« Et voilà que la vérité commence enfin à sortir sur la corruption des médias établis… »

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Médias collabos




En 1400, le conquérant turco-mongol Tamerlan prenait la cité d’Alep, maintes fois conquise, tant de fois perdue. Les habitants de la ville devaient être systématiquement massacrés. Et de leurs têtes arrachées, les conquérants allèrent faire une tour, de près de vingt mille crânes, afin de que tous voient la puissance implacable du chef de guerre.


600 ans plus tard, l’histoire se répète. Mais pourtant, une différence fondamentale existe. Aux chroniqueurs du Moyen-âge rapportant de modestes informations a succédé un chaos de news aux origines incertaines. Bien sûr, nous avons les medias reconnus dont les journalistes trient les informations, mais le Web draine un flux continuel et sans cesse renouvelé d’images, de films, de témoignages ou de rapports sur lequel nous avons peu de prise. Et à moins de vivre en-dehors de l’ère numérique, nous sommes peu ou prou asphyxiés par ce flot et soumis à des effets de propagande. Le journaliste Guy Mettan le rappelait il y a peu « Et voilà que la vérité commence enfin à sortir sur la corruption des medias établis dans leur couverture des événements en Syrie et en particulier à Alep » [c’est nous qui soulignons, ndlr].


Alep, la ville martyre, est sans doute l’un des champs de bataille dont émanent le plus d’images et de scènes abjectes inondant les réseaux sociaux, frappant inéluctablement les esprits des spectateurs, instrumentalisant les opinions. Mensonges et désinformation, la guerre se mène à coup de kalachnikov et d’obus mais aussi de slogans et d’images choquantes assénées au détour de YouTube et de Facebook, destinés à semer la confusion, à détourner les attentions, à édulcorer les responsabilités.


Alep est-elle l’écueil sur lequel le droit international s’est délité, comme le prétend l’écrivain Raphaël Glucksmann ? Est-elle le tombeau de l’ONU ? Une vision bien fataliste que l’on ne comprend que trop bien lorsque l’on constate l’impuissance des mécanismes devant garantir la paix dans le monde mis en place au cours des septante dernières années.


Sans remonter aux grands massacres historiques du XXe siècle ; l’Holodomor ukrainien de 1933, le génocide des Arméniens ou la Shoah, qui datent d’un temps durant lequel aucun tribunal ne siégeait pour juger des crimes de guerre, pensons aux boucheries dont nous sommes les contemporains. Et à ces mots prononcés à chacun de ces naufrages de l’humanité, « Plus jamais ça ! ».


Le génocide perpétré par les Khmers rouges au Cambodge de 1975 à 1979, « Plus jamais ça ! », le massacre de Sabra et Chatila en 1982, « Plus jamais ça ! », le massacres des kurdes de 1989, « Plus jamais ça ! », l’holocauste des Tutsi au Rwanda en 1993, « Plus jamais ça ! ». Et que dire de cet autre conflit en cours dans le Sud Soudan, bien moins médiatisé, et dont on peine à trouver les termes pour en décrire les horreurs : garçons émasculés, viols collectifs de fillettes, bûchers d’enfants jetés vifs dans les flammes, cannibalisme forcé entre les membres de mêmes familles[1] ? Peut-être pourrions-nous dire que les enjeux économico-politique de la région ne méritent pas la guerre médiatique mis en œuvre pour le Proche-Orient ?


Les guerres civiles sont les pires, car elles déchirent et fragmentent des communautés parentes avec comme seule logique, non pas la victoire, mais l’annihilation de l’autre ; des guerres de partisans n’obéissant à aucun code militaire, à aucune loi de la guerre, basées sur des idéologies nourries de contentieux parfois ancestraux, donnant aux uns et aux autres une impression de légitimité dans l’application d’une violence menant au crime. Alep, épisode sanglant venant s’ajouter aux charniers du Proche-Orient, est une démonstration supplémentaire de cette banalité du mal qu’Hannah Arendt avait si bien défini en 1961, lors du procès d’Adolf Eichmann. Justice avait alors été faite. Espérons qu’il en aille de même avec les tortionnaires, quels qu’ils soient, de Syrie et d’Irak. Car si le droit international ne parvient pas à se faire entendre entre les rafales de mitrailleuses et les explosions, il reprend la plupart du temps le dessus lorsque les cendres sont retombées.


L’exemple du procès pour crime de guerre mené cette année par le parquet fédéral allemand contre le djihadiste Aria Ladjedvardi[2], autant que celui contre Radovan Karadžić, le « boucher des Balkans », condamné cette année également par le Tribunal pénal international à 40 ans d’emprisonnement pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, sont là pour nous rappeler que l’espoir de la justice demeure.



Par Christophe Vuilleumier | 17.12.2016





[1] Gustavo Kuhn, « Le Soudan du Sud sombre dans l’horreur », Tribune de Geneve (2 juillet 2015), http://www.tdg.ch/monde/Le-Soudan-du-Sud-sombre-dans-l-horreur/story/20735512. Vincent Defait, Le Monde (29 octobre 2015), www.lemonde.fr/afrique/article/2015/10/29/l-union-africaine-publie-avec-un-an-de-retard-son-rapport-sur-les-exactions-au-soudan-du-sud_4798983_3212.html.






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