines des mesures imposées en réaction à la pandémie.



« Franchement, je suis profondément préoccupé par le cas des premières personnes à qui j'ai parlé, dit l'avocat Nodelman. Il y a toujours eu de l'inquiétude parmi plusieurs avocats de l'aide juridique que l'exécution de la loi allait cibler de façon disproportionnée les individus dans des situations vulnérables. »



Plusieurs personnes ayant contacté l'aide juridique sont des immigrants qui ont encore de la difficulté avec les langues officielles, dit-il. Il donne en exemple une famille de nouveaux arrivants avec trois enfants ayant reçu des contraventions dans un parc.



Mark Furey, ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse et policier de la GRC pendant 32 ans avant son entrée en politique, rejette ce commentaire et affirme qu’il n’y a aucune preuve démontrant que la police cible certains groupes de personnes.





Mark Furey, ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, le 22 mars 2020. Photo : Radio-Canada




Mark Furey, ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, le 22 mars 2020. Photo : Radio-Canada





« S’ils estiment avoir été traités avec manque de respect et manque de professionnalisme, ils ont des options », dit le ministre Furey, qui suggère aux individus de porter plainte à la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse et auprès du Commissariat des plaintes contre la police.



Les avocats devront prouver que les ordonnances étaient rédigées de manière trop large et reflétaient trop un comportement qui, pour la plupart, n'était dangereux pour personne , explique Josh Nodelman, l'avocat de l'aide juridique.



Une personne est automatiquement reconnue coupable après 60 jours si elle ignore un constat d'infraction, mais cette façon de faire a été suspendue à la mi-mars puisque l'appareil judiciaire est paralysé par la pandémie. Si cette suspension n'est pas prolongée, les déclarations automatiques de culpabilité pourraient reprendre dès la semaine prochaine en Nouvelle-Écosse.